Faith « Zéphyr » Herbert : une nouvelle génération de super-héroïnes ?

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Faith Herbert est une psiotique qui a découvert ses pouvoirs sur le tard. Sa maitrise de la télékinésie lui permet de voler et de contrôler les objets autour d’elle, ainsi que de dresser un champ de force protecteur. Sous l’identité de Zéphir, elle a fait partie d’un groupe de super-héros qui a sauvé le monde d’un super-méchant… comme de bien entendu. Elle a aussi déjoué une invasion extra-terrestre en solo, évité l’anéantissement de l’humanité par un robot voyageur temporel et lutté contre un groupe de super-vilains qui voulaient l’éliminer, elle. Cependant, son quotidien nocturne consiste surtout à empêcher de vulgaires cambrioleurs de commettre leur forfait. Le jour, sous le nom de Summer Smith, elle est une simple pigiste d’un site d’informations cherchant le sensationnalisme. Toutefois, ses collègues ont rapidement découvert son identité super-héroïque, ce qui ne l’a pas empêché de continuer à vivre une vie de femme « normale » à Los Angeles. Malheureusement, il y a toujours un vilain qui cherche à se mettre en évidence dans ce fichu monde gouverné par le sensationnalisme et les nouveaux médias grand-public.

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Apparue dans la série Harbinger en 1992, puis membre important de la série Harbinger Renegade (débutée fin 2017), Faith « Zéphyr » Herbert a aussi bénéficié de son propre titre début 2016. Cela a commencé tout d’abord avec une mini-série de 4 épisodes puis une autre, plus développée, totalisant 12 numéros. Une troisième mini-série de 4 chapitres a été proposée à partir de mi-2017. Enfin, Faith: Dreamside est annoncée pour la rentrée 2018, alors qu’une adaptation cinématographique est attendue (Sony aurait commencé à travailler sur le projet sans qu’aucune annonce officielle ait été faite). Elle est ainsi devenue en peu de temps un personnage important pour son éditeur américain, Valiant. Il faut dire que son physique n’est pas passe-partout, et elle promène son embonpoint avec bonhomie. Surtout, il s’agit d’une « geek » assumée, fan de la série Dr. Who, ce qui ne peut que plaire à une grande partie du lectorat actuel.

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Valiant Entertainment est un éditeur peu connu en France alors qu’il a réussi à trouver sa place aux USA en un peu moins de trente ans. Fondée à l’origine par un transfuge de Marvel, puis rachetée par l’éditeur de jeux vidéo Acclaim, la maison d’édition a survécu à la disparition de ce dernier en 2004, même si cela a créé un long hiatus, le temps de réorganiser les différentes publications. Début 2018, l’éditeur a été racheté par un groupe de média et divertissement sino-américain, DMG Entertainment. La tentative de Panini d’importer l’univers de Valiant dans notre contrée a échoué il y a quelques années. En 2016, l’éditeur Bliss Comics est créé pour publier les séries Valiant en francophonie. Le succès semble être au rendez-vous puisque après des débuts effectués au format numérique, de neuf titres sortis en 2016, puis une vingtaine en 2017, Bliss devrait sortir entre 23 et 25 titres en 2018. L’éditeur français privilégie les intégrales à la segmentation par tomes des œuvres originales, même si cela est de moins en moins vrai. Un choix qui semble payant, d’autant plus que chaque série est conçu pour fonctionner indépendamment tout en faisant partie d’un grand tout, l’univers de Harbinger.

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Faith « Zéphyr » Herbert est une héroïne bien loin des canons de beauté super-héroïque. Elle n’est pas sculpturale comme nous avons l’habitude de le voir, surtout depuis la stylisation de plus en plus poussée du corps des personnages. Lorsqu’on regarde l’évolution de la représentation des super-héros entre les années 1930 et les années 2010, on s’aperçoit que cette stylisation des corps, qu’ils soient masculins ou féminins, a commencé à se mettre en place dans les années 1970, pour s’amplifier durant les années 1980 et prendre la forme que l’on connait maintenant dans les années 1990. Le graphisme a perdu petit à petit ses rondeurs pour devenir de plus en plus angulaire (à l’instar de ce que l’on peut aussi observer dans le manga). L’utilisation de plus en plus poussée de Photoshop et des effets de dégradés (ce qui rend la colorisation de la plupart des comics books si immonde) a amplifié cette exagération des formes et cette agressivité graphique. Faith, de par ses formes rebondies, va à l’encontre de cette évolution. Cependant, elle est un peu seule, comme on peut le constater dans, par exemple, Faith et la Future Force avec Neela Sethi.

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Cependant, le dessin est globalement plus rond qu’angulaire, ce qui le rend agréable, surtout pour celles et ceux qui, comme moi, ne supportent pas le style « classique récent » super-héroïque. Notons que le graphisme de Pere Pérez semble un peu plus personnel que celui de Francis Portela. Les scènes de rêve sont assurées par Marguerite Sauvage, ce qui crée une rupture franche et réussie. Les couleurs sont malheureusement un peu trop « américaines » et « photoshopée » mais cela ne passe pas trop mal.

Faith est donc en situation de surpoids. Elle représente ainsi une minorité (pas si petite) visible, notamment aux USA.  Si les afro-américains réussissent, difficilement, à se faire une place de plus importante, avec des rôles moins secondaires, dans l’industrie du divertissement (notamment grâce au succès un peu inattendu du personnage de Black Panther dans le film éponyme), que l’apparition en 2014 de Kamala Khan, une Miss Marvel d’origine pakistanaise et de confession musulmane a fait bouger certaines lignes. Faith devrait en faire bouger d’autres, dans un domaine peut-être moins médiatisé ou polémique, mais qui n’en est pas moins important pour de nombreuses personnes, filles ou garçons.

