Nouvel emploi, nouvelle vie !

Non, je ne vais pas vous parler d’un changement dans ma carrière professionnelle mais du manga First Job New Life ! qui est le deuxième titre de la collection « Life » de l’éditeur Kana.

First Job New Life ! est une courte série totalisant quatre volumes et narrant la vie de Tamako alors qu’elle vient de rentrer dans la vie active. Il s’agit du premier titre traduit en français de Yoko Nemu. L’auteure est quasiment inconnue chez nous, pourtant elle a une carrière déjà bien remplie (surtout d’œuvres courtes). Cependant, il est possible de lire en anglais The Delinquent Housewife! disponible chez Vertical. Il s’agit d’un manga d’humour et romantique paru dans Big Comic Spirits au milieu des années 2010. Après des débuts dans le magazine pour jeunes femmes Feel Young fin 2004, Yoko Nemu s’y fait remarquer dès 2008 par sa série Gozen 3-ji no muhouchita basée sur son expérience personnelle. D’ailleurs, First Job New Life ! en est, en quelque sorte la suite puisque on y retrouve les mêmes personnages dont Momoko et Dômoto, tout en y ajoutant Tamako. Gozen 3-ji no muhouchita est aussi un titre court car il ne compte que trois volumes. Cela ne l’a pas empêché d’être adapté en drama en 2013 pour une saison de douze épisodes. C’est ainsi que nous avons dans le même univers :

  • Gozen 3-ji no muhouchitai (Trois heures du matin, zone de non droit) : trois tomes édités entre 2008 et 2009, montrant le fonctionnement de l’agence P-Design, spécialisé dans le domaine du pachinko, grâce à Momoko, une jeune diplômée qui veut devenir illustratrice professionnelle ;
  • Gozen 3-ji no kikenchitai (Trois heures du matin, zone de danger) : quatre tomes publiés en 2010 et 2011, centrés sur Tamako, sa découverte du monde du travail et de l’amour. Il s’agit donc de la série proposée par Kana ;
  • Gozen 3-ji no fukyouwaon (Trois heures du matin, les dissonances) : un recueil de nouvelles sorti en 2012, chacune étant centrée sur un des personnages principaux de la série, soit Wajima, Dômoto, Momoko et Tamako.

Le récit commence avec l’entretient d’embauche de Tamako, une jeune infographiste à la recherche de son premier travail. Alors qu’une fois de plus, elle échoue assez lamentablement dans l’exercice, elle a la surprise d’être retenue par le patron, contre l’avis de Dômoto, le responsable de l’agence P-Design. Il s’agit d’une petite entreprise spécialisée dans la communication, l’affichage et la publicité des salles de pachinko. Alors qu’elle n’a aucune envie de rester, Tamako va toutefois s’accrocher à son poste pour des raisons qui n’ont pas toutes à voir avec son travail et s’apercevoir que, bien que difficile, son emploi n’est pas inintéressant, loin de là.

La série First Job New Life ! a donc été prépubliée dans le magazine Feel Young des éditions Shodensha. Elle nous propose deux thématiques, très classiques, qui nous rappellent l’époque bénie de la collection Sakka (lorsqu’il nous était proposé Fumi Yoshinaga, Q-Ta Minami et Kiriko Nananan) : la vie professionnelle et la vie amoureuse des jeunes femmes japonaises. Avec un dessin rappelant parfois Mari Okasaki, parfois Chika Umino, mais surtout George Asakura et même Moyoko Anno, Yoko Nemu nous propose une histoire au dessin plaisant et efficace, à la narration bien rythmée, sans oublier une galerie de personnages mémorables, à commencer par la débutante Tamako. Cette dernière est volontaire, même si elle est très timide et sans expérience de la vie. Elle est touchante dans ses efforts pour réussir dans un métier dont elle ignore quasiment tout. Il en est de même avec ses sentiments envers un de ses collègues. En effet, le premier tome est composé en deux temps : la découverte du travail, puis la découverte de l’amour. Dans les deux cas, rien n’est simple, surtout pour Tamako, inexpérimentée dans les deux domaines. Néanmoins, elle apprend vite.

Le deuxième tome nous montre Tamako en train de s’ouvrir petit à petit à ses collègues, surtout ceux de la salle de pachinko où elle est en stage pour mieux comprendre le domaine dans lequel elle travaille désormais et qu’elle doit mettre en valeur par ses créations graphiques. Elle se rapproche ainsi de Miyashita, un beau jeune homme qui semble vouloir la prendre sous son aile. Cela déplaît fortement à Akiho, une très jolie collègue, ancien mannequin de magazine dédié au pachinko et ancienne hôtesse événementielle. La jalousie la frappe en plein cœur, ce qu’elle ne comprend pas : comment peut-elle être jalouse d’une fille aussi banale et pourquoi Miyashita ne s’intéresse pas à elle autrement que pour une coucherie occasionnelle, pourquoi n’accepte-il pas son amour ? Pendant ce temps-là, Mano, l’ancienne comptable de P-Design et surtout (plus ou moins) la petite amie de Dômoto, vient rendre visite à ses anciens collègues de l’agence. Voilà qui va ruiner à coup sûr les rêves romantiques de Tamako. C’est ainsi que plusieurs chapitres s’éloignent de la vie professionnelle de notre jeune et fade héroïne pour se focaliser sur d’autres personnages et apporter plus de profondeur à l’histoire. C’est alors l’occasion pour la mangaka d’aborder le sujet de l’apparence, mais aussi sur ce qui se trouve derrière cette apparence. Elle montre aussi la nécessité d’évoluer, de changer de comportement afin de devenir plus adulte. Pour cela, elle utilise l’exemple de Miyashita. De plus, les réflexions prêtées à Akiho sont intéressantes. De son côté, petit à petit, Tamako prend conscience d’elle-même et des personnes de son entourage. Heureusement, Yoko Nemu n’en oublie pas pour autant l’humour et développe son récit avec légèreté.

