La petite amie de Minami

Minami n’est pas un adolescent comme tous les autres. Certes, il a la chance d’avoir une petite amie mais il ne peut pas s’afficher avec car elle est… littéralement trop petite. Par un effet mystérieux, Chiyomi a rapetissé jusqu’à avoir la taille d’une poupée. Elle a préféré s’enfuir de chez elle, et trouver refuge auprès de son copain, plutôt que de demander de l’aide à sa famille. Minami se retrouve donc à cacher chez lui une fille qui est devient parfois un véritable jouet vivant entre ses mains, lorsqu’il doit l’habiller, la nourrir mais aussi l’utiliser pour des activités qu’une certaine morale pourrait réprouver. Il faut dire que nos deux jeunes comparses sont des adolescents pleins de vie. En fait, malgré sa petitesse, Chiyomi a tout d’une femme…

Shungiku Uchida, artiste pluridisciplinaire (écrivaine, mangaka, actrice, chanteuse), n’est pas totalement inconnue en France. S’il s’agit là de son seul manga à être, pour l’instant, traduit en français, les amateurs de films de série Z ont eu l’occasion de la voir jouer le rôle de la mère battue, toxicomane et prostituée de Visitor Q, un film fortement dérangeant de Takashi Miike, le réalisateur controversé qui a adapté au cinéma le manga ultra-violent Ichi the Killer. Avec de telles références, on pourrait donc supposer que l’éditeur IMHO s’est intéressé à une œuvre extrême, parue principalement dans la revue alternative Garo entre 1985 et 1987. Mais est-ce vraiment le cas ?

La petite amie de Minami est un conte moderne dont il est toujours aussi difficile de déchiffrer le message avec sa réédition de 2022 (la première édition date de 2011). Le refus de Chiyomi de faire connaître son état et de rechercher une solution pour retrouver sa taille d’origine révèle-t-il une absence d’acceptation à devenir adulte ? L’aide inconditionnelle que Minami apporte à celle-ci est-elle liée à un désir de toute puissance, à une envie d’avoir un jouet sexuel ou plutôt à un sens des responsabilités développé ? L’amour ne peut pas tout expliquer. Pourtant, il ne faut attendre aucune explication tout au long du récit ou lors de la postface de l’autrice. Ce flou n’est à aucun moment frustrant et n’empêche pas de ressentir les doutes, les questionnements et les peurs de nos deux jeunes gens. Il en résulte une lecture très plaisante, dont la subtilité peut amener les lectrices et lecteurs à réfléchir et c’est bien là le principal.

Il est toutefois possible d’estimer que Shungiku Uchida a voulu imaginer ce qu’il peut se passer dans la tête d’un garçon, d’essayer d’explorer le sentiment amoureux chez un adolescent. Elle ne cherche pas à occulter la dimension sexuelle d’une relation qui ne se contente pas ici d’être platonique, comme nous pouvons le voir trop souvent dans les mangas plus grand-public publiés à destination d’un lectorat âgé de 12 à 16 ans (couvrant principalement la période du collège au Japon). De ce fait, la nudité, très régulièrement montrée dans La petite amie de Minami, est, du moins quand il s’agit de la représentation des organes sexuels, exclusivement féminine. L’époque étant aux sensibilités exacerbées, cela peut poser problème à une partie du lectorat actuel, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années.

C’est ainsi que l’autrice montre des jeunes filles sexuellement actives, que ça soit Chiyomi (avant son rétrécissement) ou Nomura, une camarade de classe de Minami qui a du succès auprès des garçons. En cela, Shungiku Uchida illustre un mouvement qui a débuté durant les années 1980 et s’est développé dans les années 1990, ce qui a émut une partie de l’opinion publique japonaise au début des années 2000 : les jeunes japonaises se montrent de plus en plus pressées d’avoir des rapports sexuels, au point que 45% de celles qui sont en dernière année de lycée (dans leur 18 ans, donc) en ont déjà eu. Ce phénomène, d’après un article du fameux journal Asahi Shimbun paru à cette époque, est attribué notamment au développement des médias qui encouragent la précocité dans ce domaine, médias qui présentent une culture du sexe dictée par les hommes et qui considèrent les jeunes filles comme des objets sexuels. Cela amène les lycéennes à penser qu’elles doivent être des objets de désir, à l’exemple du girls band Morning Musume. Il est donc « normal » que les adolescentes en viennent à exercer leur sexualité de plus en plus tôt, et que ce n’est pas à elles à qui on doit le reprocher.

Shungiku Uchida ne se situe pas clairement par rapport à ce débat, elle laisse lectrices et lecteurs se faire leur propre opinion. Elle se contente de montrer des comportements. Par exemple, c’est à chacune ou à chacun de se positionner devant une scène où Minami se masturbe devant Chiyomi (leur différence de taille ne permet plus une relation plus intime) puis éjacule sur sa petite amie. Celle-ci est entièrement souillée (forcément), ce dont Minami s’excuse tout en l’essuyant avec une lingette. Le garçon a vraiment l’impression de prendre la jeune fille pour un jouet sexuel et d’être un pervers, ce que ne comprend pas Chiyomi. C’est une situation qu’elle accepte tout naturellement car, comme elle le dit, elle l’aime. Voilà un argument qui pousse trop souvent les filles à accepter certaines exigences de leur copain, ce qui n’est plus aussi toléré de nos jours. En cela, La petite amie de Minami est, en 2022-23, incontestablement une œuvre qui demande à se questionner et à se déterminer sur les questions du féminisme actuel.

Angoulême, 20 années de festival

Alors que le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême n’a pas fêté en grande pompe sa cinquantième édition, préférant se tourner vers la jeunesse et l’avenir (heureusement que l’Association du Festival et que PLG ont su faire le boulot), j’ai réalisé que, de mon côté, j’en avais suivi une vingtaine et que ça méritait bien un petit coup d’œil dans le rétroviseur. Néanmoins, me méfiant de ma mémoire et de la propension de nos cerveaux à enjoliver les souvenirs, j’ai voulu classer ces vingt éditions selon onze critères plus ou moins subjectifs, mais appliqués de la même manière à chaque fois. J’avoue avoir été un peu surpris par certains résultats. Pour en terminer avec cette édition 2023, voici donc un petit retour en arrière sur le festival, à partir de ce classement. Bien entendu, je vais en profiter pour ressortir du disque dur quelques-unes de mes photos de la manifestation angoumoisine…

Sans surprise, l’édition 2019 est ma préférée. L’exposition « Batman 80 ans » risque de rester durant de nombreuses années comme la meilleure jamais vue à Angoulême entre scénographie immersive, qualité de cartels très instructifs et nombre d’originaux exposés, sans oublier la présence d’une batmobile devant l’Alpha. Rajoutons à cela l’excellente exposition consacrée à Tayou Matsumoto (dit « le bon »), la venue du mangaka, des dédicaces obtenues, du nombre de jours passé sur place avec tels ou telles Mangaversien·ne·s (ce sont des critères de notation), et globalement de la qualité du programme proposé, nous avons 2019 largement devant toutes les autres années (le graphique a une échelle logarithmique afin de lisser les écarts). Quatre autres éditions sont à classer parmi les excellentes : 2007, 2010, 2011 et 2020. D’ailleurs, elles se tiennent toutes les quatre dans un mouchoir de poche.

Celle de 2007 est particulière car l’ensemble des éditeurs avaient été regroupés à Montauzier, même si le Champ de Mars n’était plus un grand trou (enneigé). Une des raisons de sa bonne note est que je commençais à prendre mes marques en tant que festivalier accrédité, ce qui m’a permis de (nettement) plus l’apprécier que celle de l’année précédente. À cela, il faut aussi se rappeler qu’il y avait à nouveau un véritable espace dédié au manga avec un programme bien organisé, riche en rencontres, en tables rondes et en conférences (un critère important à mes yeux). Je dois l’avouer, les éditions 2010 et 2011 doivent en grande partie leur classement à des Mangaversiennes présentes ces années-là. Néanmoins, beanie_xz et Taliesin ne peuvent à elles seules propulser aussi haut dans mon classement telle ou telle édition. Si 2010 a vu la dernière année du Manga Building et la fin de l’excellent travail effectué par ses deux responsables, Nathalie Bougon et Julien Bastide, la nouvelle version de l’espace Manga, gérée par Erwan Le Verger n’est pas inintéressante, du moins en 2011. Certes, l’évolution a fait un peu mal à l’époque, mais les années suivantes furent pires du point de vue des fans de BD asiatique. Comme le reste de la programmation est intéressant aussi bien en 2010 qu’en 2011 et que le plaisir de longuement bavarder avec José Roosevelt sur son stand (avant que le festival le rejette) lors d’une séance de dédicaces, tous ces éléments font que ce sont deux excellentes éditions.

Ensuite, viennent deux éditions dont une sur laquelle je n’aurai pas misé un centime sur sa sixième position : il s’agit de celle de cette année. Il faut reconnaître qu’elle était plutôt réussie malgré les reproches que j’ai pu lui faire. Son bon classement provient en grande partie du nombre et de la qualité générale de ses expositions. D’ailleurs, ça a été ma principale activité durant ce court passage (deux jours et demi). Outre 2023, il y a aussi l’année 2015 que je classe en « très bonne édition ». Les expositions consacrées à Bill Watterson, celle consacrée à Jack Kirby et à l’originale « The Kinky & Cosy Experience » y sont pour beaucoup. On est fan ou on ne l’est pas, après tout. Il y avait aussi une belle présence de la bande dessinée chinoise cette année-là. Néanmoins, malgré notre présence durant quatre jours et demi et les nombreuses activités que nous avons pu faire, l’absence d’un véritable espace manga avec sa propre programmation et une exposition Taniguchi totalement ratée ont plombé le classement de l’année 2015.

Les six éditions suivantes sont de bonne années mais sans plus. Elles représentent en quelque sorte l’intérêt général de la manifestation et ce que j’attends a minima du festival (et donc que j’en espère plus). 2008 et 2018 en son deux bons exemples, à des périodes différentes. Elles finissent avec le même score, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. 2008 est marquée par l’arrivée du Manga Builing, de son programme intéressant et de son excellente exposition consacrée aux CLAMP. 2018 voit l’édition des premiers catalogues de 9e Art+. En effet, son directeur artistique, Stéphane Beaujean, tenait à laisser une trace des expositions montées par le festival lorsque cela est possible. Une tradition qui se poursuit depuis, pour mon plus grand plaisir (j’en ai une douzaine). Suivent ensuite un peu plus loin les éditions 2022, 2016, 2017, 2013 et 2009, toutes séparées par un demi-point entre elles. Année de reprise post-pandémie, deux années de transition, année plombée par l’absence d’un espace manga digne de ce nom, année trop centrée sur le Manga Building peuvent expliquer ces classements moyens. En fin de compte, elles ne sont pas plus marquantes que cela malgré leurs quelques points forts (les expositions consacrées à Andréas ou à Mickey et Donald en 2013 par exemple) .

Il faut écarter du classement les années 2004 et 2005 où je suis venu en simple festivalier avec un billet pour une journée. Bien entendu, il faut aussi écarter l’année 2021qui n’a existé qu’en distanciel (en plus, la retransmission en direct sur Internet de la cérémonie de remise des prix n’a pas bien fonctionné, c’est le moins que l’on puisse dire). Il reste donc trois éditions en bas de mon classement. 2012 a un mauvais score à cause d’un espace Mangasie totalement dénué d’intérêt et d’un programme général assez moyen. De plus, mes conditions de logement n’ont pas eu la qualité habituelle (mais au moins, j’ai pu découvrir Fables durant une nuit presque blanche passée sur un canapé). En fait, c’est surtout la dernière venue à Angoulême (sur une journée) de beanie_xz qui permet à cette année de devancer l’édition 2006. En effet, cette dernière ne bénéficie pas des points que rapportent un espace dédié à la bande dessinée asiatique ou un programme très intéressant. De plus, à cette époque, les expositions n’avaient pas l’ampleur qu’elles prendront par la suite.

