3 ans !

Cette semaine, ce blog a fêté son troisième anniversaire. Je l’ai lancé le 23 octobre 2017 pour pouvoir écrire sur différents sujets culturels sans avoir de comptes à rendre au rédacteur en chef, même bienveillant, d’un site web (exemple : du9.org en ce qui concerne la bande dessinée sous toutes ses formes), et en compensation d’un forum de Mangaverse bien déserté à cause du raz de marée des réseaux sociaux (Twitter, Facebook, etc.) qui a balayé le « vieil internet » de la première moitié des années 2000. Ce besoin d’écrire et de communiquer sur ce qui n’est jamais qu’un passe-temps (une passion devrais-je dire) était alors revenu, peut-être plus fort que jamais. Trois années plus tard, ce besoin est toujours présent, malgré quelques désenchantements sur lesquels je reviendrai un peu plus tard.

Pour marquer le coup, je viens de passer le plan du blog de gratuit à premium malgré un coût prohibitif pour le peu de fonctionnalités ajoutées. Ainsi, mes visiteuses et visiteurs n’auront plus à subir de publicités, j’ai enfin la possibilité de modifier le CSS du site (ce n’est pas simple) et j’ai un nom de domaine dédié (ce dont je me fiche un peu). J’ai décidé de garder le thème Circa (gratuit), les 200 (ce qui fait peu en réalité) autres qui me sont désormais accessibles ne me convenant pas. En effet, malgré ses petits défauts, notamment d’accessibilité immédiate aux anciens textes, c’est celui qui me plait le plus pour son esthétique dépouillée, sa simplicité et facilité de lecture. C’est donc à vous, lectrices et lecteurs, de faire l’effort d’aller chercher les articles qui pourraient vous intéresser. Néanmoins, il y a quelques mois, j’ai ajouté une table des matières thématique permettant une meilleure vue d’ensemble et de retrouver plus facilement tel dossier ou telle chronique.

Trois ans, donc ! Avec ce petit recul, il est possible de faire un premier bilan. Tout d’abord, le nombre de visites (et de vues) progresse gentiment d’année en année, ce qui est plutôt encourageant. Certes, cela ne monte pas bien haut mais n’ayant aucune idée de la fréquentation que peut avoir un blog manga « tendance élitiste », je ne sais pas si je dois me désespérer de ne pas trouver une audience importante (toutefois, je prévois de travailler le SEO du blog). De toute façon, je ne cherche pas à monétiser mes propos, je communique peu sur les réseaux sociaux et je ne publie pas régulièrement des billets créant un effet de « rendez-vous ». Je ne cherche pas non plus à rejoindre des communautés de blogueuses et de blogueurs (et de faire des échanges de lien, à supposer que ça se fasse encore), je ne cherche pas à faire ami-ami avec quiconque. Mes rares commentaires sur d’autres blogs consistent surtout à relever des erreurs, ce qui n’est pas le meilleur moyen de se faire apprécier. Bref, j’ai l’impression que mes statistiques de visites ne sont pas bonnes mais je fais avec. N’oublions pas qu’il me reste deux mois pour les améliorer 😃.

Néanmoins, cela n’interdit pas de s’amuser un peu avec ces trois années de statistiques. Si l’année 2017 ne présente que six billets, cela représente une moyenne de trois par mois, rythme devenu impossible à suivre. J’aimerai avoir un rythme bimensuel, mais je n’y arrive pas. Cela a été particulièrement vrai en 2019 avec seulement quinze articles. En 2020, je pense que j’arriverai à en totaliser une vingtaine, mais guère plus. Il faut dire que je passe de plus en plus de temps à leur rédaction, comme le montre la colonne « Mots en moyenne ». En effet, outre m’obliger à écrire (c’est-à-dire pratiquer une activité intellectuelle), un des buts de mes billets WordPress est d’apprendre en effectuant quelques recherches préalables. Cela me permet, par exemple, de mieux comprendre telle bande dessinée chroniquée et d’en proposer quelques clés de lecture. C’est ainsi que mes chroniques BD de 2020 ont cherché à aller plus loin que de donner simplement des impressions de lecture. Bien entendu, tous mes textes regroupés dans la catégorie « Dossiers » relèvent de cette même démarche : apprendre. C’est aussi pour cela que j’accepte des thèmes imposés pour mes conférences à Angoulême ou à Cherisy Manga. Je n’y connais pas grand chose ? Pas de soucis, il suffit d’apprendre ! J’applique ici l’adage de Mangaverse : « la curiosité n’est pas un défaut ». Le petit inconvénient d’une telle démarche : cela prend un temps de folie. Pour ma dernière conférence, j’estime que j’ai passé au moins trois jours pleins à réfléchir, faire des recherches, rédiger, rechercher des illustrations et réaliser un visuel d’une quinzaine de diapos.

