Tyler Cross, le tueur au sang-froid

« Un jour, Tyler Cross paiera pour ses crimes ! En attendant, il en commet d’autres. »

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Tyler Cross avait réussi à s’évader de la terrible prison Angola dans le deuxième tome. Toujours recherché par la police dans plusieurs États pour les nombreux méfaits qu’il y a commis (comprenant quelques meurtres), traqué par la mafia qu’il avait soulagée de 17 kilos de drogue dans le premier opus de la série, il avait quand même réussi à se poser quelque part en Floride. Toutefois, la vie ne peut pas être longtemps de tout repos pour un tel braqueur et tueur, n’est-ce pas ? C’est donc sans surprise (pour le lecteur et pour le « héros ») qu’il doit fuir à nouveau, après s’être débarrassé définitivement des trois bras-cassés censés le capturer pour l’amener chez le parrain du coin. Que la fille avec qui il vivait n’ait pas survécu est un détail qui n’émeut pas plus que cela notre peu sympathique gangster. Non, ce qui le contrarie, c’est que quelqu’un l’a balancé ; et il sait qui est ce « quelqu’un ». Il est donc temps d’aller faire un tour dans cette ville pourrie de Miami pour réclamer quelques explications à un certain avocat (véreux bien entendu) de sa connaissance…TylerCross-3pl1Fabien Nury, un des scénaristes à succès du moment, et Brüno, dessinateur de plus en plus en vue, poursuivent ce qui devient une véritable série d’albums indépendants.  Ils proposent ainsi à leurs lecteurs de suivre un gangster-tueur au sang-froid et à l’efficacité redoutable. Dans ce troisième tome, comme dans les deux précédents, les auteurs construisent leur récit autour d’un objectif à atteindre. Ici, il va s’agir de récupérer 70 000 dollars que son avocat n’a pas « placé » de façon intelligente afin d’avoir les moyens de disparaître à nouveau. Et s’il y a la possibilité de se faire un petit supplément au passage… Tyler Cross va donc devoir organiser un braquage qui ne se passera évidemment pas comme prévu. En effet, s’il avait poursuivi un peu plus sa réflexion sur les personnes avec qui il a monté son coup, il aurait compris un peu plus vite dans quel guêpier il allait se fourrer. C’est parti pour 48 planches (sur un total de 88) de réponses de Tyler Cross aux événements qui s’enchainent implacablement. Ce qui constitue la grande force de la série s’exprime alors à plein :  les deux auteurs savent mettre en scène l’efficacité de leur personnage principal en construisant un récit tiré au cordeau digne des meilleurs polars noirs.TylerCross-3pl4Avec Miami, Fabien Nury, semble revenir aux fondamentaux du tome initial (Black Rock) : braquage et belles pépées (à la durée de vie assez courte, le plus souvent). Pourtant, à y bien regarder, il s’agit plus d’une continuité du deuxième tome, surtout sur le plan formel : la diminution du nombre de cases par page et la prédominance des cases faisant une bande de largeur sont accentuées, et rendent le rythme de lecture encore plus nerveux qu’auparavant. Sur le plan du contenu, la noirceur de l’âme humaine y est encore plus développée, tout comme la bêtise et la lâcheté des hommes. Le présent récit développe aussi un nihilisme que l’on avait certes pressenti dans les deux premiers volumes, mais qui devient plus lancinant dans le troisième. La vie ne peut apporter que malheur et ne peut déboucher que sur la mort. Et violente, la mort. Pourtant, comme dans Angola, la conclusion est illuminée par une petite lumière d’espoir, une possibilité de vie meilleure. Car là est le petit bémol : la construction du récit reste très (trop ?) similaire dans les trois ouvrages avec une même utilisation des analepses, d’un narratif extérieur et une intentionnelle absence de développement du personnage principal. Le dernier point est certes voulu par les auteurs mais implique un manque de progression qui est un peu regrettable.TylerCross-3pl2Il y a toutefois une nouveauté importante : un véritable personnage féminin au sein de cette histoire. Avec Shirley Axelrod, les femmes ne sont plus seulement là pour se faire frapper et/ou tuer, pour chercher à doubler Tyler Cross, ou pour servir d’élément détonateur dans la narration… Il y a toujours de cela, certes. Toutefois, Miss Axelrod est quelqu’un qui sait réfléchir, qui sait ne pas dépendre d’un sauveur lorsqu’elle est en grande difficulté. Elle sait rebondir grâce à une incontestable intelligence et un courage devant des situations imprévues, ce qui n’est pas sans rappeler une certaine personne. La misogynie des deux premiers tomes, typique du roman noir d’après Fabien Nury, est ici battue en brèche. En effet, une séquence de quinze pages met particulièrement en valeur Miss Axelrod, pourtant secrétaire de direction « normale ». Outre les agissements particulièrement efficaces de la dame, ce sont ses regards et ses silences qui sont autrement marquants et qui la mettent en valeur. N’oublions pas que le récit se passe dans les années 1950 et qu’à cette époque, les femmes ne devaient pas être trop actives dans la sphère publique et n’avaient pas grand droit à la parole…TylerCross-3pl3Quant au graphisme, il est meilleur que jamais. Brüno a réussi à épurer son trait, tout en lui donnant plus d’épaisseur, ce qui en renforce l’impact, donne plus de présence aux personnages. Les hachures, déjà en diminution dans Angola, ont disparu. À la place, le dessinateur place de nombreux aplats noirs permettant de jouer sur la lumière et surtout sur les ombres. Comme Brüno l’expliquait dans un de ses entretiens, les grands maîtres de la bande dessinée argentine (Muñoz et Breccia) sont de plus en plus présents dans son art. On pourra regretter toutefois une géométrisation un peu excessive des visages, les mentons devenant trop aigus ou, à l’inverse trop ronds. Cependant, les expressions sont réussies et sont mises en valeur par des plans très travaillés, où l’on sent que chaque case a été pensée et étudiée pour apporter le plus d’efficacité et d’immersion. En effet, la mise en page avec ses cases faisant toute la largeur de la planche parvient, une fois de plus, à donner une impression de cinéma (scope, bien entendu) sur papier sans volonté d’en faire trop. N’oublions pas la colorisation, sans fioriture, qui participe grandement à magnifier l’ambiance qui se dégage de ce polar vraiment noir sans écraser le trait du dessinateur.