2006 est pourtant une année marquante pour trois raisons : il s’agit de ma première édition s’étalant sur plusieurs jours en tant qu’accrédité et il est tombé tellement de neige le samedi que Sakumoyo et moi sommes rentrés dès le milieu d’après-midi, sans que je laisse le soin à ma jeune conductrice (elle venait juste d’avoir son permis) de nous ramener à l’hôtel sur Cognac. Enfin, en 2006, j’ai passé du temps avec Moonkey et Vanyda, à l’occasion de deux entretiens, activité que je n’ai plus jamais reproduit à Angoulême par la suite. Dans mes souvenirs, voilà donc une édition qui m’est chère malgré son mauvais classement.

L’année 2014 ferme la marche et c’est une édition où je ne me suis pas vraiment amusé. Un peu seul une partie des deux jours et demi passés sur place (ça, je déteste), mal logé (faire du camping dans une maison est une option que je subis, pas que je décide de gaité de cœur). Terminons par un programme me laissant peu de souvenirs à part la venue de Li Kunwu, l’exposition coréenne sur le sort des « femmes de réconfort » durant la Seconde guerre mondiale et plusieurs conférences intéressantes au Conservatoire, sans oublier la très réussie exposition consacrée à Mafalda. Cela fait beaucoup à l’arrivée ? Certes, mais on parle d’Angoulême, un festival d’une très grande qualité habituellement. Du coup, un Little Asia d’une nullité incroyable achève d’expliquer cette mauvaise impression et ce classement pitoyable (2014 est même derrière 2005 et sa journée et demi en tant que simple festivalier).

Voilà, il est temps de passer à autre chose que de faire des comptes rendus sur le Festival d’Angoulême, du moins jusqu’à la fin de l’année et la traditionnelle conférence de presse. Nous en saurons plus alors sur le programme de 2024, programme qui risque d’avoir du mal à se mettre en place avec une direction artistique décimée par les démissions, une mauvaise habitude prise en 2020 et qui se poursuit toujours.

À l’origine du manga

Ce billet est la version rédigée d’une conférence donnée en février au CDI du lycée Jean Monnet de La Queue-lez-Yvelines.

Qu’est-ce que le manga ?

Le terme manga fait normalement référence à la bande dessinée japonaise. Pour beaucoup, cela englobe aussi les dessins animés (au Japon, on parlait à une époque de terebi manga même si le terme anime, venu des USA, a pris de l’importance depuis de nombreuses années), mais aussi toutes les illustrations d’inspiration « manga », le cosplay, etc. c’est-à-dire tout ce que l’on pourrait regrouper dans un ensemble nommé « culture manga ». Au Japon, pour la bande dessinée, on parle d’ailleurs plutôt de komikku (comics). Nous allons ici nous concentrer principalement sur l’aspect livre de cet univers manga et voir comment il est créé au Japon et en France.

Caractéristiques

Il est difficile de caractériser le manga sans faire de généralités tant la bande dessinée japonaise est variée. Néanmoins, un certain nombre de caractéristiques sont relativement communes et associées au manga par le sens commun. La première de ces caractéristiques est certainement le noir et blanc et le petit format qui font ressembler les mangas à nos livres de poche. En effet, pour des raisons historiques de coût de création et de fabrication, le choix du N&B s’est imposé dans le développement des magasines d’après-guerre (avant, ils étaient fréquemment en couleur ou en bi ou trichromie). C’est une grande différence avec, par exemple, des États-Unis où la couleur s’est imposée, y compris dans la presse (pour les sunday). Les trames (mécaniques, c’est-à-dire autocollantes, puis informatiques) ont rapidement permis de donner du volume au dessin en l’absence de couleur. Cette utilisation des trames donne un cachet particulier au dessin qui est spécifique au manga. Il faut dire que les trames sont très variées au Japon et permettent de réaliser de nombreux effets, même si cela ne se voit pas trop sur certaines séries comme Naruto. La taille des mangas reliés est souvent comprise entre A5 (les deluxe) et A6 (les bunko). Le format le plus commun est le B6.

La deuxième est sans aucun doute les « grands yeux » qui peuvent occuper jusqu’à un quart du visage (sourcils compris), surtout chez les personnages féminins. Il ne s’agit pas de ressembler aux Occidentaux comme cela a été trop rapidement affirmé par les détracteurs du manga mais d’appliquer le principe de la néoténie au manga. En bande dessinée, il s’agit de la conservation de certains caractères de l’enfance afin de provoquer un attachement, une attirance inconsciente et abstraite chez les humains, y compris envers les animaux. Un bon exemple est celui du Chat potté dans Shrek 2, qui rappelle le chaton lorsqu’il fait les grands yeux. Utilisée en bande dessinée, cela provoque un sentiment de sympathie, crée une plus forte emprise sur les lecteurs. Walt Disney a énormément utilisé ce principe, vraisemblablement de façon inconsciente, notamment pour distinguer les gentils des méchants et créer une sorte d’attirance envers ses personnages. Mais Disney lui-même n’a rien inventé car on peut trouver des usages de la néoténie dans l’art du XIXe siècle. Au Japon, c’est aussi le succès dans les années 1920 des illustrations de Yumeji Takehisa dont le style a été de nouveau popularisé après-guerre par Jun’Ichi Nakahara qui peut expliquer l’importance des grands yeux dans la culture shôjo. Il ne s’agit donc pas d’une invention d’Osamu Tezuka qui était un grand amateur de Disney et connaisseur de l’imagerie née dans les magazines pour filles. Par son influence sur le style graphique des mangas des années 1950, Tezuka a surtout généralisé le phénomène.

La troisième caractéristique du manga est moins perceptible car elle ressort de la narration et de la mise en page. Pourtant, il s’agit là d’une différence fondamentale avec la bande dessinée franco-belge et le comics. Il y a certes le sens de lecture de la droite vers la gauche mais c’est surtout l’agencement des cases et le rythme de l’action qui sont très différents entre ces trois pays de bandes dessinées. Le rythme de lecture dépend, pour commencer, du nombre de cases par planche. Dans le manga, ce nombre est généralement compris entre quatre et six sur deux ou trois bandes de deux cases. Bien entendu, pour créer des « pages mémorables » ou créer une mise en situation, il est possible de descendre à deux ou trois cases et de jouer sur la notion d’ellipse. Les bandes sont aussi plus ou moins éclatées, surtout dans le shôjo manga, notamment pour donner du dynamisme à la composition, et donc à la narration. Cela permet aussi de retranscrire des émotions comme la confusion. De plus, les chapitres sont courts : 16 pages pour les hebdomadaires, 30 à 60 pour les autres rythmes de prépublication. La construction en feuilleton (que l’on retrouve aussi dans les comics) est liée à cette prépublication en chapitre des mangas.

Enfin, outre l’omniprésence des onomatopées (il en existe même une pour signifier le silence, le fait qu’il ne se passe rien) dans de nombreux mangas (surtout ceux d’action), il y a toute une série de codes graphiques spécifiques au manga qui permettent de faire passer des émotions, mais aussi toute une gamme d’informations sur l’état des personnages. La goutte de gêne, la veine temporale gonflée de colère, les lignes de vitesse, les lignes de tensions, etc. sont des signes qui sont des marqueurs importants dans le manga, même si de nombreux titres japonais ne les utilisent pas, rappelons-le. Cela donne aux auteur·e·s tout un dictionnaire graphique pour dessiner des sentiments, donner des impressions, dynamiser l’action.

La prépublication

Si en France, on connaît les mangas principalement sous forme reliée, au Japon, les mangas sortent généralement dans des magazines de prépublication. Une fois qu’il y a assez de chapitres et donc de pages, le manga sort en format relié, c’est-à-dire sous la forme d’un livre (tankobon) comprenant 140 à 220 pages (180 le plus souvent). Certains magazines sont hebdomadaires, d’autres bimensuels, mensuels, trimestriels, voire annuels (les « spéciaux »).

Il existe de nombreux magazines de prépublication (mangashi) et ils visent tous une tranche d’âge et un genre. C’est un marché très segmenté et c’est donc en fonction du public principalement visé que l’on va les classifier. Ceci dit, les magazines papiers sont de plus en plus remplacés par des sites internet de prépublication qui sont plus multi-audiences (par exemple le webzine Ura Sunday). Et comme les classifications japonaises sont assez mal utilisées en France, il vaudrait peut-être mieux les oublier pour s’intéresser plutôt aux types d’histoires proposées, comme le fait un éditeur comme Akata. Néanmoins, étant utilisés par quasiment tout le monde, voici un rappel des principales classifications qui sont faites : shônen, shôjo, seinen, josei mais aussi kodomo, etc.

Il s’agit là de cœurs de cible, le lectorat est plus étendu et les limites des catégories sont parfois assez floues. Les filles ou les adultes peuvent lire du shônen là où on ne verra quasiment aucun garçon lire du shôjo. Il y a aussi de nombreux genres qui sont abordés dans des magazines spécialisés. Ils ont aussi un cœur de cible axé sur le thème qui compte plus que la tranche d’âge et le sexe. Voici quelques exemples de mangas de genre : horreur / fantastique, mah-jong, Gundam (franchise à succès mettant en scène des robots géants) , boys’ love (yaoi), érotisme ou pornographie, lolicon (lolita complex) / moe (mignon), yonkoma (gags en quatre cases), etc.

Tout part donc du magazine de prépublication (sauf rares exceptions comme celle des anthologies qui regroupent plusieurs mangaka de l’éditeur autour d’un thème). Chaque magazine a un rédacteur en chef qui dirige le mangashi (littéralement « magazine de manga ») et qui en définit la ligne éditoriale. Il y a surtout une équipe d’éditeurs (tantosha), ceux-ci étant chargés de superviser un certain nombre d’auteur·e·s. Ce sont ces tanto qui vont voir avec chaque mangaka dont ils ou elles (il y a de plus en plus de femmes parmi les tantosha) ont la charge afin de réaliser un chapitre pour le prochain numéro à paraitre. Le rythme de parution du magazine conditionne la taille du chapitre et la fréquence des réunions. Pour un hebdomadaire, il faut produire généralement 16 pages. Pour un bimensuel, on est généralement à 20-30 pages, pour un mensuel, c’est entre 40 et 60 pages.

Les mangaka travaillent rarement seul·e·s, ils ou elles montent un studio et réalisent leur manga en équipe, équipe qui est payée sur les propres revenus des auteur·e·s. Ils ou elles sont généralement assisté·e·s par des personnes (les assistant·e·s) qui vont réaliser des tâches précises (gommer les crayonnés, poser des trames, dessiner telle ou telle partie du décor, etc.). Le nombre d’assistant·e·s est très variable, il dépend du nombre de pages à rendre, des séries en cours. Cela peut aller de un à plus d’une dizaine. Généralement, plus on s’approche de la date de rendu, plus il y a d’assistant·e·s. Dans les années 1970, Osamu Tezuka avait mis en place les 3 × 8 : il avait trois équipes d’assistants qui se relayaient 24 heures sur 24 dans les locaux de l’auteur. Le studio est généralement situé dans un appartement loué pour l’occasion (permettant de dormir sur place en période de bouclage) ou chez l’auteur·e dans une pièce dédiée à cet usage. Akiko Higashimura est actuellement une des mangaka les plus productive et compte de très nombreuses personnes dans son studio, ce que l’on peut voir dans le reportage Manben qui lui est consacré.