Cela représente donc beaucoup de travail pour un retour quasi inexistant. En effet, comme le montre le tableau des articles, mes billets reçoivent très peu de mentions « J’aime » et à peine plus de commentaires (et encore, je réponds systématiquement, ce qui gonfle les stats). Avant de me pencher sérieusement sur le sujet, je pensais que la chute que l’on peut observer en 2019 était en grande partie imputable à la défection de a-yin et de Shermane étant donné qu’elles avaient décidé de prendre « du recul » avec les blogs et que je perdais ainsi deux contributrices importantes en matière de « J’aime » et de commentaires. En fait, non. Je pense maintenant que je suis le seul responsable de cette chute en 2019 en ayant fait trop de dossiers et pas assez de textes plus fédérateurs comme des chroniques ou des bilans (mais bon, Shermane n’est pas innocente quand même… 😁 ). Heureusement, alamenthe est venue compenser cette défection. Quoi qu’il en soit, ce défaut de réaction et d’échange est ce qui me manque le plus comparé aux bons vieux forums phpBB comme celui de Mangaverse.

Il ne me reste plus qu’à faire mieux durant les douze prochains mois. Pour cela, il va falloir que mon billet sur Dorohedoro continue à faire venir beaucoup de monde grâce à Google. En 2020, ce texte représente 502 vues au 24 octobre (60 en 2019), grâce à l’animé diffusé par Netflix. Combien de ces personnes ont pris la peine de lire mes propos sur le dernier tome de la version française au format « papier », je me le demande… Ensuite, vient Game avec 131 vues (231 en 2019, 271 en 2018). Mon coup de gueule envers la communication d’Akata continue à avoir son petit succès, preuve que la série doit bien se vendre. La troisième place est occupée par mon dossier sur le manfra, ce qui illustre bien la montée en puissance de la bande dessinée francophone d’inspiration manga (119 vues en 2020, 95 en 2019). Mes autres articles tournent à un peu plus de 70 vues (entre 60 et 70 en 2019). En fait, tous ont peut-être plus de lecture que je ne le pense car la page d’accueil permet de lire l’intégralité des billets grâce à un scrolling infini et c’est elle qui obtient les meilleurs scores : 678 vues en 2020 (il devrait y en avoir environ 900 à la fin de l’année), 722 en 2019 et 589 en 2018.

Terminons sur les référents, c’est-à-dire, d’où viennent les visiteuses et les visiteurs. La moitié des vues (47%) provient des moteurs de recherche, de Google pour la quasi-totalité. L’autre moitié regroupe Facebook (j’y annonce systématiquement mes billets) pour 17%, les forums de Mangaverse pour 16% et de bulledair.com pour 7% (je poste dans les sujets dédiés lorsque c’est en rapport avec la bande dessinée), Twitter pour 5% (là, c’est surtout grâce à a-yin). Viennent ensuite le lecteur WordPress pour 1,7% (mes quelques abonnés, j’imagine) et le forum de bdgest.com pour 1,6%. Le reste compte pour moins de 1%. Cependant, je ne suis pas peu fier des deux vues venues de Wikipedia et de celle venue du blog de Marc Lizano.