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L’autre point appréciable de la série est le ton humoristique employé par la scénariste, Jody Houser. Il en résulte une lecture légère, bien loin du sérieux artificiel de nombre de séries Marvel ou DC (même si cela est moins vrai depuis quelques temps). Ceci dit, comme on me l’a fait remarquer, cette légèreté, ce courant de positivisme, pouvant sembler un peu crétin tant l’évolution actuelle du monde (pas seulement Occidental) ne peut qu’entrainer un certain pessimisme, est à la mode dans la bande dessinée américaine, à l’instar d’un titre comme Ecureuillette contre l’univers Marvel (sauf que ce cas, j’ai détesté). Les deux récits ont d’ailleurs de nombreux points commun, notamment d’être à la mode « geek ». Cependant, faire de Faith une fan de comics et de jeux de rôle permet de créer une distanciation bienvenue dans les histoires concoctées par la scénariste et sert de ressort humoristique dont l’utilisation est réussie, ne demandant pas d’être « geek » soi-même pour en apprécier l’humour, même si cela fait rater de nombreuses références. Les exemples sont nombreux, mais c’est avec la partie intitulée « Les Conventions, cet univers impitoyable » et avec la mini-série Faith et la Future Force que ce mécanisme s’exprime le mieux.

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Il est peut-être encore un peu trop tôt pour affirmer que Faith « Zéphyr » Herbert est la représentante la plus emblématique d’une nouvelle génération de super-héroïnes. Ce sera le succès commercial de son éventuelle adaptation cinématographique qui en décidera, vraisemblablement. Néanmoins, elle participe incontestablement à un mouvement plus général concernant la représentation des femmes, ici, dans un médium relevant de la culture populaire, mais elle pourrait toucher un public beaucoup plus large dans le futur.

7 réflexions sur “Faith « Zéphyr » Herbert : une nouvelle génération de super-héroïnes ?

  1. Cela fait quelques temps que j’aimerais lire ce comics, mais bon, une série de plus. Le côté « reférences geek » ne me parle plus trop dernièrement, je n’étais pas au courant que ce titre y recourait. Si je le trouve en magasin (ce n’est encore jamais arrivé), j’y jetterai un coup d’oeil et j’aviserai.

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      • VO. Je vis en Angleterre et je visite le rayon comics des deux librairies généralistes (la même chaine) près de chez entre 3 et 5 fois par semaine (je suis un tantinet obsessionnel). Sachant qu’elles ont malheureusement tendance à proposer les mêmes titres. Il m’arrive régulièrement de tomber sur des titres que j’avais envie de lire, la dernière série d’un auteur que j’apprécie, et ainsi de suite. Par contre ils se focalisent plutôt sur les premiers tomes ou sur le dernier en date des séries à succès, pour le reste il faut commander. Pour cela je passe par le site internet de la chaine en question et je vais récupérer mes livres en magasin. En commandant directement au libraire je cours le risque d’une erreur en raison de la différence de langue et de mon accent, donc je préfère éviter.

        J’ai aussi une boutique spécialisée, mais je me suis déjà étendu dessus sur mon blog : elle ne propose que des numéros simples d’une vingtaine de pages chacun, ce qui ne correspond pas à ma façon de lire les comics, là où les librairies ne vendent que des recueils similaires à ce que nous pouvons trouver en France. Donc cela fait des années que je n’y vais plus.

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      • Je vois… Concernant la boutique spécialisée, celle que j’ai faite à Orlando proposait principalement des singles mais il y avait une partie « graphic novel » remplie de TPB (et un peu de hardcover, mais pas de « vrai » graphic novel). Après, je n’ai pas regardé ce qu’il y avait précisément. En fait, je m’intéressait surtout à leur rayon manga (assez pauvre). Les librairies spécialisées Pulp et Album de St Germain sont largement mieux achalandées en TPB… Il faut le faire quand même.

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  2. Ce que j’ai constaté dans les pays anglo-saxons, c’est que les passionnés de comics iront plutôt vers les single issues, là où les amateurs et les lecteurs occasionnels préféreront les recueils. Tandis qu’en France, nous avons historiquement été habitués aux recueils, au pire aux magazines que nous trouvons en kiosque et comprenant un numéro de trois ou quatre séries. Il y a eu peu de tentatives de vendre des numéros simples en France (par exemple Panini Comics au début du label Ultimate de Marvel). Pulp et Album s’adaptent à leur public.

    Après, la boutique près de chez moi reste de taille réduite, et le propriétaire n’a probablement ni l’espace ni les moyens d’investir à la fois dans les numéros simples et dans les recueils, à quelques exceptions près. A contrario, j’ai visité deux boutiques de taille plus conséquente à Manchester, et elles proposaient toutes deux une très importante sélection de recueils en plus des single issues. Et des Funko Pop, beaucoup, beaucoup de Funko pop…

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    • Ah, je ne voyais pas ce que voulait dire le terme « Funko Pop ». Là, je confirme que j’en ai vu plein, que ça soit dans la boutique spécialisée, dans les magasins de la chaîne BaM, et même dans les Games Stop (une chaine de jeux vidéo) visités. J’en vois même à Paris 🙂

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