Un chapitre est généralement réalisé ainsi : L’auteur·e conçoit le scénario en réalisant un brouillon, une sorte de story-board qu’on appelle le name (namu). Ce brouillon contient les dialogues, les grandes lignes de la mise en page (la narration). Ensuite, l’auteur·e va rencontrer son ou sa tanto pour en discuter, soit dans les bureaux du magazine, soit dans un café. Les tanto peuvent demander des changements (et ne  s’en privent pas), estimant que telle ou telle partie n’est pas assez bonne, donnant ainsi des conseils pour rendre l’histoire plus attractive. Cela peut concerner un point de vue, un enchainement de cases, un dialogue, etc. Une fois que mangaka et tanto sont d’accord sur le chapitre, il est temps de passer au crayonné. C’est l’auteur·e qui s’en occupe et qui dessine toute les pages au crayon. Ensuite, c’est la phase de l’encrage. L’auteur·e peut s’en occuper entièrement ou déléguer une partie plus ou moins importante du dessin à encrer (les décors, les onomatopées, une partie des personnages). Les trames sont généralement posées par les assistant·e·s, tout comme la typographie des dialogues (qui peut aussi être faite par l’imprimeur). Une fois que tout est terminé (généralement juste à temps), les planches sont rendues au tanto qui les remet à l’imprimeur.

Pour un hebdomadaire, cela occupe généralement six jours sur les sept de la semaine. Le dimanche, l’auteur·e peut se reposer. Les assistant·e·s, pour un hebdomadaire, interviennent généralement les trois derniers jours. Mais cela peut varier d’un·e auteur·e à l’autre, selon sa façon de travailler. Créer des histoires pour un mensuel donne plus de temps pour s’organiser, mais il y a souvent plus de planches à produire. Il est à noter que certain·e·s passent d’un magazine hebdomadaire à un mensuel car ils ou elles n’arrivent pas à suivre le rythme ou que cela correspond mieux au récit. Il y a aussi la possibilité de paraitre un numéro sur deux.

La Diversité

La prépublication, chapitre par chapitre, de plusieurs séries en parallèle permet en effet de fournir une grande diversité d’histoires aux lecteurs et lectrices. Quand un mangashi contient plus de 400 pages de mangas, soit une vingtaine de séries, à chaque numéro, il est assez facile de proposer des créations différentes. Il est important, commercialement, de toucher le plus vaste public possible dans le segment visé, ce qui est encore plus vrai depuis le retournement du marché manga qui a eu lieu une vingtaine d’années au Japon. À cela, s’ajoute un système des votes permettant de savoir quelles séries plaisent le plus et surtout celles qui plaisent le moins, ce qui donne la possibilité de prendre des risques : si ça ne trouve pas son public, on arrête et on propose autre chose. Le marché français, en plus de 25 années d’éditions francophones, a réussi plus ou moins, sauf peut-être pour le shôjo, à représenter cette diversité. Il faut avoir à l’esprit qu’un manga ne se contente pas d’avoir un seul thème mais en mélange plusieurs (deux, trois, voire plus).

Un succès décliné à l’infini

Quand un manga (papier) rencontre un certain succès, il est souvent adapté en animé qui peut faire une ou deux saisons (ou plus si l’audience est au rendez-vous). Cette adaptation est importante pour les auteurs comme pour les éditeurs du manga originel car, outre des droits d’auteurs, la diffusion à la télévision accroit la notoriété donc l’audience du titre et amplifie ses ventes. C’est un phénomène qu’on ne rencontre pas qu’au Japon. En Occident, c’est la même chose : une série qui passe à la télévision (même par Internet) a de très grandes chances de mieux se vendre sous la forme de livre. Les plus gros succès commerciaux ont droit à une déclinaison cinématographique (bénéficiant donc d’un budget nettement plus important). Cette adaptation qui est diffusée dans les salles de cinéma est le plus souvent sous la forme d’un film d’animation, mais peut être aussi un fil en prise de vues réelles, avec de véritables acteurs et actrices. Le film d’animation peut être aussi produit uniquement pour une diffusion à la télévision (on parle alors d’OAV). L’adaptation peut aussi se faire sous la forme d’une série TV en prises de vues réelles avec de véritables acteurs et actrices. On parle alors de drama.

Une autre déclinaison des mangas qui connaît un succès certain est la figurine. En Occident, on aime beaucoup les figurines, il en est de même au Japon, ce qui fait le bonheur des magasins spécialisés, les marges étant bien meilleures que sur le livre. Elles ont tendance à être plus petites, moins travaillées et surtout moins cher au Japon qu’en France. Il s’agit ici d’une figurine de Sailor Moon, mais il en existe des centaines et des centaines, issues de séries comme Les Chevaliers du zodiaque, Dragon Ball, etc. Cependant, les produits dérivés sont bien plus variés que cela. Il existe par exemple des bandes dessinées réalisés par des auteur·e·s non professionnel·le·s (il y en a même qui en vivent) qui auto éditent leurs créations qui reprennent l’univers et/ou les personnages de séries à succès. Cette pratique est normalement interdite mais elle est (plus ou moins) tolérée dans les faits. Ces BD sont appelées dojinshi, un phénomène qui s’est développé dans les années 1970 dans les clubs manga des lycées japonais. Les dojinshi ont leurs propres conventions comme le Comiket (le plus grand rassemblement BD au monde) qui se déroule deux fois l’an, ou le Comitia, plus accès sur les créations originales où des éditeurs francophones comme Ki-oon ont l’habitude de prospecter, à la recherche de talents encore inconnus des éditeurs japonais. En France, le phénomène existe aussi, de bien moindre importance), comme on peut le voir en allant dans la partie dédiée au fanzinat de conventions comme Japan Expo ou Yaoi/Yuri Con.

Les séries à succès peuvent être aussi déclinées sous une forme purement littéraire, en romans appelés « light novel », c’est-à-dire proposant une littérature sans grande prétention autre que de distraire. Nous sommes là dans la pure industrie du divertissement. Il s’agit le plus souvent de spin-off, c’est-à-dire des histoires parallèles mettant en scène des personnages plus ou moins secondaires. Néanmoins, il existe des séries qui font le chemin inverse. Des light novels, créations originales ayant rencontré un certain succès public, sont adaptés en manga et même en animés. Il y a même des cas où les trois supports sont prévus dès l’origine afin d’être très présents sur les trois canaux en même temps, renforçant ainsi leur notoriété et leur exposition.

Enfin, les plus grands succès commerciaux trouveront leur Graal en étant adapté en jeu vidéo. Deux des trois principaux fabricants de consoles de jeux vidéo étant japonais, un nombre important de mangas à succès ont eu droit à une adaptation. Bandai est un des éditeurs de référence, un des plus actifs dans le domaine. Dragon Ball, Naruto, One Piece, mais aussi Mobile Suit Gundam, JoJo’s Bizarre Adventure, la liste est longue des adaptations réussies en jeux vidéo, que ce soit sur Super Nintendo ou Playstation.

La liste des produits dérivés est réellement interminable. Ce peut être aussi des jouets ou des jeux de sociétés, des peluches ou des poupées, des goodies sous toutes les formes imaginables (agenda, trousses, cahiers, stylos, cartables, cartes téléphoniques ou de train, vêtements et chapellerie, maroquinerie, et même des préservatifs Sailor Moon en 2016). Il existe aussi des chaines de cafés comme le Gundam Cafe que l’on peut trouver dans les principales villes japonaises. Le centre commercial Diver City à Odaiba accueille même une reproduction d’une armure à l’échelle un depuis 2009 (le modèle a changé en 2017).

Angoulême 50, impressions

La cinquantième édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême s’est achevée il y a peu. Après y avoir passé deux journées et demie, voici ce que j’en retiens, pour le meilleur et pour le mauvais car, oui, j’en ressors avec une impression mitigée. En premier lieu, la magie opère toujours et les heures passées sur place ont défilé extrêmement rapidement. Les expositions sont toujours aussi nombreuses et souvent magnifiques, même si certaines me semblent avoir été moins travaillées que d’habitude, notamment sur les cartels. À l’heure du bilan, et même si les points négatifs ne l’emportent pas sur les positifs comme je le craignais au début, l’impression finale classe la fameuse édition anniversaire plutôt en bas de mon panthéon personnel.

Les points positifs

J’ai pu aller au festival avec ma commère a-yin alors que celle-ci voulait boycotter la cinquantième à cause de l’affaire Vivès et de l’expo manga sur l’œuvre d’Ikegami, le virilisme incarné dans le manga. Mais l’appel des 6 voyages de Philippe Druillet et celui de L’Attaque des titans ont été les plus fort. Ouf ! D’ailleurs, alors que la délégation mangaversienne s’annonçait des plus limitées entre manque d’intérêt, travail chronophage, problème de logement, économies à réaliser pour avoir plus de budget pour de proches vacances à Hong-Kong, etc. je me suis vu jusqu’au dernier moment y aller seul avec parfois comme compère Tanuki (qui a un programme assez différent du mien).

La programmation des rencontres et tables rondes à Manga City semble avoir été de grande qualité. Les trois auxquelles j’ai assisté étaient vraiment réussies. J’adresse mes félicitations à Julien Bouvard et ses trois invités (Christophe de naBan, Benoit d’IMHO, et Vincent de Revival), ainsi qu’à Laure Gamaury et ses deux invité·e·s (Laura d’Akata et Timothée de Kana), sans oublier Rémi et son invitée Akane Torikai accompagnée de son interprète Bruno Pham (Akata). Les retours que j’ai pu avoir concernant la table ronde sur l’édition de manga (je n’ai pas pu y aller, étant occupé autre part) étaient bons ; et je n’ai aucun doute que la table ronde sur la traduction animée par le toujours excellent Julien Bouvard était aussi d’une grande qualité. Pour le reste, je n’en ai aucune idée mais ce serait étonnant que c’eut été mauvais.

Les expositions consacrées à Marguerite Abouet et à Julie Doucet étaient vraiment intéressantes et concernaient deux autrices dont je connais très mal le travail mais dont j’entends souvent parler en bien. Avec des scénographies habituelles pour les lieux concernés (l’Espace Jeunesse pour la première, l’Hôtel Saint-Simon pour la seconde), celles-ci étaient intéressantes, montraient bien le travail des deux femmes et le propos qu’elles portaient. Celle consacrée à Philippe Druillet était un peu courte avec assez peu de planches (forcément, vu leur taille) mais c’était impressionnant, surtout que je n’ai rien lu de l’auteur et que je le connais plus par les parodies de Gotlib que par ses propres bandes dessinées. La projection en musique de ses dessins sur les murs et le plafond de la chapelle du lycée Guez de Balzac était là aussi impressionnante quoique le cycle d’animation était un peu court.

Un peu en marge du festival, organisée uniquement à destination des professionnels, j’ai pu visiter avec a-yin et un groupe d’une dizaine de personnes dont deux membres de Pow Pow (l’éditeur québécois bien connu), le fonds patrimonial des imprimés de la CIBDI et voir comment sont archivées de nombreuses bandes dessinées et revues consacrées au 9e art hors du dépôt légal de la BnF. C’était intéressant : de belles pièces nous ont été montrées. Nous avons ainsi pu voir ce que l’on considère comme le premier manga jamais publié en français dans la revue d’arts martiaux Budo (« La dramatique histoire budo du samouraï Shinsaburo », une histoire courte d’Hiroshi Hirata), éditée de façon pirate (dans le sens où l’éditeur français a traduit l’histoire sans se soucier des droits). Alors, certes, c’est pour amatrices et amateurs de (plus ou moins) vieux papiers, mais j’ai été surpris par la présence de nombreux ouvrages en langues étrangères, dont des mangas, des manhua et des manhwa. Je prépare un reportage photographique sur cette visite.

Les petites déceptions

Ni positifs, ni réellement négatifs, les points suivants sont à classer dans les petites déceptions. Il y a la rencontre avec Geof Darrow, annulée car l’auteur s’est, peut-être à juste titre, vexé. Je pense que de petits soucis de communication et d’incompréhension en sont la cause. Sur le message Facebook qu’il a posté, il s’est plaint, notamment, que ni le déplacement ni le logement ne lui étaient payés par l’organisation, qu’il n’était pas sur le programme officiel (il était dans le « Heure par heure ») alors qu’il devait assurer une masterclass. En fait, j’imagine que dans l’esprit du festival, la prise en charge devait être du ressort de l’éditeur, ce qui est plus que discutable. Autre rencontre ratée, celle avec Fabrice Neaud car nous n’avions plus le temps d’aller au Théâtre (surtout que c’était dans le petit studio tout en haut) à la sortie de la visite du fonds des imprimés de la CIBDI. C’est de ma faute, et c’est ça le festival : des conflits d’emploi du temps. Pourtant, cette année, j’en ai eu très peu, des collisions d’activités, signe d’un programme ne m’intéressant que peu.