Concernant l’origine géographique, la France apporte 76% des vues, très loin devant la Belgique (4,9%), la Suisse (3,3%), le Japon (3%), la Réunion (2,9%), les États-Unis (2,6%) et le Canada (1,2%). Ensuite, à moins de 1%, viennent l’Espagne, la Côte d’Ivoire, le Portugal, Hong-Kong, les Pays-Bas, le Royaume-Unis, la Chine, le Maroc, l’Italie, l’Allemagne et l’Algérie. Une grosse cinquantaine de localisations suivent avec un pourcentage qui va de 0,2% à 0,01%.

Toutes ces considérations ne font que renforcer ma détermination à continuer à proposer des billets variés : outre la suite de l’histoire de la BD asiatique à Angoulême, j’en ai deux en préparation sur la musique (enfin, ce que certains appellent du « bruit de machine à laver »), un sur les revues vidéoludiques des années 1980-2000 (séquence souvenirs), plusieurs chroniques (BD, manga, romans de SF, etc.), et bien d’autres choses encore. Sans parler des inévitables bilans de fin d’année (celui de 2020 portera sur mes lectures de bandes dessinées de tous pays).

Le manga, un phénomène de mode ? (partie 2/2)

Voici donc la seconde partie de ma conférence donnée à l’occasion de la deuxième édition de Cherisy Manga. Elle se focalise sur les relations entre le monde du manga et l’univers de la mode.

Le manga et la mode, le phénomène du cosplay

Avant de nous intéresser à la mode (vestimentaire) dans le manga (et au manga dans la mode), intéressons-nous un peu au cosplay. Le succès mondial rencontré par cette activité a sans nul doute aidé à la diffusion de la culture manga dans le monde de la haute couture, le lien étant le vêtement et sa réalisation sur mesure. Le terme est un mot-valise combinant les termes anglais « costume » et « play », faisant ainsi référence au fait de jouer un personnage issu d’un anime, d’un manga, d’un jeu vidéo ou d’un film / série tout en portant le costume correspondant. C’est un loisir apparu aux États-Unis dans les conventions de science-fiction à la fin des années 1930. Il a commencé à être notable au Japon durant la deuxième moitié des années 1970, après la création du Comiket. Le terme a été inventé par un journaliste japonais en 1984 dans un article relatant sa visite de la 42e WorldCon à Los Angeles. Le phénomène a continué à se développer au Japon durant les années 1980 et surtout 1990 puis il s’est répandu dans le monde occidental grâce au succès rencontré par les anime et les mangas avec Naruto et Sailor Moon en chefs de file, sans oublier les jeux vidéo japonais tels que Final Fantasy et Street Fighter. Au Japon, de nombreuses manifestations de cosplay sont organisées à Ikebukuro, un des quartiers de Tokyo réputé pour ses magasins dédiés à l’univers des animés, du jeu vidéo et du manga.

En France, c’est à la Japan Expo, fameuse convention dédiée aux cultures populaires, notamment venues du Japon, que vous croiserez le plus de cosplayers et cosplayeuses. Existant depuis plus de vingt ans, la manifestation a su capitaliser sur l’engouement occidental pour la culture manga et accompagner le développement du cosplay en Europe. C’est ainsi qu’on peut y trouver plusieurs zones proposant des défilés libres ou des spectacles, sans oublier des concours. Un village dédié regroupe des stands d’associations, d’exposants et des ateliers, ce qui permet d’obtenir des informations ou d’acheter costumes et accessoires. Ainsi, une communauté peut se retrouver et échanger autour de sa passion. Si le cosplay est avant tout un loisir qui permet non pas de se déguiser mais d’incarner un personnage, il s’agit aussi de s’habiller, de porter des vêtements, et même de les réaliser. Il est important de fabriquer soi-même le costume que l’on portera (pour concourir, il faut en réaliser soi-même au moins 80%). Il y a là un pont incontestable vers la mode vestimentaire.