Tyler Cross – Tome 3 : Miami, parution chez Dargaud le 23/03/2018

Angoulême, retour sur 3 jours intenses (3)

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Troisième et dernier jour au festival. Fatigue accumulée mais programme chargé. C’est pourtant courageux et motivés que nous sommes arrivés à l’Hôtel de Ville, sans encombre et avant 10h. Au programme, récupérer Shermane accompagnée de Monsieur et faire dès le matin un maximum d’expositions « difficiles d’accès » – comprendre celles consacrées à Cosey (du fait de son lieu) et à Tezuka et à Urasawa (du fait de leur popularité). Mais avant cela, et après avoir passé un trop court moment à parler bande dessinée chinoise autour d’un café crème (accompagné de chocolatines) avec Laurent Mélikian, j’ai dû rejoindre Taliesin à l’exposition consacrée à Sonny Liew, que nous n’avions pas eu le temps de voir la veille. L’avantage des expos situées aux caves du Théâtre, c’est qu’elles sont peu fréquentées et faciles d’accès. Le dimanche matin, à l’ouverture, c’est encore plus vrai. Ce qui n’était pas prévu, c’est de voir l’auteur en dédicace en repartant. Bien entendu, nous en avons profité pour nous faire dédicacer deux exemplaires de Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée (pour avoir chacun le nôtre), Taliesin en profitant pour continuer la discussion entamée la veille lors de la Rencontre Internationale.