Les expositions Junji Itô, dans l’antre du délire et L’Attaque des Titans, de l’ombre à la lumière m’ont un peu déçu par leur manque d’explications, de mise en contexte et d’informations en général. Bref, ça manquait de cartels à mon goût. J’ai eu l’impression que tout le budget et les efforts étaient passés dans la déco et la scénographie (le résultat était réussi, il faut dire). Autant je peux le comprendre pour une question d’ambiance, et la volonté de Junji Itô qui a eu l’occasion d’expliquer que son œuvre parle pour lui et qu’il veut qu’on la découvre à travers son travail, autant je trouve qu’il était possible d’en faire un peu plus pour le manga d’Hajime Isayama, surtout que nous avons eu la chance d’avoir une visite commentée par Fausto, le commissaire, qui nous disait des choses très intéressantes. Du coup, elle se visitait assez rapidement, une grosse demi-heure suffisant pour faire les quatre salles thématiques. Par contre, la musique d’ambiance (originale) était une réussite totale. Quoi qu’il en soit, c’était superbe, même si ça n’arrivait pas au niveau de l’exposition Batman 80 ans, proposée en 2019 et qui avait réussi à être plus belle, plus impressionnante que celle sur L’Attaque des Titans, sans oublier d’être très didactique et avec de nombreux originaux. Mais on nous l’a tellement « vendue », cette exposition titanesque qu’il était facile d’être déçu lorsqu’on est un grincheux comme moi.

Je n’en attendais pas grand-chose et heureusement : l’exposition de la Cité Rock ! Pop ! Wizz ! Quand la BD monte le son était plus que moyenne. Il n’y avait pas réellement de logique aux accrochages, les explications étaient pauvres et les commissaires ne semblaient pas savoir que le manga Nana existe. En plus, le catalogue est moche, incomplet, mais au moins, il n’est pas cher. Celle-là, par contre, j’en attendais plus : je parle de l’exposition Couleurs ! qui manquait franchement de contenu et faisait trop la part belle aux auteurs complets plutôt qu’aux coloristes, un comble. Je m’attendais à une approche historique, sociologique puis technique, il n’en était rien. Les planches proposées ne semblaient pas avoir de liens entre elles. Et comment peut-on oser ignorer à ce point Évelyne Tran-Lê (on la voyait témoigner dans la sempiternelle projection d’extraits du documentaire L’Histoire de la page 52 mais on ne voyait pas son travail in situ)… Reste que de nombreuses planches étaient bien jolies.

Je trouve dommage que le festival n’ait pas mis en avant l’aspect anniversaire de la cinquantième édition. Il y avait bien une petite exposition, 50 ans, 50 regards, située à Franquin mais elle était assez anecdotique, même si quelques illustrations étaient bien jolies et certaines étaient même amusantes. Cela fait peu, et il fallait plutôt compter sur l’exposition du Musée de la BD, 50 ans, 50 œuvres, 50 albums, et les photos géantes que l’on pouvait voir rue Hergé grâce à l’Association du FIBD (sans oublier les 50 affiches dans leur boutique éphémère) pour se faire une séquence nostalgie. Je sais bien qu’il faut être tourné vers le futur et pas vers le passé, mais quand-même…

Le négatif

Cette année, il n’y avait pas les conférences du Conservatoires, alors qu’il s’agit de l’activité que nous préférons après les visites d’expositions et les rencontres avec des autrices et auteurs. Non seulement, j’aime bien en proposer sur le manga (même si c’est beaucoup de travail et un peu stressant) au public angoumoisin, mais surtout j’apprécie celles données par des conférenciers de talent comme Xavier Lancel, Alex Nikolavitch, Paul Gravett ou Bernard Joubert. L’érudition et l’aisance de ces spécialistes font que nous passons à chaque fois d’excellents moments. Pourquoi les avoir supprimées du programme (alors qu’elles étaient annoncées dans de dossier de presse) ? Je sais bien qu’il faut faire « grand public », numérique, jeunesse et manga, mais la fréquentation de ces conférences pointues a toujours été bonne et elles faisaient salle comble (une cinquantaine de personnes, donc) la plupart du temps, aussi bien les vendredis que les samedis, même entre midi et 14h00.

Manga City avait rétrécit au profit d’Alligator 57. Du coup, l’espace Conférences était plus petit que les deux années précédentes et surtout très bruyant étant situé avec les stands. Surtout, malgré l’absence d’éditeurs tels que Ki-oon et Taïfu/Ototo, il y avait peu de place pour circuler, notamment quand il y avait des files d’attente pour les dédicaces. Voilà qui était très gênant pour un éditeur comme naBan qui se retrouvait régulièrement invisibilisé et inaccessible. Dommage, car la bulle était joliment conçue et décorée. C’était d’autant plus problématique que la fréquentation du lieu a été très importante tout au long du festival, la palme revenant au samedi avec une file d’attente extérieure de plusieurs dizaines de mètres. Car malgré Alligator 57 en passage obligé, les festivaliers venaient pour les mangas, pas pour bouffer des trucs nuls hors de prix ou regarder évoluer des skateurs sur de la musique techno. D’ailleurs, ce nouvel espace était ridicule et hors sujet. J’espère que ce n’était qu’une installation provisoire.

Cela va passer inaperçu du fait de la fréquentation record et des ventes qui vont avec mais il y a eu des ratés dans la programmation : du fait d’erreurs d’horaire dans la version imprimée du « Heure par heure », de chevauchement de programmes, plusieurs rencontres ont été annulées, ou ont commencé en retard, ou se sont déroulées devant un très maigre public. Rien qu’à mon niveau, j’en ai eu l’écho de trois mais je sais qu’il y en a eu d’autres. Une festivalière pro m’a fait part de son désappointement de s’être rendue à une rencontre (et d’avoir interrompu une discussion avec des auteurs sur un stand pour cela) pour se retrouver dans une salle pratiquement vide et une animation annulée après plus d’une demi-heure de flottement où on annonçait simplement un retard, tout simplement parce que le « Heure par heure » était erroné. Et ce n’était pas la première fois que ça se produisait, lui a-t-on dit. C’est un peu ce qu’a connu Derf Backderf dont la rencontre avait été mal annoncée (une erreur de lieu) et qui s’est déroulée devant pratiquement personne. Son interprète s’en est excusé le lendemain lors de la rencontre sur la musique punk / rock et la BD. À propos de cette dernière, pauvre Derf Backderf qui a attendu plus d’un quart d’heure (on sentait qu’il s’impatientait) que JC Menu arrive après une dédicace qui avait débordé (et oui, il faut du temps pour descendre du Plateau). Encore plus fort, la rencontre croisée entre Akane Torikai et Maybelline Skvortzoff a été annulée parce que cette dernière était à une quarantaine de kilomètres de là, à Cognac, au moment de commencer la discussion autour des relations hommes-femmes.

Dernier loupé, la gestion des catalogues d’exposition : il n’y en avait que deux qui concernaient les expositions du musée d’Angoulême. Pourquoi si peu ? Surtout, ils ont étés rapidement indisponibles à la boutique du musée, dès le samedi midi. Celui consacré à Druillet, tiré seulement à 1 000 exemplaires (pour 1 500 pour celui consacré à Ikegami, c’est du gros n’imp’) était donc introuvable dans les bulles. Sans Rémi nous informant dimanche matin qu’il en restait un peu à la boutique de Manga City, je n’aurai pas pu en acquérir alors que j’y tenais particulièrement. Pourtant, ils n’étaient pas épuisés comme cela avait été le cas pour le Corben en son temps vu qu’il est désormais vendu sur la boutique en ligne du festival depuis ce lundi matin. Je ne sais pas si c’était la faute de Glénat qui tenait la boutique du musée ou celle de l’éditeur-distributeur 9e Art+, mais organisez-vous, bon sang !

Un point particulier

Il me reste à terminer sur l’exposition Ryōichi Ikegami, à corps perdus. Pour moi, elle n’avait rien à faire au musée d’Angoulême, étant donné le caractère « second couteau » du mangaka, un tâcheron comme il y en a tant au Japon mais pourtant adulé par quelques fans des mangas de genre, ceux avec des yakuzas ou avec de l’action à la façon des films de Hong-Kong des années 1980-1990. Certes, Ikegami a eu en francophonie son petit succès avec Crying Freeman et Sanctuary (mais à une époque où il y avait beaucoup moins de sorties), et il est toujours publié au Japon et en France malgré son âge avancé. Dans mon esprit, Fausto, le responsable de la programmation Asie s’est fait plaisir en bon fan-boy et a profité d’une occasion d’avoir l’auteur à Angoulême avec une exposition en sus. Cependant, ça n’a pas grand-chose de patrimonial, ce qui semble pourtant devenir le thème principal des expositions du musée. Il y a tellement d’auteurs et surtout d’autrices qui méritent plus qu’Ikegami d’être exposé·e·s à Angoulême, à commencer par Moto Hagio qui est déjà venue en France à trois reprises (Salon du livre de Paris, BPI, Japan Expo). Qu’on ne vienne pas me dire qu’elle est inaccessible comme l’est Rumiko Takahashi. En plus, le travail de Moto Hagio va être de plus en plus disponible en français dans les mois qui viennent.

Néanmoins, connaissant XaV, un des deux co-commissaires, je n’étais pas inquiet pour la partie contenu, et j’ai eu raison (même si j’ai eu l’impression que les cartels étaient moins développés que pour les expositions précédentes du musée angoumoisin). Pour moi, la scénographie montre bien les limites d’Ikegami qui était incapable de concevoir lui-même une histoire à ses débuts (il a donc rapidement travaillé avec des scénaristes). De ce fait, elle met bien en valeur ses co-créateurs et développe un aspect plus méconnu de la création du manga, plus collégial. J’ai aussi pu voir à quel point l’auteur faisait du sous-Chiba puis du sous-Hojo avant de trouver un style personnel, réaliste et reconnaissable (ce qui explique à mon sens son succès en francophonie au mitant des années 1990). Alors, oui, c’est plutôt beau, notamment le long du couloir final (mais ça manquait de fesses d’hommes a fait remarquer a-yin et c’est bien vrai), cependant c’est un peu sans intérêt à mes yeux. Toutefois, j’ai pu constater que le public appréciait l’exposition à entendre des réflexions autour de moi. J’ai pu aussi voir qu’il y avait du monde pour les dédicaces, et que sa masterclass avait fini par afficher complet. Il y avait manifestement des fans de l’auteur à Angoulême.