Un manga sur le cosplay

En français, il est possible de lire une série dédiée au monde du cosplay. Il s’agit de Sexy Cosplay Doll qui parait chez Kana depuis 2019. Il s’agit d’un titre qui s’adresse à un public adolescent, plutôt masculin même s’il est réalisé par une femme qui s’est spécialisée dans les mangas un peu sexy. Cela ne l’empêche pas de proposer une histoire avec du contenu, notamment en expliquant de façon détaillée le monde du cosplay. Son récit met en scène Wakana Gojo, un lycéen plutôt solitaire. Il faut dire que sa passion pour la confection des vêtements pour les poupées traditionnelles japonaises n’est pas banale. Il y a aussi Marine Kitagawa, une des filles les plus populaires de l’établissement scolaire. Extrêmement mignonne, soignée, extravertie, amicale et pleine d’énergie, elle n’a aucune difficulté à établir des relations amicales avec ses congénères. Elle arrive même à adresser la parole à un loser comme Wakana. Pourtant, elle cache un secret : elle est fan d’anime mais aussi de jeux vidéo, notamment de dating games érotiques, passion peu banale pour une jeune fille. Surtout, elle rêve de pouvoir faire du cosplay. Problème : Marine est incapable de confectionner le moindre vêtement. Qu’à cela ne tienne, Wakana est là ! En fait, ils étaient destinés à se rencontrer malgré leurs différences…

Au fil des tomes, la mangaka explique ce qu’est le cosplay, comment on réalise des costumes, ce qui motive les jeunes filles (et quelques garçons) à se consacrer à un loisir qui demande beaucoup d’investissement personnel. En effet, celui-ci se fait à la fois en temps, en compétence et en argent. Il y a tout d’abord un aspect communautaire qui permet d’échanger autour d’une passion. Il s’agit aussi de partager d’une passion, que celle-ci se fasse virtuellement via le partage de photos, ou réellement lors des nombreuses manifestations organisées ici ou là. Si cela commence par le biais des réseaux sociaux, un besoin de se retrouver entre pairs se fait rapidement sentir. Le cosplay inclut ainsi de rejoindre une communauté permettant de vivre des expériences sortant de l’ordinaire. De ce fait, de nombreuses conventions, comme à Cherisy Manga, propose des activités de cosplay, à commencer par un défilé. C’est une activité qui permet aussi de s’affranchir temporairement de l’obligation à répondre à une certaine image. Cela est encore plus vrai au Japon où cette obligation d’apparence est omniprésente à l’école comme au travail : l’habit définit la fonction et correspond à un positionnement social. Le cosplay fait fi de ces conventions.

Le manga et la mode, l’appropriation par les couturiers

Le succès au Japon et dans le reste du monde du manga et de sa culture, dont le cosplay, a fini par attirer l’attention des créateurs de mode. C’est ainsi que depuis le début des années 2010, des créations rendent hommage à la culture manga ou sont conçues sous influence. Cela a commencé par des marques japonaises de streetwear comme ALOYE et BAPE qui ont proposé des sweats et des teeshirts issus de mangas tels que One Piece ou Dragon Ball. ALOYE, en son temps, avait rendu hommage au manga Doraemon. Depuis quelques années, Uniqlo n’est pas en reste avec ses teeshirts en séries limités basé sur les personnages de tel ou telle mangaka comme Tayou Matsumoto ou Ai Yazawa. Notons aussi en 2017 la création d’une collection Akira (de Katsuhiro Otomo) par la marque américaine Supreme. Néanmoins, il s’agit là de simplement imprimer des illustrations (commandées spécialement ou non), pas d’une réelle collaboration, d’une création commune.

Cependant, le streetwear n’est pas le seul domaine de la mode à s’intéresser à l’univers du manga. En 2007, Prada avait conçu des vêtements pour le film d’animation Appleseed Ex Machina. Cette connexion de l’univers du manga avec la mode est devenue encore plus manifeste lorsqu’en 2015, dans un sens inverse, Louis Vuitton, sous l’influence de son directeur des collections Femme, a choisi Lightning du jeu vidéo Final Fantasy XIII pour présenter la collection de sac à main SERIES 4.

Surtout, en 2011 Gucci demande à Hirohiko Araki, l’auteur de Jojo’s Bizarre Adventure de participer à la création d’une collection. Il faut dire que ce dernier s’inspire depuis toujours de la Haute Couture pour vêtir ses personnages et qu’il apporte toujours un grand soin et une imagination certaine pour dessiner les vêtements. Il y a là une véritable collaboration entre une maque de haute couture et un mangaka. En 2015, le couturier Julien David propose une série de manteaux incorporant des images de Goldorak. D’autres acteurs du monde de la mode suivent, comme la maison italienne MSGN qui propose en 2017 des vestes à l’effigie d’Olive et Tom.