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Du coup, c’est avec un peu de retard que nous avons récupéré Shermane (le TGV était pratiquement à l’heure) qui a eu ainsi le temps de regarder les panneaux de l’amusante exposition « Le monde selon Titeuf » placée devant l’Hôtel de Ville. Retard qui s’est révélé sur le moment préjudiciable étant donné la file d’attente devant l’Hôtel Saint-Simon pour l’exposition consacrée à Cosey. Alors que Taliesin restait faire la file car elle tenait absolument à voir le travail du Président de l’édition 2018, je suis retourné faire l’exposition Tezuka avec Shermane. J’ai pu ainsi compléter mes photos de planches et de festivaliers ; puis nous avons fait rapidement « Venise sur les pas de Casanova ». Pas très intéressante, je dois dire. Je ne suis pas fan de la peinture de Canaletto (et de ses pairs). Quant aux dessins par huit auteurs de BD inspirés par Venise, ils étaient… peu inspirés, j’ai trouvé. Il y avait pourtant de quoi faire avec la figure de Casanova au lieu de peindre de façon statique la ville ou des femmes nues. Seule la fresque de Kim Jung Gi sortait vraiment du lot.

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Il était alors temps de passer à l’incontournable du dimanche angoumoisin : l’anniversaire (un peu en avance) de Manuka, malheureusement sans Taliesin (à l’espace Franquin) ni Shermane (quelque part dans la ville, avant qu’elle aille sur le stand du Lézard Noir puis à l’Hôtel Saint-Simon). Cette année, c’est Tanuki qui a fait le photographe. J’étais à la remise des cadeaux (je suis persuadé que c’est mieux lorsque c’est Taliesin ou beanie_xz qui officie… Sexisme, quand tu nous tiens, hé hé…) Ce fut aussi l’occasion de découvrir un nouveau et excellent restaurant : Chez H (rien que le nom me donnait envie d’y aller) qui propose une cuisine de « spécialités chinoises, tout à la vapeur, tout fait maison ». Si vous passez dans le coin, je ne peux que vous conseiller d’y faire un tour : c’était très bon . Et le service savait être rapide pour les festivaliers pressés. Après l’intermède anniversaire, il était temps de reprendre le cours des événements. Cela commençait par un dernier passage à la Bulle du Nouveau Monde pour voir Shermane dans une longue file d’attente pour une dédicace de Shinzo Keigo et, pour moi, d’aller rencontrer Lounis Dahmani en dédicace à La Boite à Bulle et lui dire tout le bien que je pensais de Oualou en Algérie, tout en lui demandant un petit dessin, bien entendu. Il ne reste plus qu’à attendre une prochaine aventure du détective privé « français comme Zidane », en projet mais assez peu avancé, il faut le dire.

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Il était alors plus que temps, pour Manuka et moi, d’aller à l’Espace Franquin pour faire les expositions consacrées à Gilles Rochier et à Naoki Urasawa pendant que Taliesin assistait à la conférence de ce dernier dans la salle voisine. Deux belles expositions, sur deux auteurs très différents à la fois dans leurs propos et dans leur dessin. C’est aussi ça le point fort du Festival d’Angoulême : proposer dans un même lieu des œuvres éloignées thématiquement et stylistiquement. C’était l’occasion de recroiser Vlad, le co-commissaire de l’exposition Cosey. J’ai pu lui assurer que Taliesin n’avait pas manqué celle-ci et semblait l’avoir appréciée. Quant à « Tenir le terrain », le résultat était excellent avec à la fois la présentation de l’auteur, de son œuvre (dont je ne connaissais pas tous les aspects, notamment ses travaux en microédition) tout en mettant en lumière la banlieue parisienne. L’exposition Urasawa était, elle aussi, intéressante mais souffrait d’une scénographie un peu trop répétitive, d’explications insuffisantes au début, notamment sur la raison de chapitres entiers présentés sur des murs. En fait, pour comprendre les intentions du mangaka, il fallait avoir regardé la vidéo où il expliquait sa vision du manga. Problème, celle-ci était placée à la fin du parcours. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Taliesin : refaire le parcours après avoir visionné ladite vidéo pour mieux comprendre ce qui nous était présenté et comment. D’ailleurs, elle n’a pas été la seule à vouloir refaire l’expo, nous avons croisés Urasawa qui refaisait un petit tour en ayant l’air de bien s’amuser. Il est prévu d’aller voir très prochainement l’exposition à Paris pour voir comment elle a été adaptée à un autre environnement.