Le butin d’Angoulême

Finalement, je suis rentré avec pas mal d’achats, deux livres étant même dédicacés, Le 50e de Philippe Tomblaine (PLG, 2023) qui retrace les cinquante éditions du festival d’Angoulême. Agréable à lire, factuel, bien illustré, l’ouvrage permet de se rendre compte que les polémiques existaient déjà dès les premières éditions. Mon autre dédicace est de JC Menu sur Croquettes (Fluide Glacial, 2016). Cela m’amuse d’avoir un titre dédicacé de l’auteur (au talent certain, comme j’ai pu le voir dans l’exposition qui lui avait été consacré au festival il y a quelques temps) qui a tant craché sur les BD commerciales avant d’être publié par un éditeur « grand public » (Bamboo se trouve derrière Fluide Glacial). Je voulais le catalogue Druillet, je l’ai eu, et j’ai pris celui sur Ikigami, car je suis complétiste et que je sais que les textes et les reproductions seront de qualité. Je vais aussi avoir de la lecture en manga d’horreur / épouvante (merci à Benoit pour le Service de Presse, essaye de t’en souvenir et de ne pas me l’envoyer en double, haha !) alors que je ne suis absolument pas fan du genre. Mais Moroboshi, quoi ! No Offense est un catalogue d’une exposition fictive satirique envers le mouvement ayant entrainé l’annulation de celle consacrée à Bastien Vivès. Elle se base sur des feuilles blanches, une façon de dénoncer la censure apparue en Russie puis qui s’est développée en Chine. C’était gratuit, je n’allais pas refuser… Le Journal de Mickey était gratuit, lui aussi, je l’ai pris sur le stand du fameux magazine, magazine dont on a pu voir un exemplaire extrêmement rarissime au fonds patrimonial des imprimés. Un passage à la librairie de la Cité m’a permis d’acheter le petit livre des débuts de Fabcaro, celui que j’appréciais, pas comme celui qui a du succès depuis Zaï Zaï Zaï Zaï et qui ne fait que se répéter…

Enfin, je remercie 9e Art+, l’Agence La Bande, l’Association du FIBD, la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image pour tout leur travail et la possibilité de me permettre de profiter du festival dans des conditions privilégiées. Je remercie aussi Manuka pour sa relecture. Je donne rendez-vous à tout le monde à janvier 2024, pour la cinquante-et-unième édition (soyons optimiste) !

FIBD 50 le butin

Cinq ans, cent billets…

En un peu plus de cinq années, une centaine de billets ont été publiés sur ce blog WordPress. Ceci dit, il vaudrait peut-être mieux pour moi d’éviter de tirer un nouveau bilan tant ce centième texte a été un bide quasi-absolu… ce qui n’a pas été une surprise. Il faut dire que le mettre en ligne un dimanche en fin de journée doit être le pire moment pour sa visibilité sur les réseaux sociaux. Réseaux sociaux où j’en fais le minimum puisque Facebook est mon seul relais. En effet, j’ai toujours détesté Twitter et ce ne sont pas ses récents bouleversements, qui l’ont enfoncé un peu plus dans le purin, qui vont me faire changer d’avis. Si a-yin ne s’y fait pas le relais, je n’y existe pas. Et cela ne concerne que mes textes en rapport à la bande dessinée (pas tous en plus). Pourtant, surtout dès que je chronique un josei manga (s’adressant à un lectorat féminin adulte), cela me vaut une belle amélioration de trafic (l’effet bulle joue à plein). Il y a bien Tumblr où mes nouveaux billets WordPress sont automatiquement relayés mais comme je n’y vais que rarement, il n’y a pas réellement d’interactions avec des potentiels suiveurs.

Pourtant, Jetpack m’annonce que j’ai plus de 590 partages sur Twitter et plus de 690 sur Facebook…Néanmoins, pour moi, ce sont principalement deux forums (BD Gest et BulleDair car celui de Mangaverse est devenu peu actif) qui m’apportent le plus de visites. Est-ce que cela débouche sur une lecture par contre ? En la quasi absence de réactions, difficile de le savoir. Pourtant, de temps en temps, lors d’un échange IRL (comme on dit) ou au détour d’un message, je m’aperçois que j’ai effectivement des lectrices et des lecteurs, comme cette fois où, après sa conférence à la MCJP, alors que je le félicitais pour son intervention, Julien Bouvard m’a dit que ma série de billets sur les 20 ans de BD asiatiques à Angoulême l’avait aidé. Étonnant et réconfortant… Il faudrait aussi que je consulte plus souvent la messagerie interne du blog (et que je réponde) car je me suis aperçu dernièrement que plusieurs personnes, dont des connaissances, m’écrivaient par ce biais. 🙂

Bah, de toute façon, je ne cherche pas à avoir une grosse audience. Audience que je ne peux plus suivre depuis plusieurs mois car elle est faussée par une WordPress Android App (je ne dis pas merci à Google et sa Quick Search Box) car j’ai de nombreuses vues (toujours un peu les mêmes) qui en proviennent. À partir de là, impossible de savoir si mon site est de plus en plus visité ou au contraire, en recul, tant les chiffres de vues se sont envolés. Ceci dit, c’est certainement bon pour mon référencement Google, ha ha ! Quoi qu’il en soit, l’évolution était positive au début de l’année 2022 malgré une série de billets dédiés à Horizon Zero Dawn. Car oui, mon lectorat le plus fidèle est lié au manga, c’est une certitude. Après tout, je suis censé être un spécialiste de la bande dessinée asiatique (ou d’inspiration manga). Cependant, il ne faut pas s’attendre que je présente ici un bilan de ces cinq années à bloguer (j’en avais fait un pour les trois ans), d’autant plus que l’exercice n’est pas très intéressant à lire, il me semble.

Je vais donc continuer à écrire sur des sujets qui me motivent assez pour y consacrer plusieurs demi-journées afin de créer un article qui ne sera lu que par une centaine de personnes (allez, peut-être un peu plus parfois). En effet, j’ai l’habitude de passer plusieurs heures sur l’iconographie (ça ne sera pas le cas cette fois) afin de présenter des illustrations de qualité et en relation directe avec le texte concerné. C’est vraiment beaucoup de travail, vous pouvez me croire, mais c’est presque la partie qui me plait le plus… Et comme mes billets dépassent généralement les 1500 mots, cela représente aussi beaucoup de temps de rédaction pour une lecture d’un peu plus de six-huit minutes à l’arrivée… Je vais donc me contenter de souhaiter une bonne année 2023 à toutes mes lectrices et tous mes lecteurs et continuer à parler ici de mes centres d’intérêt du moment, c’est-à-dire du Festival d’Angoulême, de la franchise de jeux vidéo Horizon et de bandes dessinées… 🙂

Blutch : Rêveries et souvenirs

Grâce aux éditions 2024, Blutch nous reviens avec une création originale huit années après sa dernière bande dessinée personnelle, Lune l’envers (Dargaud, 214). En effet, Mais où est Kiki ? Une aventure de Tif et Tondu (Dupuis, 2020) était une reprise, avec Robber (son frère étant au scénario), d’un des plus célèbres duos de la BD francophone. Voilà donc une bonne occasion de redécouvrir un auteur plutôt atypique.

Rêveries

Dans La Mer à boire, nous faisons la connaissance de B qui, après un long voyage en train, doit retrouver A dans la ville de Bruxelles, célébrée pour son lac et ses belles plages, ses montagnes aux alentours, sans oublier son casino. En chemin, B retrouve son ancien mentor, ignore ses conseils avisés et le quitte en l’abattant d’un coup de pistolet. Cherchant à rejoindre son point de rendez-vous, B se fait ensuite capturer par une tribu de Peaux-rouges à la couleur plutôt bleue, bien décidés à faire passer une épreuve à notre aventurier. De son côté, A, une jeune fille à l’apparence très garçonne, termine son voyage en taxi, qu’elle partage avec trois autres personnes dont elle ne veut pas entendre des conseils sur ses affaires de cœurs. Arrivée à l’hôtel Métropole, la voilà partie à la recherche de B, en utilisant une corde funambule tendue à partir de sa chambre…

Blutch (dont le nom d’artiste provient de la série Les Tuniques bleues) est un des représentants les plus en vue de la « nouvelle BD », notamment depuis qu’il a reçu le Grand prix du festival d’Angoulême en 2009. Auteur prolifique à ses débuts (pendant sa période Fluide Glacial et Cornélius) se faisant plus rare ces dernières années (rappelons que sa carrière a débuté au début des années 1990), il n’a créé que quatre bandes dessinées depuis sa consécration angoumoisine. Par contre, il est pratiquement de tous les hommages collectifs aux séries franco-belge emblématiques, en grand amateur et connaisseur du genre. Lecteur il était dans sa jeunesse, lecteur il est resté. Son ouvrage Variations (Dargaud, 2017) en est le meilleur exemple où il propose sa version de trente planches issues de ses lectures de bédéphile. Délaissant les grands éditeurs (Dargaud, Dupuis, Casterman, Futuropolis/Gallimard), Blutch nous revient ici avec une création publiée par le plus-si-petit éditeur strasbourgeois 2024. Un retour aux sources en quelque sorte pour ce diplômé de la remarquable école supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg (devenue depuis la Haute école des arts du Rhin).

Avec La Mer à boire, Blutch nous propose une œuvre onirique sur le désir. En effet, il s’agit ici de la mise en forme d’un rêve qu’aurait pu faire l’auteur. Il se met en scène sous l’apparence d’un cow-boy un peu âgé et dégarni qui cherche à retrouver une jeune femme dans le but de coucher avec elle. Cette dernière a d’ailleurs une apparence changeante au fil des pages. Les péripéties s’enchainent les unes après les autres sans logique apparente, tout comme cela se produit si souvent dans les songes. Il ne faut donc pas s’attendre à un récit construit selon les règles du genre. Blutch ne s’interdit aucune digression, à l’exemple de celle du parfum Incartade. Une fois ce postulat accepté, il ne reste plus qu’à imaginer le propos sous-jacent à telle ou telle scène, voire à se projeter en tant que lectrice ou lecteur dans une création qui se révèle être formellement assez classique. En effet, comme le dit lui-même l’artiste dans un intéressant entretien disponible sur ActuaBD, il voulait faire du Tintin, avec du Manara, du Moebius, etc. dedans. Il cherche d’ailleurs à ne pas perdre son lectorat au fil des pages même si la trame du récit n’est pas toujours très linéaire. Toutefois, le mini-récit final de sept planches nous permet de changer de point de vue et impose une relecture immédiate. Bien entendu, le dessin, joliment mis en couleur par l’auteur lui-même, est une fois de plus le point fort de l’ouvrage. Blutch est un maître en la matière, son style et surtout son encrage sont immédiatement reconnaissables. D’ailleurs, nous pouvons estimer que La Mer à boire représente une excellente synthèse de l’imaginaire et du style de l’auteur.

Les éléments relevant du songe sont immédiatement décelables, entre dialogues décalés, agissements illogiques, personnages surgissant de nulle part, etc. Il s’agit aussi d’un rêve érotique, les deux protagonistes ne cherchant à se retrouver que pour coucher ensemble dans un hôtel (de luxe, bien entendu). Cela n’interdit pas une certaine forme d’humour, le grotesque n’étant jamais loin. L’érotisme, frôlant parfois la pornographie lors de plusieurs scènes assez explicites, se développe au fur et à mesure des pages, une fois que l’auteur a fait se rencontrer A et B. Cet érotisme, avec ses différentes représentations fantasmées, n’est pas uniquement masculin : la nudité n’y est pas exclusivement féminine. Effectivement, une certaine vision du sexe se développe à cette occasion. Certes, le point de vue est indéniablement hétérosexuel mais il est quelque peu ridicule d’en faire le reproche comme cela a pu être vu sur un forum spécialisé en bulles de BD : en quoi cette vision de l’amour ne serait plus possible en 2022 ? Les rêves et les fantasmes sont de l’ordre du privé tant qu’aucune atteinte réelle à autrui (et illégale) ne soit constatée par une décision de justice. Aucun reproche ne devrait être fait à se sujet. Quoi qu’il en soit, la romance promise en quatrième de couverture est là, et elle se révèle être explicite ! Cela n’a rien d’étonnant quand on connait le travail d’illustrateur de Blutch, visible lors de plusieurs expositions qui lui ont été consacrées et dans un livre comme La Beauté (Futuropolis, 2008). Cet érotisme avait d’ailleurs frappé l’auteur de ces lignes lors des dessins proposés en 2010 par le festival d’Angoulême à son Grand Prix 2009.