Le manga et la mode

La mode (ou le mannequinat) est au centre du récit de quelques mangas disponibles en français. Citons par exemple Gokinjo, une vie de quartier d’Ai Yazawa, Complex de Kumiko Kikuchi et Fashion Doll de Mea Sakisaka, trois shôjo manga aux qualités diverses, sans oublier Les talons aiguilles rouges de Chise Ogawa (un yaoi). À ces quatre titres, ajoutons-en trois qui sortent du lot : Paradise Kiss d’Ai Yazawa, Princess Jellyfish d’Akiko Igashimura et Shine de Kotoba Inoya.

Paradise Kiss

Yukari Hayasaka est une lycéenne un peu asociale quoique très jolie qui passe son temps à étudier pour préparer les concours d’entrée à l’université. Suite à une rencontre bouleversante à plus d’un titre (elle s’évanouit sous le choc), elle se retrouve au Paradise Kiss, un ancien bar devenu l’Atelier qui sert d’atelier de couture à une bande d’étudiants d’une école de mode en train de préparer leur création de fin d’étude (une robe). Elle fait ainsi la connaissance d’Isabella, le travesti, Arashi, le garçon, et Miwako, la copine de ce dernier, qui voient en Yukari le mannequin idéal. C’est alors le début d’une aventure exaltante et la découverte de l’amour grâce à George, le créateur de la robe.

Paradise Kiss est un manga disponible en une grosse intégrale chez Kana et qui commence à devenir assez ancien (en VO, il date du début des années 2000). Il a la particularité d’avoir été prépublié dans un magazine de mode (Zipper) et non pas un mangashi (une des innombrables revues manga japonaises). De ce fait, on ne peut pas lui appliquer les classifications habituelles : ce n’est ni du shôjo manga ni du josei, encore moins du seinen. Notons que la série Gokinjo, une vie de quartier se déroule dans le même univers (l’école de mode Yazawa) et a été publiée quelques années auparavant. Ai Yazawa est connue en francophonie pour sa série Nana (toujours en en pause) qui a permis l’émergence du shôjo manga (dans sa version livre) dans nos contrées en étant un des premiers grands succès commerciaux du genre. Cette autrice, fan de mode, propose un dessin personnel réussi (moins à ses débuts) que l’on reconnait immédiatement. Elle apporte un grand soin aux costumes de ses personnages, exprimant ainsi son intérêt pour les vêtements.

Princess Jellyfish

Tsukimi Kurashita est une otaku très timide qui rêve de devenir dessinatrice. Elle s’est installée dans une pension interdite aux garçons, ce qui l’arrange bien car ceux-ci ne l’intéressent pas. La réciproque risque d’être vraie tant elle ne sait pas s’habiller, ne se maquille jamais et ne s’intéresse qu’aux méduses. Les autres pensionnaires sont toutes des otaku plus déjantées les unes que les autres et toutes ont trouvé un havre de paix avec la résidence Amamizu. C’est alors que débarque Kuranosuke, une jolie fille très apprêtée et passionnée par la mode. Or, Tsukumi va s’apercevoir que Kuranosuke est en réalité un garçon travesti issu d’une riche et influente famille de politiciens. C’est alors que Tsukumi va découvrir le fascinant monde de la création et l’amour.

Prépubliée dans un magazine de josei manga entre 2008 et 2017, Princess Jellyfish totalise dix-sept tomes publiés en français entre 2011 et 2019 par Akata-Delcourt (malheureusement, le titre devient difficile à trouver intégralement), La série a permis à son autrice, Akiko Igashimura, d’exprimer ton amour pour la mode et la couture. En effet, avant de devenir mangaka, elle s’était prise de passion pour la confection de vêtements. Il en résulte une série qui montre bien toute la difficulté de créer des robes et surtout de les réaliser, la couture demandant de maîtriser de nombreuses connaissances, encore plus si on veut exposer ses créations. Avec un humour très efficace et une galerie de personnages hauts en couleurs l’autrice nous propose une excellente série de bout en bout (à l’exception d’un petit passage à vide).