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Mine de rien, il commençait à se faire tard et il allait falloir songer à rentrer car 4h de route allaient nous attendre (6h en réalité entre pause autoroute / diner durant pratiquement une heure et bouchon après le péage de Saint Arnoult sur l’A10). Mais histoire de donner un peu plus de temps à Shermane d’apprécier sa première visite à Angoulême, il a fallu jouer les prolongations, ce qui nous a donné l’occasion d’aller voir les 45 affiches du festival présentées dans le local de l’Association FIBD Angoulême puis de manger une crêpe (Nutella™ pour Taliesin, beurre-sucre pour moi), histoire de prendre des forces avant de partir. Voilà, c’était tout pour cette fois-ci, rendez-vous est déjà pris pour la prochaine édition et une exposition sur l’œuvre de Tayou Matsumoto (le bon, pas l’autre, le mauvais, qui est déjà venu au festival), ce qui nous motive à l’avance.

Angoulême, retour sur 3 jours intenses (2)

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Le samedi commençait bien avec une place de parking à Bouillaud (c’est-à-dire à côté de l’Hôtel de Ville) grâce à une arrivée sur Angoulême avant 10h, c’est-à-dire avant que les accès soient fermés par la police municipale. Toujours pas de Manuka, toujours aussi malade. Décidément, l’équipe de mangaversien·ne·s restait bien décimée (trois absents sur six). Cette arrivée matinale (alors que nous nous étions couchés à 1h passée) devait nous permettre de voir l’exposition « Osamu Tezuka, manga no kamisama » avant qu’il n’y ait trop la foule. S’il n’y avait pas encore de file d’attente à l’extérieur du Musée de la ville d’Angoulême, il y avait déjà énormément de monde à l’intérieur de l’exposition. Cette dernière s’est révélée être belle, avec une scénographie réussie malgré la petitesse du lieu avec un parcours réfléchi et de nombreux cartels bien écrits et didactiques. Mes inquiétudes nées il y a quelques semaines étaient totalement dissipées. Le seul souci avec cette exposition a été son succès : il y avait vraiment beaucoup, beaucoup de monde.

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Je laissais alors Taliesin, qui voulait profiter de chaque planche (et elles étaient nombreuses), sans oublier de lire chaque cartel, pour retrouver Xavier Hébert. En tant que spécialiste français de Tezuka, il ne pouvait pas ne pas venir à cette édition du Festival. Il venait tout juste d’arriver de Paris afin d’assister à la rencontre avec Takayuki Matsutani, président de Tezuka Productions au Pavillon Manga et de voir l’exposition consacrée au Maître (il a participé  en tant que conseiller scientifique au catalogue). Les intervenants de cette rencontre, une fois de plus animée de main de maitre par XaV, n’étant pas en avance (je les avaient vu préparer leur discussion à la terrasse du café voisin) et Tanuki nous ayant réservé des chaises, Xavier H. et moi-même en avons profité pour discuter un peu avec Pierre Sery des Éditions Kotoji dont deux titres intéressent fortement Taliesin (mais elle s’intéresse à tellement de choses, ha ha). Cette rencontre était très réussie avec des réponses intéressantes de M. Matsutani (et bien traduite par l’interprète dont je n’ai pas retenu le nom). Je n’ai malheureusement pas pu rester jusqu’au bout mais j’ai demandé à Tanuki de me l’enregistrer (un de mes deux enregistreurs était temporairement HS du fait de piles ayant coulé. Heureusement, je suis prudent). Une retranscription de cette rencontre est, là aussi, prévue dans le compte-rendu « Des mangaversien·ne·s à Angoulême ».