Souvenirs

En effet, Blutch est un auteur que je suis depuis de très nombreuses années, sans pour autant toujours apprécier à chaque fois ses créations. C’est en 2003 que je le découvre, grâce à son excellent Donjon Monster, le tome 7 intitulé « Mon fils le tueur ». Mais cet opus n’est absolument pas représentatif de l’œuvre de l’artiste. Cinq années plus tard, à l’occasion d’une vente de défraichis dans les locaux parisiens de l’éditeur Cornélius, je m’attaque à Péplum. C’est un échec, je n’arrive pas à apprécier le titre. Pourtant, à l’époque, je me suis habitué à lire de la BD indépendante, notamment celle publiée par ego comme x, par Atrabile et par L’Association. Blutch étant Grand Prix en 2009, c’est l’occasion pour moi d’acheter la version intégrale de Blotch (Audie/Fluide Glacial, 2009). Là, par contre, c’est une réussite : j’adore l’humour caustique, le cynisme et le dessin expressif, vivant, qui nous sont proposés. Il faut dire que ce n’est pas l’exposition angoumoisine de 2010 qu m’avait préparé à la carrière de Blutch dans Fluide Glacial (un magasine BD qui ne m’a jamais plu, malgré la présence de Goossens en ses pages), avec pourtant la présence de plusieurs dessins de presse, plutôt nonsensiques et intéressants. Pour celles et ceux qui seraient intéressé·e·s, plusieurs de ces illustrations se retrouvent dans deux expositions qui ont fait l’objet de catalogues publiés par Dargaud : Vue sur le lac (2015) et Un autre paysage (2019). N’oublions pas Variations (Dargaud, 2017) qui vient compléter de façon remarquable les deux précédents ouvrages.

Si Mish Mash (Cornélius, 2002) a l’heur de me plaire en 2010 (à ma grande surprise), il faut attendre l’année 2014 pour que je me remettre à lire des titres de Blutch. Si j’accroche bien à Sunnymoon (L’Association, l’intégrale de 2009) ce n’est absolument pas le cas de Lune l’envers (Dargaud, 2014). Après une nouvelle pause de six années interrompue par le très plaisant Mais où est Kiki ? (Dupuis, 2020), il se produit un peu le même effet avec ces deux nouvelles lectures : excellente avec les deux tomes du Petit Christian (L’Association, 1998 et 2008), mauvaise avec Pour en finir avec le cinéma (Dargaud, 2011). Par ailleurs, j’ai vu trois expositions consacrées à Blutch entre 2010 et 2020 : à Angoulême en 2010, au Pulp Festival en 2016 et à Formula Bula en 2019. La première était « sans case » et mettait en avant son travail d’illustrateur. La deuxième était plus classique et se focalisait surtout sur ses bandes dessinées (par ailleurs, l’érotisme était bien présent dans « Belles de jour« ). La troisième se limitait à un parallèle entre Le Petit Christian et sa reprise de Tif et Tondu dans une scénographie simple donnant envie de lire les albums concernés. Il ressort donc de ce petit passage en revue de mes lectures « blutchiennes » que je ne sais jamais quoi attendre d’une création de l’auteur et que les titres parus chez Furturopolis pourraient tout aussi bien me plaire que me tomber des mains. Tant mieux, l’effet de surprise est important afin de ne pas devenir blasé, ce que j’ai trop tendance à être…

Angoulême, la cinquantième !

La conférence de presse de la cinquantième édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a eu lieu ce lundi 28 novembre. Cette année, elle était située à la BNF Richelieu, dans la salle Ovale, nouvellement rouverte au public et proposant plusieurs milliers de BD dont de nombreux mangas. Impressionnant !

Depuis la réunion éditeur du mois de septembre, votre serviteur fait le grognon et critique le choix des expositions mangas qui n’ont pas l’heur de lui plaire. Et ce ne sont pas les horribles affiches et le flou sur le programme qui ont arrangé son humeur. Il faut dire qu’assistant au raout de fin janvier depuis 2004, il lui est difficile de ne pas se dire que c’était mieux avant alors qu’on a là une édition anniversaire.

C’est ça de devenir un vieux con blasé 😊… Cela ne m’empêchera pas de présenter un nouveau mini-site « Des Mangaversien·ne·s à Angoulême » !

La magie d’Angoulême a réussi à agir une fois de plus lors de cette conférence de presse (j’y vais depuis 2009). Est-ce le plaisir de retrouver quelques connaissances du monde de l’édition et de la presse spécialisée ? Est-ce le lieu chargé d’histoire et de livres qui a été choisi pour l’événement ? Quoi qu’il en soit, me voilà regonflé pour aller passer quelques jours dans la ville française de la BD fin janvier. Mais voyons plus en détail ce qui nous est présenté.

2023, une édition tournée vers la jeunesse et le futur.

Celles et ceux qui me connaissent savent mon amour pour les enfants et les réseaux sociaux : je déteste les uns comme les autres, ha ha ! Alors, voir que le festival développe de plus en plus son offre en direction de la jeunesse et sur Internet ne m’enchante pas plus que cela. Néanmoins, il faut reconnaître que c’est une évolution normale et souhaitable. Pfff, il va donc falloir que j’apprenne à utiliser Twitch ou Tik Tok (argl). Le festival ne voudrait pas plutôt aller sur Discord ? Au moins, j’y suis présent. Comme l’a fait remarquer (plus diplomatiquement que les propos suivants qui n’engagent que moi) Franck Bondoux, le directeur délégué du festival, il faut s’ouvrir au futur, ne pas regarder le passé (c’est pour cela qu’il n’y aura pas d’exposition rétrospective sur les 50 éditions du festival) et dépasser la BD « à papa » lue par les quinquas (et plus) qui sont, pour certains, incapables de lire autre chose que les séries de leur enfance. Le web est appelé à dépasser le papier, du moins auprès des jeunes. D’ailleurs, concernant le Quartier Jeunesse, je suis assez intéressé par l’exposition qui sera dédiée à la scénariste Marguerite Abouet, même si je n’ai rien lu de l’autrice. Et je me souviens d’y avoir vu une excellente exposition dédiée à Tom-Tom et Nana de Bernadette Després. Le Quartier Jeunesse aura encore un peu plus de place que les années précédentes, toujours aux Chais.

Du manga, beaucoup de manga

Les jeunes lisant du manga, la bande dessinée japonaise va aussi bénéficier d’un effort pour offrir un espace plus grand et plus attractif. Situé dans des bulles hors du plateau d’Angoulême depuis quelques années, le Quartier Manga va investir la Halle 57, un vieux bâtiment de la SNCF situé à côté de la médiathèque l’Alpha, bâtiment qui devait être détruit et qui va devenir un nouvel espace en dur pour le festival. Cela faisait quelques années qu’on en parlait, ça va devenir une réalité en 2023. C’est ainsi 3800 m² (nettement plus que la bulle située rue Coulomb) qui pourront être proposés aux fans de manga. Les éditeurs auront ainsi de la place pour s’installer. Un habillage rappelant les villes asiatiques (Tokyo, Séoul, Taipei) mettra les festivaliers en conditions pour le futur Manga City des prochaines années (une fois la réfection de la Halle 57 totalement achevée). Nous aurons ainsi le plaisir de retrouver Akata, Des Bulles dans l’océan, Glénat, IMHO, Hong-Kong, Kana, Makma, naBan, Nazca, Pika, Taïwan, etc. Il y aura même un stand Passe Culture, ça va faire hurler quelques grincheux sur un certain forum BD de référence, ha ha !

Trois expositions manga sont annoncées. Il y aura au Musée d’Angoulême Ryōichi Ikegami. À corps perdus, exposition dont je me fiche totalement tant l’auteur ne m’a jamais intéressé, même à mes débuts de lecteur de manga. Le seul point qui peut sauver cette exposition patrimoniale, à mes yeux, est que les commissaires devraient arriver à faire quelque chose d’instructif sur un auteur has been qui n’intéresse plus grand-monde, à part Fausto, le responsable de la programmation Asie. Oui, je suis toujours remonté envers un tel choix… Un catalogue sera proposé mais je ne pense pas l’acheter.

Nous pourrons voir (je ne dis pas admirer) le travail de Junji Ito au sous-sol de l’Espace Franquin (en salle Iribe, donc) avec l’exposition Junji Itō, Dans l’antre du délire. Moi, ça ne me fait pas délirer mais il faut reconnaître que grâce à l’éditeur Mangestu, l’auteur est à la mode actuellement et il mérite amplement une présentation de son travail. De plus, c’est un fidèle du festival. On nous promet une exposition immersive. Nous verrons bien sur place mais je dois avouer que ma curiosité est titillée…

La grosse exposition du festival sera L’Attaque des Titans, de l’ombre à la lumière. Située à la médiathèque l’Alfa, elle devrait être du niveau de l’inoubliable exposition Batman 80 ans de 2019. Dans un décor immersif, 150 planches originales couvrant l’intégralité de la série nous serons proposées. D’ailleurs, étant donné son coût, l’exposition sera payante : il faudra ajouter 10 euros au passe festivalier et elle ne sera ouverte aux professionnels qu’uniquement le mercredi. Il sera toutefois possible d’acheter un billet seul s’il reste de la place (en toute fin de journée, j’imagine) lors des autres journées. Le souci est que je ne prévois pas d’être au festival dès mercredi, ce qui ne me traumatise pas, même si j’aimais bien le titre (mais pas au point de l’acheter).

Sauf contretemps, les trois auteurs concernés par les expositions viendront du Japon et honoreront le festival de leur présence. Il y aura vraisemblablement quelques autres mangaka invité·e·s par différents éditeurs. N’oublions pas la remise du prix Konishi qui récompense le travail d’une traductrice ou d’un traducteur de manga. Sylvain Chollet sera-t-il enfin récompensé ?

De la Franco-Belge, oui, du Comics, non

Les fans de bande dessinée américaine risquent d’être déçus. Aucune exposition sur la création américaine n’est prévue, ni aucun espace dédié : ce sera « passez, il n’y a rien à voir ». Le Canada sera présent grâce à un stand (Pow Pow aussi) dans la bulle du Nouveau Monde. Une exposition dédiée à Julie Doucet, Grand Prix 2022, se tiendra à l’Hôtel Saint-Simon. Il faudra se tourner vers les éditeurs dédiés comme Urban Comics (Panini semble devoir être absent), 404 Comics, Delirium, Komics Initiative, etc. pour pouvoir se prendre une dose d’amerloqueries. Pour ce qui est des invité·e·s en Rencontres Internationales, il est trop tôt pour savoir qui sera présent·e.

La bande dessinée franco-belge va surtout être représentée par l’exposition Les 6 Voyages De Philippe Druillet. Il y aura deux lieux : le Musée d’Angoulême et la chapelle voisine. Je n’aime pas Druillet mais cela pourrait être intéressant. Un catalogue va être proposé et je prévois de l’acheter de suite, afin de ne pas connaître la mésaventure du catalogue dédié à Corben en 2020. Il y aura aussi Dans les yeux de Bastien Vivès au Musée du Papier, mais là, ça sera sans moi. J’espère que l’exposition Couleurs ! sera intéressante. En tout cas, il y aura pour cela de l’espace car située au rez-de-chaussée du bâtiment Castro, pardon, au Vaisseaux Mœbius (c’est à ce détail qu’on voit les vieux festivaliers). Le métier de coloriste a trop longtemps été ignoré malgré son importance. Certainement parce qu’il était essentiellement exercé par des « bonnes femmes ». Au fait, les scénographes, pensez à mettre un peu de lumière, par comme les années précédentes, hein !  Toujours au Vaisseau Mœbius, mais à l’étage, nous aurons Elle résiste, elles résistent, exposition dédiée à Madeleine, Résistante : la rose dégoupillée, de Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud au scénario et Dominique Bertail au dessin.

