
De nombreuses expositions se déroulent actuellement sur Paris dans le cadre de Japonisme 2018. Ces trois derniers mois, et avant d’aller voir Japon japonismes aux Arts décoratifs, nous avons pu aller à Jômon, naissance de l’art dans le Japon préhistorique à la Maison de la Culture du Japon à Paris, Meiji, splendeurs du Japon impérial (1868-1912) au Musée Guimet et Manga ↔ Tokyo à la Grande Halle de la Villette. Or, des trois, c’est bien la dernière qui s’est révélée être la plus intéressante, peut-être parce que c’était celle dont j’en attendais le moins (du fait de son positionnement supposé grand public), les deux autres se révélant être plus ou moins décevantes (Jômon pour sa petitesse, son manque de variété et de mise en contexte, Meiji pour son déséquilibre entre une première partie intéressante, une deuxième répétitive et une dernière un peu gavante).
Une introduction monumentale
La première salle (autour de laquelle toute l’exposition s’organise) en jette, et pas qu’un peu. En effet, une maquette au 1/1000e de la ville de Tokyo (de sa partie principale, plus exactement, ce qui représente tout de même une surface de 16 mètres sur 22) surplombée par un écran géant passant en boucle des extraits de films de jeux vidéo et d’animés. Impressionnant ! Plusieurs cartels et écrans sont positionnés autour de la maquette, situant lesdits extraits dans la ville et les présentant. Efficace ! Après en avoir fait le tour, admiré la tour de Tokyo, et les différents cours d’eau qui traversent la mégapole, il ne reste plus qu’à rejoindre le premier des cinq îlots thématiques situés à l’étage.
Une exposition en mezzanine
En effet, il faut aller en mezzanine pour entrer dans le vif du sujet. La première zone nous présente un petit groupe de destructeurs de la ville de Tokyo, à commencer par le célèbre Godzilla. En effet, la capitale du Japon a subi plusieurs destructions (et donc reconstructions) au cours des siècles passés, de l’incendie d’Edo en 1657 au tremblement de terre de 1923, sans oublier les bombardements américains pendant la Seconde Guerre mondiale. Par le biais de différentes reproductions (il y a très peu d’originaux d’exposés), malheureusement parfois un peu trop petites (surtout quand il s’agit de photos), l’exposition nous montre comment le passé se retrouve dans la pop culture actuelle, que ce soit les films, l’animation et des jeux vidéo. Je dois avouer que j’ai eu très peur que le manga (papier) soit le grand oublié et que sa présence soit uniquement liée à ses adaptations sur d’autres supports, tel l’incontournable Akira. Heureusement, mes doutes ont été rapidement dissipés, et même se sont révélés sans fondements, tant la bande dessinée est présente et variée dans les trois zones suivantes. Il faut aussi avoir en tête que le terme « manga » est à comprendre ici au sens large, c’est-à-dire englobant toute la « culture manga ».
Une exposition manga très pointue
L’exposition a pour ambition de présenter, certes de façon rapide, l’origine du manga, en remontant aux peintures sur rouleau, puis en proposant des reproduction d’estampes figurant Edo, et enfin en revenant sur l’apparition des bandes dessinées proprement dite au début du XXe siècle. Les visiteurs d’expositions d’estampes comme notre petit groupe ont déjà vu à de nombreuses reprises les œuvres de Hiroshige, mais il est toujours plaisant de revoir quelques illustrations d’époque. La partie la plus intéressante est incontestablement constituée des trois espaces consacrés à la vie à Edo puis Tokyo par le biais de nombreuses planches de manga (ainsi que quelques jeux vidéo sans grand intérêt et quelques films et séries d’animation réputés).
Plus d’une trentaine de mangaka nous sont présentés par le biais de planches au style varié (des reproductions d’originaux). Concernant les ouvrages (plus ou moins) disponibles en français, nous avons là une belle brochette d’auteur·e·s : Osamu Tezuka (L’Arbre au soleil), Taiyou Matsumoto (Le Samouraï bambou), Hinako Sugiura (Oreillers de laque), Shotaro Ishinomori (Sabu et Itchi), Moyoko Anno (Sakuran), Nobuhiro Watsuki (Kenshin le vagabond), Yu Takita (Histoires singulières du quartier de Terajima), Asao Takamori / Tetsuya Chiba (Ashita no Joe), Tsukasa Hojo (City Hunter), CLAMP (Cardcaptor Sakura), Chica Umino (March comes in like a lion), Inio Asano (Solanin), Kyoko Okazaki (River’s Edge), Jirô Taniguchi (Au temps de Botchan et Le Gourmet solitaire), Mazayuki Kusumi / Estsuko Mizusawa (Mes petits plats faciles by Hana) et Shimoku Kio (Genshiken).
Cependant, pour les amatrices et amateurs de manga, le plus intéressant se trouve sans aucun doute dans les nombreuses planches de titres non traduits chez nous : Hinako Sugiura (Sarusuberi), Erica Sakurazawa (Love so special et Lovely!), Kei Ichinoseki (Hanagami Sharaku), Ei Hirosasawa / SatooTomoe (Ai to honô), Ryohei Saignan (San-chôme no yûhi), Shinji Nagashima (Fu-ten), Waki Yamato (Haikarasan : Here come Miss Modern), Osamu Akimoto (Kochikame pour faire court), AtsushiKamijo (To-Y), Seizo Watase (Tokyo Eden), Takashi Ikeda (34-sai Mushoku-san), Jigu Takao (Kûneru Maruta), Ken Wakui (Shinjuku Swan) et Yori Kurokawa (Hitorigurashi no OL wo kakimashita).
Cela représente beaucoup d’œuvres couvrant les années 1960 à 2010, avec une belle représentation du pan féminin du manga, ce qui est très rare dans les expositions mangas présentées en France, y compris au Festival d’Angoulême, qui est pourtant la référence en matière de qualité et d’érudition. On voit à ce qui n’est pas un détail que le commissariat est ici japonais.
Une dernière partie plus grand public
La partie dédiée aux personnages dans la ville permet de voir de nombreuses représentations de la pop-culture japonaise que l’on peut voir dans la ville de Tokyo. Cela va des statuettes traditionnelles comme les maneki-neko ou un tanuki à la figurine géante de Gundam (20 m. de haut, ce qui n’est pas le cas de la maquette proposée ici, bien entendu) ou celle de Rei Ayanami (à taille plus humaine). Il est aussi possible de faire un tour virtuel de métro tokyoïte, de visualiser une vidéo du Comiket d’été ou de se faire une petite idée de ce que l’on peut trouver dans un combini. Amusant mais vite expédié…