Shine

Nous suivons le parcours de deux lycéens, Ikuto Tsumura, un garçon qui rêve de devenir styliste, et Chiyuki Fujito qui veut devenir mannequin de haute couture et de défiler à Paris malgré sa petite taille. Cette dernière, étant la fille du dirigeant de l’agence de mannequinat Mille Neige, subit son entourage depuis qu’elle a cessé de grandir : en effet, tout le monde l’incite à abandonner son rêve malgré sa prestance. Ikuto, lui, pense que sa situation familiale et sa pauvreté ne lui permettront jamais de faire des études de mode. Pourtant, en refusant l’évidence, les deux adolescents vont réussir à surmonter les obstacles les uns après les autres grâce à leur talent, leur courage et leur persévérance.

Le manga est toujours en cours au Japon et compte quinze tomes (pour l’instant). Il a débuté en 2017 dans Weekly Shōnen Magazine. Contrairement à ce qu’affirme l’éditeur français, nobi-nobi !, c’est un titre qui s’adresse aux garçons, ce n’est en aucun cas un shôjo manga. Mais pour certains esprits peu éclairés, la mode, c’est un truc de filles, n’est-ce pas ? D’ailleurs, le traitement narratif et graphique, la construction de l’histoire et la mise en avant des valeurs de persévérance permettant de passer les différents obstacles qui se dressent sur le chemin vers la réalisation de ses rêves (ou de sa destinée) sont typiques du shônen manga. Cela n’empêche pas d’apprécier une série qui n’est pas sans qualité, une fois que l’on fait l’impasse sur certaines situations et que l’on admet le talent quasiment inné dont font preuve les deux protagonistes.

Le manga, un phénomène de mode ? (partie 1/2)

J’ai eu l’honneur d’animer une conférence sur le manga à l’occasion de la deuxième édition de Cherisy Manga (17-18 octobre 2020). Voici le texte de cette intervention, divisé en deux parties. La première traite du manga en tant que phénomène commercial et la seconde aborde les différents liens entre la culture manga et le monde de la mode vestimentaire.

Le manga est-il un phénomène de mode ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord s’entendre sur ce qu’est le manga et sur les différents sens du terme « mode ». Nous sommes ici réunis dans le cadre d’un festival du livre ; nous allons surtout évoquer des ouvrages imprimés dans nos exemples. Néanmoins, nous nous devons d’englober dans le terme « manga » les différentes facettes de la bande dessinée japonaise, c’est-à-dire les livres, mais aussi la japanimation (les anime), le cosplay, les jeux vidéo, les produits dérivés, etc. Il s’agit ici de parler de « culture » manga, de son univers tel que nous le connaissons en francophonie.

Concernant le terme « mode », il a principalement deux sens dans le langage courant : D’après le Trésor de la Langue Française, son sens premier en tant que nom féminin substantif, s’applique à la manière d’être, de penser, de se comporter et ce, dans la durée. Par exemple, Auguste Renoir a saisi un « art de vivre », un loisir de la bourgeoisie de la région parisienne dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec le phénomène des canotiers (des hommes qui canotent sur la Seine le dimanche) et qui retrouvent ensuite jeunes femmes et amis sur les berges, le temps d’un déjeuner ou d’un apéritif. Cependant, son deuxième sens est presque inverse car il s’applique à des comportements temporaires : il s’agit alors d’une manière passagère de « penser, de vivre, érigée en norme sociale » dans un milieu précis. Il s’agit donc de se comporter d’une certaine manière afin de se conformer « à la mode » du moment qui reçoit la faveur du public. Dans le domaine qui nous intéresse, nous pouvons dire que telle série manga (My Hero Academia) ou tel anime (Demon Slayer) est actuellement à la mode chez les collégiens. Dans le domaine de l’habillement, la mode est un ensemble vestimentaire représentant un « modèle esthétique reçu par la société [ou une communauté] à laquelle on appartient ». Par exemple, la mode Lolita est une façon de s’habiller d’origine japonaise. Il s’agit d’une mode de rue, c’est-à-dire qui n’est pas issue des studios de création et des marques de haute couture.