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Le programme étant toujours très chargé à Angoulême, il était donc plus que temps pour moi de retrouver Taliesin, de manger un sandwich à l’arrache (pour ne pas changer) et d’aller à la Rencontre Internationale avec Sonny Liew, organisée au Studio du Théâtre (c’est-à-dire tout en haut !). Cela fait quelques temps que l’auteur m’intéresse pour son Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée paru chez Urban Comics. La rencontre était, là aussi, captivante et dynamique. Il faut dire qu’elle était animée par Paul « magnific » Gravett qui nous régale à chacune de ses interventions. Comme en plus, l’auteur (singapourien, malaisien d’origine, travaillant essentiellement pour les USA), humble quoique bourré de talent, répondait de façon développée et pertinente aux questions et remarques (y compris sur son niveau de diplôme obtenu à Cambridge, la même université où Paul étudia), nous avons passé un nouveau excellent moment à les écouter. Notons la salve de questions intéressantes posées par Taliesin à Sonny Liew, qualité des questions que n’a pas manqué de relever Paul Gravett à l’occasion d’un échange que nous avons eu sur sa page Facebook.

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Une fois la Rencontre Internationale terminée (plus tard que prévu puisqu’elle avait commencé en retard), il nous a fallu foncer au Conservatoire pour assister à une autre Rencontre Internationale avec Dave McKean, animée par… devinez qui… XaV, bien entendu, hé hé. Nous n’avons pas eu trop de soucis pour rentrer, profitant d’un Maël Rannou à la bourre pour sa conférence sur les fanzines pour « forcer » le passage en tant que conférenciers (et entrainant Taliesin dans notre sillage). C’était l’occasion de retrouver enfin Manuka qui avait surmonté son extrême fatigue liée à une angine très virulente. Cependant, n’étant pas très intéressé par l’auteur anglais, je les laissais afin de profiter de deux heures de tranquillité pour réviser un peu ma propre conférence. Car oui, mon rendez-vous principal de la journée était la conférence « Tezuka et le genre » que je devais animer entre 18h et 19h30. Cette conférence sera disponible sous forme de dossier sur le site du9. Les nombreuses personnes (à ce qu’il parait) qui n’ont pas pu y assister (mentions spéciale envers Frank Chevaillier, un de mes « fans de conférence », qui a été refoulé par la sécurité, la salle étant rapidement pleine) y retrouveront mes propos mieux agencés et ma pensée mieux développée.

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Vu l’heure, il ne restait plus qu’à aller manger un peu à l’écart du plateau (le samedi soir, passé 19h, c’est l’enfer pour trouver une place dans un restaurant sans avoir à attendre des plombes), Tanuki nous servant de guide « gastronomique ». Cela nous a permis de découvrir un excellent établissement dont je ne peux pas donner le nom, n’ayant pas de mémoire et ayant été invité par Taliesin (les facturettes CB, c’est quand même bien pratique). En plus, comme Tanuki était récupéré ensuite par son logeur, ça m’a évité de faire le taxi et nous avons pu retourner à l’hôtel à un horaire moins tardif que la veille. On avait besoin de se reposer pour un dimanche qui s’annonçait chargé avec la venue de Shermane, en remplacement de beanie_xz indisponible, afin avoir une interprète français-chinois ; pour rien à l’arrivée, il n’y avait personne sur le stand du CICAF – China  International Cartoon & Animation Festival. Et vu que Hong-Kong n’avait pas de stand cette année… Bah, au moins, Shermane allait ainsi pouvoir découvrir le festival, depuis le temps qu’elle songeait à venir.

