Batman, noir c’est noir…

Entrer dans le monde complexe des séries de « super moule-burnes » n’est pas chose aisée lorsqu’on a une faible connaissance des comic books grand public. Cela s’est confirmé une fois de plus en ce mois de juillet. Profitant d’une réédition à petit prix (4,90 €) lors d’une opération estivale proposée par Urban Comics qui concerne une dizaine de leurs ouvrages, j’ai pu lire Batman – White Knight et bien m’en a fait ! J’ai aussi pu lire Batman – La Cour des Hiboux et Harley Quinn – Complètement Marteau… Et mal m’en a pris. Il faut dire que je connais mal la deuxième plus importante licence DC tout en ayant acquis les bases nécessaires à sa lecture au fil des années. En effet le présent rédacteur n’a lu que quelques titres comme Souriez (il y a longtemps, la version Comics USA de 1989, c’est dire) et plus récemment grâce au réseau des bibliothèques parisiennes Dark Knight, ainsi que les (nettement) moins appréciés Qu’est-il arrivé au Chevalier Noir ?, Les Fous d’Arkham. Ajoutons à cela des titres périphériques comme Mad Love, Gotham Girls et Batgirl – Année Un. Pour être complet, n’oublions pas une anthologie de 20 récits soi-disant « légendaires », deux tomes de Batwoman (en réédition Urban Comics) et MAD présente Batman. On peut rajouter à cette expérience « batmanienne » les deux films de Tim Burton (plutôt appréciés en leur temps, il faudrait que je les revoie) et la superbe et instructive exposition proposée en 2019 par le Festival d’Angoulême.

Bref, cela fait peu lorsqu’on doit se confronter à l’univers du Chevalier noir. Il faut savoir aussi que seuls Souriez, Dark Knight et Batgirl – Année Un avaient jusqu’ici trouvé grâce à mes yeux. Pourtant, la lecture de White Knight est passée sans soucis après un petit temps d’adaptation concernant certains personnages (Nightwing, la version Suicide Squad d’Harley Quinn). À l’arrivée, nous avons là une œuvre excellente, au dessin et à la colorisation réussie. Il ne reste plus qu’à attendre la suite qui est annoncée pour la rentrée 2020 : Curse of the White Knight dont nous avons pu avoir un avant-gout avec le FCBD France 2020 et qui laisse espérer une bonne qualité de lecture. Il faut dire que White Knight est scénarisé, dessiné et encré par Sean Murphy, auteur complet (ce qui n’est pas si fréquent) qui ne m’est pas inconnu, ayant pu lire et apprécier par le passé Joe l’aventure intérieure et Punk Rock Jesus. Pourtant, ce n’est pas sur son nom que je me suis intéressé au présent titre, étant incapable de m’y retrouver rapidement dans la foule des auteurs d’une même licence dans le petit monde des super-héros américains. C’était d’ailleurs un point que j’avais soulevé dans mon billet WordPress à propos de Bloodshot. Néanmoins, le talent ne saurait mentir et c’est donc sans surprise que j’ai été conquis par cette histoire proposant une apparente inversion les rôles de méchants et de gentils. Surtout, les personnages ont tous leur côté sombre à commencer par Batman. Il passe pour le public comme étant le super-vilain du moment. Il faut dire que son manque de subtilité, pour ne pas dire la force excessive employée lors de ses interventions, laissant derrière lui blessés, morts et destructions, commence à lasser les habitants de Gotham. L’auteur en profite d’ailleurs pour passer un message sur les violences policières, ce qui trouve un écho avec les manifestations américaines actuelle.

À l’inverse, j’ai très rapidement décroché de La Cour des Hiboux du fait de plusieurs blocages. Le premier est incontestablement lié au dessin de Greg Capullo. Le style de ce dernier est tout ce que je déteste dans la bande dessinée américaine de super héros : des personnages aux muscles hypertrophiés au-delà de tout excès, proposant parfois une vague influence avec le dessin de Frank Miller en le combinant à un hyper réalisme racoleur. Ajoutez à cela des couleurs bien entendu « photoshoppée », abusant des dégradés et des effets de matière : vous avez tout ce qu’il faut pour me faire fuir. Seul le papier glacé manque heureusement à l’appel, grâce à une édition petit prix. Il y a surtout le scénario de Scott Snyder qui me pose problème. Même si celui-ci semble savoir mener un récit tambour battant, notamment en permettant de rentrer sans difficulté dans l’histoire, la multiplication des scènes d’action et de combat, le manque d’intérêt et de profondeur des personnages (y compris Batman), un fil conducteur peu crédible basé sur fond de complotisme lié à une organisation secrète mais pourtant extrêmement puissante et impitoyable comme c’est tant à la mode depuis de nombreuses années, font que ce premier tome d’une longue série (il y en a neuf en tout, ne croyez pas la mention « récit complet ») devient très rapidement sans intérêt. Ce n’est qu’après coup que j’ai appris qu’il s’agissait du « reboot » de la série par DC survenu en 2011. Voilà une nouvelle preuve que la volonté de rajeunir une licence pour capter un nouveau public en lui proposant de la lecture facile ne donne que très rarement quelque chose de bon.

Néanmoins, le pire était à venir avec Harley Quinn – Complètement Marteau. Cette fois, le dessin n’est pas en cause, celui de Chad Hardin étant tout à fait plaisant. Certes, la colorisation est très américaine, mais cela reste supportable à mes yeux. Non, le soucis vient ici du lecteur rapidement gavé par les délires constants des deux scénaristes (Amanda Conner et Jimmy Palmiotti), de la surenchère de violence proposée et des nombreuses scènes gores franchement pas indispensables. De plus, ne pas comprendre le chapitre 0 avec ses nombreuses planches réalisées par des dessinateurs différents n’aide pas à entrer dans l’histoire. Il aura fallu que je lise une chronique dédiée à Complètement marteau pour comprendre que j’étais complètement passé à côté de ma lecture (mon feuilletage sur la fin, pour être honnête). Néanmoins, cela ne me donne pas envie de m’y replonger ni de faire une tentative avec le tome 2 de la série, même si je comprends tout à fait la démarche. Si j’avais mieux connu l’univers de Batman et les innombrables personnages qui y apparaissent, il est possible que j’aurai évité cette déconvenue : soit en m’abstenant de cet achat, soit en ayant les clés de compréhension nécessaires pour apprécier le récit proposé, ce qui n’était manifestement pas le cas dans ce cas précis . Il s’agit donc d’un nouveau rendez-vous manqué avec Harley Quinn après le mitigé Mad Love.

Cependant, je pense qu’il est nécessaire de persévérer et de continuer à profiter de l’offre estivale d’Urban Comics pour tester au moins Batman – Silence. De plus, en épluchant les bullenotes des innombrables titres dédiés à notre chère chauve-souris, tout en ayant relevé quelques conseils de lecture avec des guides comme Commencer les comics Batman du site mdcu-comics.fr ou la Chronologie des lectures comics de Batman proposée par batman-legend.com, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il fallait que je lise au moins Année un, Un Long Halloween, Dark Victory et Année 100 (parce que Paul Pope).