Le manga n’est pas un phénomène de mode mais…

En Occident, le manga n’est pas un phénomène de mode, c’est-à-dire un intérêt passager pour une esthétique graphique, une narration particulière et des thèmes issus de la bande dessinée japonaise. Si certaines personnes ont pu le penser (parfois l’espérer) au milieu des années 1990 lorsque le marché des bande dessinées japonaises a connu une première crise commerciale débouchant sur la disparition d’une partie des éditeurs et une remise en cause des formats de la première vague (Kraken, Samouraï, Dark Horse France, les grands formats cartonnés comme ceux de la collection Kaméha chez Glénat), elles ont été déçues. De plus, cette première crise, de très courte durée, a libéré un espace qui a été rapidement comblé par J’ai Lu et Kana. Ensuite, entre 2011 et 2014, la croissance du marché du manga s’est inversée de façon spectaculaire, laissant craindre un scénario catastrophe à l’américaine. Néanmoins, le rebond de 2015 a été suivi d’une progression toute aussi spectaculaire de 10% tous les ans avec l’arrivée assez inattendue de plusieurs best-sellers comme Assassination Classroom ou One-Punch Man. Il en est de même pour les dessins animés. Les émissions du type Club Dorothée sur TF1 ou Youpi, l’école est finie ! sur La Cinq ont disparu au profit des chaines payantes diffusées par satellite (AB Cartoons devenu Mangas, Game One) puis sur les box Internet (J-One est la dernière chaine thématique en date). Il ne faut pas oublier les plateformes de VOD comme Crunchyroll et autre Wakanim qui ont permis aux animés d’être encore plus diffusés ces dernières années. Incontestablement, nous pouvons dire que le manga n’est pas un phénomène de mode. Par contre, le manga fait régulièrement l’objet de séries à la mode. Parfois, ce phénomène de mode trouve naissance dans la diffusion d’une version en anime sur un de ces canaux spécialisés.

Les séries à la mode : l’exemple Naruto

Même s’il commence à dater, le manga Naruto est tout à fait représentatif du phénomène. Il a été publié en francophonie entre mars 2002 et novembre 2016, pour un total de 72 tomes. Il faut généralement une à deux années pour qu’un titre s’installe. En 2002 et 2003, quatre tomes de Naruto sont sortis annuellement. Ensuite, un effet de mode permet un décollage vertigineux des ventes. Ce phénomène se développe généralement dans les collèges, et il est soit provoqué, soit souvenu par la diffusion à la télévision d’une version animée. Ce n’est pas réellement le cas ici. Le manga devient alors un phénomène commercial, la courbe du recrutement s’envole. Entre 2004 et 2010, six tomes sortent chaque année (sept en 2007), ce qui amplifie les ventes à la nouveauté, mais aussi celles du fonds, les nouveaux lecteurs ayant plus de tomes à rattraper. C’est en janvier 2006 que le premier épisode de la version animée commence sa diffusion en France sur Game One. Une chaine de la TNT (NT1, devenue TFX) commence à la diffuser gratuitement à la rentrée 2007. Pourtant, c’est après cette même année que la courbe s’inverse, preuve que l’anime n’a pas apporté de nombreux lecteurs. Le pic est atteint car la série n’arrive plus à recruter suffisamment de nouveaux lecteurs pour compenser l’érosion habituelle des ventes (un phénomène de pertes de lecteurs qui s’amplifie généralement à chaque sortie d’un nouveau volume) et que les ventes à la nouveauté stagnent : une sorte de plateau se dessine suite à cette stabilisation des ventes. De plus en plus, les ventes du fond baissent car le recrutement s’essouffle et les lecteurs actifs achèvent de rattraper le rythme de publication. L’espacement des sorties, à trois tomes par an une fois que la parution japonaise est rattrapée, entraine mécaniquement une baisse importante des ventes. Enfin, une fois terminée, la série peut disparaitre plus ou moins rapidement dans les limbes en fonction des nouvelles éditions qui peuvent être proposées quelques années plus tard. Naruto fait preuve d’une belle résistance, étant toujours disponible dans de nombreux points de vente et librairies. Néanmoins, l’effet de mode est passé.