Angoulême, retour sur 3 jours intenses (1)

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Il y a quelques semaines, sur le présent blog, je m’interrogeais sur ce qui me motive encore à aller passer plusieurs jours à des centaines de kilomètres de chez moi dans la ville d’Angoulême à l’occasion du Festival International de la Bande Dessinée. Après y avoir passé trois journées complètes avec Taliesin et quelques autres forumeurs de Mangaverse (Tanuki, Manuka, XaV, Shermane), j’ai eu la confirmation : c’est bien le programme qui me donne cette envie (et cette énergie tant le séjour angoumoisin est épuisant). Petit retour sur ces courtes mais excellentes vacances bédéesques en trois billets (un par journée)…

Pourtant, cela avait mal commencé, avec une arrivée jeudi très en retard sur les prévisions, au point de ne plus avoir le temps de passer par Angoulême récupérer les badges presse, visiter une petite expo, bavarder un peu sur quelques stands de la Bulle du nouveau monde, etc. Du coup, trajet direct pour Cognac… Enfin, en théorie, parce qu’après avoir raté la bonne sortie (ce qui laisse songeur sur ma vigilance sur la route), puis avoir suivi plus ou moins bêtement le GPS de la voiture qui nous a perdus sur la sortie suivante, c’est avec presque 6h de route dans les pattes que nous sommes arrivés à l’Hôtel Ibis Style de Cognac (Châteaubernard, en réalité, mais bon…). Le lendemain, rebelote avec les contrariétés routières. Pourtant, nous n’étions pas réellement parti en retard mais c’est un bouchon comme je n’en ai pas souvent vu à Angoulême qui nous attendait de l’entrée de Saint-Yrieix jusqu’à la Cité de la BD et de l’Image (pour celles et ceux qui connaissent). Et pour finir, tous les parkings du plateau étaient complets (jamais vu ça pour celui du Champ de Mars). Je ne sais pas si cette affluence de véhicules était liée à une augmentation des festivaliers, mais ça y ressemble. En attendant, on commençait être à l’arrache pour récupérer les précieux sésames et se pointer à temps pour la première de nos activités festivalières.

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Néanmoins, après ce petit raté qui m’a valu de payer par anticipation le FPS mis en place par la mairie (25 euros quand même, que l’on peut payer à l’horodateur), la journée s’est déroulée sans anicroche. La rencontre avec Keigo Shinzo au Pavillon Manga était animée par XaV et s’est révélée très plaisante grâce à la qualité des trois intervenants (l’auteur, l’animateur et l’interprète – l’excellent Aurélien Estager). Je ne suis pas super fan de Tokyo Alien Bros. que je trouve largement surestimé ; mais Keigo Shinzo est intéressant à écouter parler de son travail. Et cela nous a permis de retrouver Tanuki, sur place depuis mercredi matin. Ensuite, passage (malheureusement un peu trop rapide) sur le stand Akata pour acheter quelques ouvrages de l’éditeur et discuter avec Bruno Pham (enfin, surtout regarder Taliesin discuter avec Bruno, ha ha). Il a fallu ensuite foncer vers le Conservatoire pour la conférence sur Alberto Breccia animée par Laura Caraballo (une Argentine spécialiste de Breccia, elle a fait sa thèse sur l’auteur à Paris X Nanterre).

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Il y a eu un sérieux problème cette année au Conservatoire, victime de son succès public. En effet, il y avait un gros souci d’affluence et donc de gestion des files d’attente. C’est ainsi que nous avons raté les premières minutes de la conférence alors que nous étions arrivés plus d’une demi-heure avant l’horaire annoncé. Et encore, je ne vais pas me plaindre, on a pu rentrer, ce qui n’a pas été le cas de tout le monde. En effet, nombreux ont été les refoulés tout au long des deux journées du Conservatoire. Le lieu est devenu trop petit pour les conférences : les deux salles dédiées acceptent chacune une cinquantaine de personnes quand il y a 70 à 100 festivaliers qui veulent suivre chacune des conférences. Celle intitulée « Alberto Breccia, le grand maître de la BD argentine », était vraiment réussie. La conférencière maitrisait son sujet, était enthousiaste et volubile. Quant à l’iconographie, elle était intéressante et variée. Bravo, on en redemande. Laura Caraballo a fait honneur à la réputation d’excellence des conférences du festival et a mérité la confiance de Jean-Paul Jennequin, l’organisateur.