Et le reste…

Au rez-de-chaussée de l’Espace Franquin, il sera possible d’admirer 50 regards d’autrices et d’auteurs (dont Derf Backderf, Ino Asano, Florence Dupré la Tour, Tom Gauld, Léa Murawiec, Naoki Urasawa) sur les 50 ans du festival. Intéressant… Un portfolio à 150 € sera même proposé aux plus fortunés d’entre nous. Les amateurs de planches originales et d’illustrations devraient trouver leur bonheur à la nouvelle Place du 9e art. Les autres bulles devraient être reconduites dans une configuration proche de l’édition 2022. Le Spin Off sera à nouveau aux Ateliers Magelis, le Pavillon Jeunes talents au NIL (avec l’exposition Worldwide Comics Explosion présentant dix autrices et auteurs de demain), il y aura un concert dessiné au Théâtre avec Ana Carla Maza et Aude Picault (dont on avait pu apprécier une exposition en 2022), des masterclass (celle de Hajime Isayama est déjà complète), des rencontres Internationales, et d’autres sous le patronage de Télérama ou du Point, des conférences au Conservatoire (vais-je en proposer une ? cela va dépendre du responsable, s’il veut de moi), etc. etc. Il y aura aussi les animations de la CIBDI, avec une exposition dédiée à Fabcaro, entre autres. Stay Tuned, comme on dit…

Saint-Elme, un Jura noir

Les frères Sangaré, des détectives privés, sont sur une nouvelle affaire : ils doivent retrouver la trace d’un fugueur, lequel a disparu il y a trois mois à Saint-Elme, une petite ville de montagne jouxtant un lac et dont l’industrie principale est l’embouteillage d’eau de source. Pour aider Franck, Philippe, retenu par une autre tâche, a dépêché sur place Madame Dombre qui les a déjà assistés sur d’autres enquêtes par le passé. Elle connaît les lieux, ayant passé son enfance dans la vallée voisine. Cette connaissance du terrain va rapidement ne plus leur servir tant « ici, c’est spécial. » En effet, leur enquête va vite se révéler être bien plus complexe et mystérieuse que prévu…

Saint-Elme est le nouveau titre du tandem Serge Lehman / Frederik Peeters dont la collaboration a débuté en 2016 avec le remarqué et remarquable Homme gribouillé, sorti en 2018 et déjà chez Delcourt. Reprenant nombre d’éléments utilisés dans leur première collaboration, du lieu de l’intrigue (le Jura) à la façon de travailler, en passant par la volonté de mélanger univers sombre et fantastique, les deux auteurs nous propose ici un roman noir dont la dimension surnaturelle abouti à la création d’un univers européen avec un imaginaire fort.

Avec trois tomes sur les cinq prévus, l’histoire a désormais pris toute son ampleur. Les deux auteurs ont fini d’entrer dans le vif du sujet. Tous les protagonistes ont été introduits, notamment ceux que l’on peut considérer comme étant les véritables maitres de Saint-Elme. Ils ont fait leur apparition dans le tome 2 et pris en sous-main l’avenir de la ville. Ils viennent rejoindre des figures marquantes et hors du commun comme les frères Sangaré (Philippe est enfin arrivé dans le troisième opus) ou le Derviche. Tous sont plus ou moins antipathiques, et ce n’est certainement pas un hasard. Ils sont mis en scène dans des paysages grandioses, qu’ils soient urbains ou montagneux, ce qui amplifie leur aspect haut en couleur. De plus, l’œuvre est magnifiée par une colorisation réalisée par Frederik Peeters lui-même (et non confiée à une tierce personne comme souvent), des couleurs en a-plat variées qui participent grandement à donner une touche d’originalité certaine à la série.

Un roman noir

L’histoire est caractérisée par une très grande violence. Si les premiers événements débouchent sur des morts par arme à feu, la suite de l’histoire n’est pas en reste. Les informations nécessaires à l’enquête des frères Sangaré sont souvent obtenues par des agressions physiques et pas simplement par la discussion. Il faut dire qu’il n’est pas bon de parler ouvertement des agissements de la famille Sax à Saint-Elme et dans ses environs. Il faut dire aussi que le clan n’hésite pas à faire appel à la torture et au meurtre pour arriver à ses fins, le tout étant couvert par une police locale aux ordres et peu regardante sur la moralité de ce qu’il lui est demandé. Les deux auteurs nous proposent donc un véritable polar noir qui regroupe les ingrédients du genre avec un ancrage du récit dans un environnement sociétal, celui du crime organisé. Cela nous donne un univers violent où le règne de l’argent, la toute puissance de certains, la corruption et la collusion des édiles est dénoncée par les auteurs.

Cependant, le mélange des genres est aussi présent avec l’irruption par petites touches du fantastique (au lieu de la SF) par le biais de certains personnages. Il est certes moins prégnant qu’avec L’Homme gribouillé où le mythe du Golem était revisité par Serge Lehman, et qui ne se privait pas d’invoquer dans le même temps d’anciennes forces chtoniennes dans son histoire. Néanmoins, la petite fille du début du tome 1 et le signe mystique qu’elle trace à deux reprises donne immédiatement le ton. Si cette intrigue est pour l’instant mise de côté, nul doute qu’elle va revenir en force, peut-être même dans le prochain opus de Saint-Elme. En effet, le mysticisme et la prémonition obtenue, sous les effets d’une drogue de synthèse, par le Derviche y font écho. Il y a aussi cette mystérieuse capacité à prévoir très précisément la météo par certains locaux et la présence d’un éventuel fantôme dans une chambre d’hôtel. N’oublions pas les grenouilles mutantes dont le rôle n’est pas encore clair…

Une bande dessinée d’une grande qualité

Les qualités formelles de Saint-Elme sont indéniables. Le récit est impeccablement rythmé même si quelques lecteurs semblent être parfois déroutés par des moments plus lents, tels ceux des promenades champêtres de Romane et Paco, ou de l’évasion de Franck. Il ne faut pas oublier que la narration est définie par Frederik Peeters et qu’il s’agit d »un bédéiste complet (scénario et dessin) aux influences diverses dont le manga où les ruptures de rythme sont fréquentes. La pagination généralement importantes de la bande dessinée japonaise permet ce genre de respiration. Le fait que la série est passée des quatre tomes prévus à l’origine à cinq le permet aussi. La vidéo du making-off proposée par Delcourt est très intéressante sur la répartition des rôles entre les deux auteurs dans la conception et la réalisation de l’histoire. Cette façon de travailler de concert donne une fluidité de lecture remarquable et remarquée. Cela est certainement aidé par le découpage en cinq volumes. En effet, l’importante pagination de L’Homme gribouillé pouvait créer un effet de trop plein vers la moitié du livre.

D’autres lecteurs ont été rebutés par les choix de couleurs de Frederik Peeters (par exemple sur le forum de BDGest). Celui-ci s’en explique dans la vidéo et il faut reconnaitre que le résultat est convainquant. La colorisation participe activement à l’ambiance des différentes scènes. Elle permet aussi de renforcer les sentiments et impressions que les auteurs veulent faire passer. Votre serviteur apprécie tout particulièrement la présence d’aplats en s’abstenant systématiquement d’utiliser des effets de dégradés, si souvent insupportables dans les comic books. L’utilisation de l’informatique ne doit pas donner dans la facilité de l’esbroufe visuelle. Il n’en est rien ici. C’était d’ailleurs un reproche que nous pouvions faire à L’Homme gribouillé et ses niveaux de gris trop souvent artificiels. N’oublions pas un dessin tout aussi magistral avec des personnages bien typés et variés. L’âge et la morphologie des différents protagonistes sont impeccablement rendus, avec des trognes mémorables, ce qui est indispensable pour tout polar qui se respecte.

Nous ne pouvons que conclure ainsi: vivement 2023 pour la parution des deux derniers tomes de Saint-Elme !

Horizon Forbidden West, la chronique

Après plus d’une centaine d’heures et quatre-vingt-pourcent du jeu effectués (l’histoire principale est terminée), il est temps de donner mon avis sur Horizon Forbidden West. Il s’agit de la suite directe du jeu vidéo Zero Dawn sur lequel j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’écrire sur ce blog quelques lignes illustrées (ici ou , par exemple).

Sorti en février 2022 sur Playstation 4 et 5, Forbidden West a connu immédiatement un grand succès auprès des possesseurs de PS5, mais les retards de livraison de cette console font que les ventes du nouvel opus sont nettement en retrait (pour l’instant) par rapport à celles de son prédécesseur. D’ailleurs, à chaque livraison d’importance de la nouvelle console de Sony, nous voyons un pic des ventes de Forbidden West. Manifestement, de nombreux fans du jeu possédant une PS4 attendent de pouvoir renouveler leur matériel avant de partir pour l’Ouest prohibé. Votre serviteur, ne pouvant pas attendre une future et lointaine version PC (il avait fallu trois ans pour le portage de Zero Dawn), a investi dans une PS4 pro d’occasion, choisissant une sorte de compromis grâce à la puissance graphique accrue de la PS4 pro. Une vidéo comparant le jeu dans ses différentes versions est disponible sur YouTube. De toute façon, le jeu est magnifique sur toutes les PlayStation, et les différences sont parfois subtiles.

Guerrilla, le studio de développement, nous avait promis un meilleur graphisme, un monde ouvert plus vaste, plus varié et plus dense, plus de quêtes secondaires, plus de cinématiques, une plus grande liberté de mouvement, plus d’ennemis (moins stupides) et plus de machines, un meilleur arbre des compétences, le tout proposé dans une super histoire. Il faut reconnaître que les promesses sont tenues sur ces différents points. Pourtant, les sujets d’agacement et même d’énervement ne manquent pas tout au long du jeu, surtout qu’il n’est pas possible, pour gagner du temps ou se faciliter la vie, de tricher sur console comme on peut le faire sur PC grâce aux MODs. Voici donc, dans une alternance de bons et mauvais points, mon avis sur Forbidden West.

Une histoire réussie

L’histoire est vraiment le point fort du jeu. Elle crée, après chaque quête principale, une envie d’en savoir toujours plus, et elle se termine sur un rebondissement qui donne envie d’avoir la suite. Il y a énormément de cinématiques, de dialogues avec les différents NPCs (non-player character) rencontrés dans un monde ouvert très varié. Le tout est accompagné par une excellente bande son. Il en résulte un jeu captivant, immersif et qui se révèle être très addictif. Adressons toutes nos félicitations à Ben McCaw (directeur narratif) et à Annie Kitain (écrivaine principale) pour leur excellent travail. Difficile d’être plus précis sans dévoiler une partie du jeu. Il ne reste plus qu’à espérer que l’extension que tout le monde attend (le DLC n’est toujours pas annoncé à fin septembre) soit de la même qualité. Il n’y a aucune raison d’en douter, surtout quand on se souvient de The Frozen Wilds, une belle réussite.

Certain·e·s d’entre nous apprécierons le côté « féministe » du jeu car les personnages féminins en charge de responsabilités, actives et agissantes sont nombreuses, que ça soit du côté des « gentilles » ou des « méchantes ». Bien entendu, et malheureusement sans surprise, cette importance prise par les femmes n’a pas toujours été au goût de certains gamers, ce qui s’est vu sur certains réseaux sociaux. Sur le point de la diversité, notons tout de même une diminution notable de la présence de personnes d’origine asiatique par rapport à l’opus précédent. Cela est un peu regrettable.

Un graphisme amélioré mais pas sans défaut

Il faut le reconnaître, c’est beau. La saturation des couleurs est peut-être parfois un peu trop poussée, certes rendant le jeu plus attirant mais donnant parfois effet un peu artificiel, faisant penser à Avatar, le film, et à Pandora: The World of Avatar, l’espace thématique proposé dans le Walt Disney World Resort en Floride. Ceci dit, même sur PS4, le graphisme des paysages (variés), de la végétation et des bâtiments est réellement impressionnant. L’animation est, elle aussi, réussie et démontre une grosse amélioration de Decima, le moteur du jeu.