La mode du moment

La dernière série à la mode en date est Demon Slayer. Panini Manga a commencé l’édition française du titre en aout 2017. Cette sortie s’est faite dans l’indifférence générale, l’éditeur ne l’ayant pas réellement accompagnée. Elle s’est retrouvée noyée dans le flot de la rentrée. De plus, la mauvaise réputation de Panini Manga chez les fans n’a pas aidé la série à trouver son public. Résultat, après trois tomes, Demon Slayer se retrouve à l’abandon avec un seul tome sorti en 2018, en janvier qui plus est, les ventes étant très mauvaises. Notons que la première tentative de version US par Viz connait aussi un échec, les lecteurs américains boudant la prépublication des trois premiers chapitres. Le succès a donc tardé à venir. Heureusement pour Panini, une adaptation en dessin animé est diffusée au Japon à partir du mois d’avril 2019. Celle-ci connait un grand succès, ce qui permet sa distribution en francophonie en simulcast sur Wakanim. Ici aussi, la version animée rencontre le succès, succès qui est amplifié grâce à une campagne d’avis favorables sur les réseaux sociaux, créant ainsi un phénomène de mode autour de Demon Slayer. En effet, Panini manga a décidé de relancer le manga en changeant son titre (ou plutôt en rétablissant le titre international, c’est-à-dire « Demon Slayer »), en adaptant la traduction afin de la faire coïncider à celle de l’anime et en communiquant sur cette nouvelle édition, notamment via des influenceurs. Résultat, les ventes sont au rendez-vous et l’éditeur, par chance, trouve enfin la locomotive dont il avait désespérément besoin pour tout simplement continuer à exister.

Demon Slayer narre en 23 volumes (publiés au Japon entre 2016 et 2020) les aventures de Tanjiro, dont la famille a été décimée à l’exception de sa petite sœur Nezuko. Malheureusement, celle-ci a été contaminée par un démon (une sorte de mélange entre les oni japonais et les vampires occidentaux). Pour la sauver, Tanjiro va devoir retrouver le responsable de ce massacre, Muzan, un démon très ancien qui a le pouvoir de transformer les humains en ses pareils. Pour cela, il va devoir devenir un « pourfendeur de démon » de plus en plus puissant. Il va y arriver grâce à sa rencontre avec une ligue informelle de pourfendeurs, un entrainement soutenu et de nombreuses missions effectuées avec plus ou moins de succès.

Basé sur de telles prémisses, Demon Slayer ne montre aucune originalité et ne semble pas se distinguer des innombrables shônen manga du Weekly Shonen Jump dont la série fait partie (au même titre que Dragon Ball, One Piece, Naruto, etc.) Cependant, derrière ce classicisme, il y a quelques touches d’originalités qui expliquent le succès rencontré. Tout d’abord, le récit est plutôt sombre, touchant à de nombreux moments, notamment lors des analepses présentant le passé des démons. En effet, Tanjiro ne peut pas se permettre le luxe d’essayer d’épargner ses ennemis, il doit se montrer impitoyable malgré ses idéaux et sa sensibilité. La narration est bien rythmée et le succès de la série ne débouche pas sur du délayage à outrance, phénomène souvent rencontré dans les bandes dessinées japonaises. L’entrainement est vite expédié, les combats sont brefs et lisibles, il n’y a pas de surenchère nekketsu. Il faut ajouter à cela un dessin parfois un peu brut, s’éloignant du graphisme léché et stylisé rencontré depuis quelques années. Néanmoins, c’est son adaptation réussie en anime qui est clairement le moteur du succès de la série. Celle-ci, par un format plus condensé et en préservant le côté sombre de l’histoire originale, ce qui est peu fréquent pour un dessin animé destiné à un public jeune, a réussi à sublimer Demon Slayer.

La seconde partie se consacre aux relations entre la mode (vestimentaire) et l’univers du manga.