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Après avoir laissé Taliesin assister à la conférence sur Urasawa animée par Gwenaël Jacquet (qui était très bien, à ce qu’il parait), pour aller manger un petit quelque chose, récupérer les places pour le concert dessiné de 21h et tenter de descendre au Musée de la Bande Dessinée (ce que je n’ai pas fait par manque de courage et de temps, préférant passer un peu de temps à l’Hôtel de Ville), il était déjà temps de retourner au Pavillon Manga retrouver Tanuki (qui vit le festival à son rythme et selon son programme). Sur le chemin, nous en avons profité pour passer dans la Bulle du Nouveau Monde dire un petit bonjour aux gens du Lézard Noir, constater qu’il y avait du monde pour la séance de dédicace de Keigo Shinzo, puis d’aller saluer les courageux sur les stands LGBT BD et de Scarce. J’ai empêché Taliesin de discuter trop longuement avec Xavier Lancel car nous avions un programme à suivre. Nous avons donc assisté à la table ronde sur les trente ans du manga en France, animée par XaV (c’est ahurissant de voir l’énergie qu’il a déployé pendant ce festival en tant qu’animateur, co-commissaire d’exposition et comme rédacteur-intervieweur de du9) et avec Dominique Véret (Tonkam, Akata-Delcourt, Akata), Christel Hoolans (Kana), Stéphane Duval (Le Lézard Noir) et Laurent Lefebvre (Coyote Mag).  Une fois bien installés au Pavillon Manga, nous avons pu assister à une table ronde bien organisée, peut-être un peu trop développée sur le rejet du manga par une certaine « intelligentsia », avec des intervenants de qualité et plutôt au parler vrai. Mention spéciale à Stéphane Duval qui faisait un peu erreur de casting au début tant il est en dehors du mouvement manga francophone mais qui a su justifier sa présence sur la fin, à propos du futur, avec de plus en plus de créations croisées entre la France et le Japon. Une retranscription de cette table ronde est prévue dans le compte-rendu « Des mangaversien·ne·s à Angoulême ».

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Il ne restait plus qu’à diner, après tout ça, au Jardin, restaurant spécialisé dans la « verdure » où l’on mange à chaque édition du festival. Repas un peu rapidement expédié pour pouvoir aller au concert dessiné de la chanteuse Rokia Traoré et du dessinateur Rubén Pellejero. C’était excellent (je ne me suis pas endormi et n’ai pas vu le temps passer), pourtant je ne suis pas fan de musique du monde et je n’ai rien lu de Pellejero. Dommage que nous n’étions pas bien placés et que les photos étaient interdites. Une fois le deuxième rappel terminé (s’il y en a eu un troisième, on l’a raté), il ne restait plus qu’à retrouver Tanuki  qui tapait l’incruste au repas ATOM (pour boire une bière pendant le dessert, en fait). Je ne dirais rien des personnes présentes pour ne pas donner du grain à moudre aux accusations de copinage (ha ha) et je n’ai pas « balancé » Taliesin à Fausto pour éviter de relancer les hostilités, hé hé. Et voilà, la première journée s’achevait après une séance de taxi pour ramener Tanuki chez ses logeurs au fin fond de la banlieue angoumoisine (j’exagère un peu) et rentrer sur Cognac afin de profiter d’un petit temps de repos. Je vous donne rendez-vous dimanche pour le résumé de la deuxième journée…