En effet, la série ne pose pas frontalement la question de l’emploi des femmes dans le Japon actuel. Rappelons qu’il n’est pas question ici d’emplois d’office ladies, ces jeunes femmes employées dans les bureaux dont le rôle subalterne consiste surtout à accomplir de petites taches de secrétariat et à servir le thé aux collègues masculins et aux clients. Tamako, tout comme Momoko, ont un emploi technique : elles sont infographistes et conceptrices de notices. Elles sont jeunes et ne se sentent pas encore concernées par leur « péremption », c’est-à-dire l’âge limite pour se marier et devenir une bonne épouse s’occupant du foyer et des enfants. De même, le problème du harcèlement sexuel par les supérieurs n’existe pas au sein du studio (qui est petit, il faut le rappeler). Il n’est pas question non plus des inégalités salariales. Il y est plus question du temps passé au bureau et du rythme de travail, de leur difficile acceptation par les salariés, notamment les femmes. Il est donc difficile de ne pas penser ici au problème des entreprises qualifiées de « black kigyô ». Celles-ci se caractérisent par l’exploitation des employé·e·s les plus jeunes, fraîchement diplômé·e·s et faisant leur entrée dans le monde du travail. La direction les enchaîne à leur bureau pour des journées dépassant allégrement la douzaine d’heures. Sans surprise, cette exploitation s’accompagne de harcèlement tels que des abus verbaux et voire parfois physiques. Enfin, le travail forcé le week-end et de nuit, l’interdiction de prendre ses congés légaux sont des pratiques courantes quoique interdites officiellement. Néanmoins, tout ceci n’est pas abordé explicitement et ces différentes problématiques sont plus ou moins suggérées, afin de laisser la place à l’attitude positive de Tamako et à sa volonté de s’affirmer. Incontestablement, nous sommes ici en présence d’une comédie romantique, pour notre plus grand plaisir.

Mes jeux vidéo : l’aventure

Lors d’une de nos (redevenues) habituelles tournées du samedi dans les Gibert Joseph, Romiz (une fois de plus) a attiré mon attention sur la présence d’un ouvrage d’occasion portant sur les jeux d’aventure de type « point and click ». Ayant un passé de joueur sur ce genre de logiciels, après un feuilletage rapide, j’ai décidé de l’acheter, comme je l’avais fait six mois auparavant pour L’Histoire du RPG – Passés, présents et futurs.

L’histoire du Point’n’Click, l’épopée du jeu d’aventure graphique

Publié chez Pix’n Love éditions, écrit par Patrick Hellio, cet ouvrage (épuisé) se révèle être infiniment moins bon que mon précédent achat d’un livre de l’éditeur. La faute en incombe plus à la forme qu’au fond. Son premier défaut est d’être bien trop lourd du fait d’un choix de papier à (trop) fort grammage et à une couverture cartonnée. Résultat, le livre est pénible à tenir en main. Cependant, c’est surtout sa maquette, ratée à mes yeux, qui pose le plus problème. Les illustrations sont mal positionnées, mal dimensionnées, les légendes sont peu lisibles, l’ensemble en devient désagréable visuellement, rendant le tout foutraque. De plus, le titrage est totalement raté (y compris sur la couverture), aggravant un souci de transitions régulièrement mal gérées par l’auteur et un fil conducteur pas toujours très clair. Pourtant, la construction interne est plutôt logique, bien pensée. Mais le rédacteur a parfois du mal à dérouler le fil de sa pensée. Il faut dire qu’il n’est pas simple de rendre claire et linéaire une histoire du jeu d’aventure aux développements parallèles, d’écrire sur un genre foisonnant et partant un peu dans tous les sens. De plus, la première partie de l’ouvrage (sur les jeux d’aventures textuels et leur déclinaison plus graphique) est trop courte. Elle me semble trop survolée par l’auteur (à la différence de la période 1990-2010). Par contre, l’ensemble se lit bien et les chapitres dédiés aux éditeurs sont intéressants (notamment ceux consacrés à Sierra et Lucasfilm). Un large espace est donné aux jeux d’aventure des éditeurs francophones, reflétant ainsi l’importance du genre dans l’Hexagone dès les années 1980. Dommage pour moi, ces jeux ne m’intéressaient pas à l’époque (pourtant, il y a eu de belles perles), ce qui s’est retrouvé dans une lecture tenant plus du survol. Inutile de dire que j’ai zappé totalement la partie dédiée aux consoles. À l’arrivée, alors que j’avais été passionné par la lecture de L’Histoire du RPG, j’ai plus feuilleté que lu L’Histoire du Point‘n Click. Cela ne m’a pas empêché de me souvenir d’un certain nombre de jeux d’aventure qui ont marqué mes deux décennies de joueur et de vous proposer ainsi une nouvelle séquence souvenirs.