Par contre, il y a un gros problème sur le visage des personnages. Ils font tous plus juvéniles : leur figure est plus ronde, elle est moins marquée par les ans et la rudesse du monde dans lequel ils vivent. Ce n’est réellement gênant que pour ceux que nous avions l’habitude de voir dans Zero Dawn, mais c’est véritablement un gros loupé. Malheureusement, ça ne va pas être le seul, d’autres, au niveau du gameplay, sont pires. Le cas le plus extrême est celui de Petra, une cheffe Oseram, aux traits marqués par une vie difficile. Erend est plutôt loupé lui aussi (tout comme l’est Talanah, argl !). Seul Varl, surtout quand il est barbu, s’en sort particulièrement bien.

Le visage d’Aloy est aussi concerné par le problème. Les changements sont parfois subtils mais le résultat est régulièrement malheureux, surtout sur certaines expressions. Par contre, celles-ci sont nettement plus variées, permettant d’avoir une Aloy plus vivante lors des cinématiques. Cependant, la réussite n’est donc pas toujours au rendez-vous du fait de la forme quelque peu changeante de la tête. Néanmoins, l’habitude vient petit à petit, par la force des choses. Il n’empêche que des yeux plus grands, un front un peu moins dégagé (généralement caché par une coiffe), des joues un peu plus pleines avec des pommettes un peu moins hautes, un menton moins un peu plus court, donnent souvent une figure plus ronde. Cela crée donc un effet de jeunesse avec une impression de néoténie plus prononcée. Par contre, d’autres fois, il n’y a quasiment aucune différence entre les deux générations d’Aloy. Étrange…

C’est quand même un peu dommage d’avoir revu à ce point les faciès des quelques personnages de Zero Dawn repris dans Forbidden West.

Un monde vaste et varié mais…

Un monde ouvert se doit d’être de grande taille et varié, afin de ne pas lasser les joueuses et joueurs qui doivent le parcourir en long et en large sans avoir une impression de répétition. De ce côté, c’est réussi. Entre la rocaille des Couards (une vallée encaissée), la sylve de Mélopée, la côte maritime de San Francisco, le désert de Las Vegas, des montagnes enneigées au Nord et les autres environnements proposés, il y a vraiment de quoi faire, sans oublier les lieux sous-marins à visiter régulièrement. Pourtant, des internautes se sont amusés à comparer la carte de Forbidden West avec celle de Zero Dawn (et son DLC) : le nouveau monde n’est pas tellement plus vaste. Par contre, comme il est tout en longueur, nous avons l’impression qu’il faut plus de temps pour le parcourir, même en passant au dessus des montagnes sur le dos d’une Aile d’Hélion.

Mais le problème n’est pas là. L’équipe de Guerrilla a voulu trop en faire et il y a trop d’activités diverses, beaucoup trop d’activités pour l’espace proposé, ce qui fait qu’elles sont un peu toutes les unes sur les autres. C’est bien simple, il y a trop de tout : trop de machines, trop de lentilles, trop d’avant-postes rebelles, trop de reliques, trop de panoramas, trop de boites noires, trop de drones, trop de fleurs de métal, etc. Cela devient vite gavant de refaire pour la énième fois la même chose, juste dans un lieu différent. En effet, pour chaque type d’activité, les mécanismes sont rapidement un peu les mêmes et ils sont souvent assez énervants. Nous avons l’impression que les producteurs ont voulu en « donner pour leur argent » aux gamers les plus exigeants et ont gonflé artificiellement la durée de vie du jeu.

Le pire reste l’amélioration des armes et armures. Déjà, les unes comme les autres sont nombreuses. Les personnes complétistes y trouveront peut-être leur bonheur mais ça ne rime à rien d’avoir autant de variété. Il y avait dix-huit tenues (y compris les bonus de pré-achat) existant souvent en trois ou quatre versions dans Zero Dawn. C’était déjà beaucoup, il y en a quarante-quatre visuellement très différentes maintenant. Elles ont trois à cinq niveaux d’amélioration qui demandent un grand nombre de composants, de plus en plus difficile à obtenir en fonction du niveau, bien entendu. Il en va de même avec les armes. Il y en avait vingt-quatre avant (trois du DLC pouvaient être améliorées une fois), il y a désormais vingt-trois types d’armes, certaines pouvant compter plus d’une dizaine de variantes. Par exemple, pour l’arc de chasseur, il existe dix-neufs versions. Il faut les améliorer, ce qui demande énormément de ressources que nous pouvons obtenir en chassant telle ou telle machine. Les quantités de ressources demandées sont tellement importantes dans certains cas qu’il faut des heures et des heures de farming pour les amener à leur niveau maximum. Et du coup, vous allez rapidement atteindre le niveau 50 (on ne peut pas aller plus haut) alors que vous n’avez fait qu’un tiers ou la moitié du jeu. En plus, si vous jouez en mode normal ou supérieur, cela va vous consommer de nombreuses ressources de munition, en plus du temps nécessaire pour tuer la bestiole convoitée. C’est ridicule et je ne comprends pas comment Mathijs de Jonge (le réalisateur) et Joel Eschler (le producteur) aient pu laisser passer ça. Pourtant, l’idée de l’établi était bien trouvée. Elle est gâchée par les composants demandés pour les améliorations.

Je vous fais grâce des autres nombreux ratés du jeu à mes yeux : séquences de plateformes exaspérantes aux sauts parfois millimétrés (Latopolis remporte la palme du pire lieu, devant certaines ruines de reliques), parties tout aussi énervantes de beat’em up dans les fosses de combat où il faut réussir des combos en appuyant sur la bonne commande au dixième de seconde près. Certes, rien de tout cela est, en général, obligatoire à moins de vouloir compléter tous les arbres de compétence. D’ailleurs, à ce propos, le système de progression d’Aloy est bien vu, il faut le reconnaitre. Il n’empêche qu’à l’arrivée, Forbidden West donne l’impression d’être un jeu mal équilibré et donc à moitié raté. Résultat, il ne donne pas vraiment envie de faire une nouvelle partie plus (NG+) mais plutôt d’attendre le DLC pour replonger dans l’histoire d’Horizon.

Horizon Zero Dawn – les photos

Pour en finir avec Horizon Zero Dawn, et grâce notamment à ses nombreux MODs, voici une série d’images réalisées avec le mode photo intégré et avec la « caméra libre » du programme Gameplay Tweaks and Cheat Menu (GT&CM). Ces différentes images ont été ensuite retraitées sous Photoshop. Il y avait aussi l’idée de s’imposer des contraintes : format paysage pour être en adéquation avec l’affichage du jeu et présence d’Aloy (sauf pour les portraits des personnages préférés, bien entendu). Parfois, ça tourne à un petit instant ludique de type « où est Aloy ? » mais cherchez bien, elle est là ! Je me suis aussi efforcé de ne pas retenir les photos révélant trop certains aspects de l’histoire. Sauf pour les deux galeries spécifiques, je me suis limité à neuf photos pour chacun des neuf thèmes abordés ci-dessous. En tout, cent-une images vous ainsi sont proposées.

Paysages des Terres sacrées

Les Terres sacrées, d’où Aloy est originaire, propose une grande diversité de paysages entre forêts, zones rocheuses, montagnes enneigées, marécages, ruines imposantes, etc. C’est donc une suite inépuisable de lieux à découvrir et à fouiller, même si les matriarches interdisent aux Braves Nora de se rendre dans les ruines des Anciens.

L’Heliaume

L’Heliaume, berceau des Carja, est une zone étendue, soit désertique et rocheuse, soit composée de forêts tropicales bien touffues, sans oublier un lac à l’Ouest et des cours d’eau qui sont la bienvenue malgré la présence de carapateurs bien pénibles. Les tempêtes de sable y sont fréquentes, ce qui occulte toute vue sur les alentours. Le Nord de l’Heliaume borde en partie La Plaie, la porte d’entrée vers Ban-Ur, le lieu de (sur)vie des redoutables Banuk. Les espaces enneigés y sont donc omniprésents.

Dix-huit vues de Meridian

Meridian, la Ville du Soleil, est la capitale de l’Heliaume. Elle a été construite au sommet d’une mesa située tout près de la Flèche, un gigantesque artefact des anciens à l’usage inconnu. Trois ascenseurs ont été réalisés par les Oseram, des forgerons et des artisans de talent venus de la lointaine Requête, située au Nord de l’Heliaume et à l’Ouest de Ban-Ur. Ceux-ci, ainsi qu’un impressionnant viaduc permettent d’accéder au centre ville à partir des faubourgs situés en contrebas. La magnificence de Meridian valait bien une galerie dédiée composée de dix-huit photos prises sous autant de points de vue.

Les cimes enneigées de la Plaie

La Plaie, ancien champ de bataille entre les Banuk et l’envahisseur Carja, permet d’accéder à Ban-Ur. Néanmoins, comme pour la Requête, Aloy n’a pas besoin d’aller au cœur du territoire Banuk. En effet, il y a déjà de quoi à faire dans la Plaie. Et il y fait si froid que cela ne donne pas envie d’aller encore plus vers le Nord.

Quelques mimiques d’Aloy

Tout au long de sa quête sur ses origines, Aloy rencontre de nombreuses personnes à questionner. Elle observe aussi beaucoup. Ayant remporté l’Éclosion, Aloy a le droit de porter à sa convenance les peintures de Brave, d’Éclaireuse et même de Chercheuse puis que les matriarches lui ont octroyé ce titre qui lui permet d’aller n’importe où, y compris dans les zones interdites, sans être bannie de la tribu. Et si certains matins, elle manque de temps pour s’apprêter, elle peut très bien ne rien porter, ce qui lui va très bien.

Les baignades d’Aloy

Ayant pensé à prendre son (petit) monokini, Aloy profite de nombreuses zones aquatiques pour prendre un bain et être la plus propre possible. Bien entendu, ce n’est pas toujours un moment de détente lorsque trop de machines rôdent dans le coin ou que l’eau est un peu trop froide.

L’espace NSFW

Vu le nombre de MODs dénudant plus ou moins Aloy, et ayant réussi à les faire fonctionner pour la plupart, il m’était impossible de ne pas capturer quelques scènes proposant de la nudité… féminine forcément. Bien entendu, la galerie n’est pas directement visible afin que celles et ceux qui ne sont pas intéressé·e·s ou désapprouvent (à juste titre) ces représentations n’aient pas à les subir, appliquant ainsi l’avertissement Not Safe For Work qui se généralise sur Internet.

Série de portraits

Il y a dans le jeu de nombreux personnages dont plusieurs sont particulièrement notables. Les neuf portraits présentés ici sont représentatifs de mes préférés. Comme vous pouvez le constater la gente féminine est plutôt mise à l’honneur, et ma préférence va nettement aux Oseram. J’aurai pu en mettre d’autres, comme Nil, Elida, Teb, ou Gildun mais il fallait faire un choix…

Proud Aloy

Tout le monde le dira, Aloy est une personne humble, simple, qui refuse qu’on la mette sur un piédestal ou qu’on la vénère. Pourtant, elle peut être fière de tout ce qu’elle accomplit, et parfois, ça se voit au détour d’une situation ou d’une expression sur son visage.

Divers et surprenant

Terminons par une sorte de fourre-tout composé de photos qui n’ont peut-être pas leur place dans les neuf autres thèmes. De ce fait, il n’y a pas de fil conducteur apparent, il y a seulement la volonté de montrer des images parfois surprenantes, inattendues ou impressionnantes, comme c’est le cas avec une Aloy toute bariolée ou en cheveux courts.

Et voilà ! J’espère que vous avez pris autant de plaisir à regarder ces photos que moi à créer cette galerie dédiée à Horizon Zero Dawn et son héroïne, Aloy (mais c’était aussi beaucoup de boulot). J’espère aussi que vous avez été parfois surpris·e ou charmé·e ! Dans quelque temps, ce sera le tour d’Horizon Forbidden West de faire l’objet de plusieurs billets. Forcément, je ne vais pas résister encore longtemps à acquérir une PlayStation, ha ha ! D’ailleurs, si le dernier opus vous intéresse, n’hésitez pas à aller voir les nombreuses photos et les dessins que Kinoumenthe consacre à la franchise Horizon.