Les premiers

À la différence des RPG, je n’ai jamais été réellement passionné par les jeux d’aventure, et si j’en ai commencé beaucoup, j’en ai fini peu et il me reste des souvenirs très flous des heures passées à tenter de résoudre telle ou telle énigme. D’ailleurs, très rapidement, j’ai utilisé des aides et des solutions pour ne pas perdre mon temps en restant bloqué ici ou là, et pour mieux apprécier l’histoire proposée. Autant que je me souvienne (il y a trente-cinq ans de cela), le premier jeu d’aventure que j’ai vraiment apprécié est Mindshadow d’Activision (1984, réalisé par Interplay) sur Commodore 64, avec les graphismes qui se dessinaient lentement à chaque nouvel écran. Il s’agissait d’un jeu d’aventure textuel illustré où le héros doit retrouver la mémoire. Un peu plus tard, un autre titre m’a bien plus marqué : Dragonworld (une histoire où le dernier dragon a disparu et vous devez aider un ami à le retrouver). Il s’agit de l’adaptation d’un roman pour enfant de Byron Preiss et Michael Reaves. Trillium, l’éditeur, s’était spécialisé dans la traduction de romans en jeu vidéo d’aventure. Il en résultait des histoires prenantes. C’est ainsi qu’au mitan des années 1980, j’ai pu aussi jouer (sans le finir) à Amazon de Michael Crichton et à Nine Princes In Amber (avec ses multiples fins, je n’en ai atteint qu’une) de Roger Zelazny, là aussi sur Commodore 64. Néanmoins, c’est surtout sur Amiga que j’ai le plus joué aux jeux d’aventure, grâce à des capacités graphiques très largement supérieures combinées à une mémoire vive bien plus importante et permettant des jeux plus élaborés. C’est le cas d’Uninvited de Mindscape (1987, développé par ICOM). Après avoir eu un accident de voiture, vous devez retrouver votre frère disparu et le seul endroit où il peut être est un manoir isolé. Or, celui-ci se révèle rapidement être hanté par des morts-vivants. Encore un jeu où on mourrait beaucoup lorsqu’on avait le malheur de ne pas faire qu’il aurait fallu faire au moment où il aurait fallu le faire.

La période Sierra On-Line

Winnie The Pooh in the Hundred Acre Wood (1984), The Black Cauldron (1987) et King’s Quest (1984) font partie des jeux Sierra On-Line que j’ai fait l’effort de terminer. J’en ai commencé beaucoup d’autres mais ils n’ont pas réussi à m’accrocher suffisamment pour que j’y consacre le temps nécessaire pour voir la fin. Winnie The Pooh s’adressait à un public vraiment jeune, d’où un jeu simple à faire. The Black Cauldron était lui aussi assez facile mais il proposait un univers étendu à visiter. Il donnait une grande liberté de mouvement et bénéficiait d’un graphisme assez poussé (pour l’époque). King’s Quest a été le fondateur d’un type de jeu d’aventure graphique, celui à la troisième personne. J’avoue ne pas me souvenir dans quel ordre j’ai joué à ces trois titres étant donné que j’ai dû les récupérer en même temps sur Amiga. J’ai dû aussi terminer King’s Quest II (1985) et King’s Quest III (1986), avant de me lasser d’un système devenant un peu répétitif. J’ai les originaux de la série jusqu’au sixième opus, mais étant donné que j’ai travaillé pour Activision Europe pendant quelques années et que les éditeurs s’échangeaient leurs jeux, cela ne signifie pas que je les ai achetés à l’époque de leur sortie et encore moins que j’y ai joué jusqu’à en voir la fin.

L’ère LucasFilm

Comme le fait remarquer fort justement l’ouvrage L’histoire du Point‘n Click, ce sont les jeux d’aventure édités par la division jeux vidéo de Lucasfilm qui ont amené le genre à son sommet et présenté les titres les plus mémorables du genre. Si je les ai à peu près tous essayés, il n’y en a que quatre qui m’ont vraiment marqué. Pour autant que je me souvienne, je les ai tous terminés en m’aidant (plus ou moins) de leur solution. J’ai dû jouer en 1988 à Zak McKracken and the Alien Mindbenders sur Commodore 64 (même si j’ai la version Amiga en original). Je me souviens d’un jeu assez loufoque mais assez beau graphiquement (on savait se contenter d’un affichage 320 x 200). C’est surtout The Secret of Monkey Island (1990) et Monkey Island 2: LeChuck’s Revenge (1992) qui m’ont frappé, comme tout le monde. Ron Gilbert, le créateur, a réussi à marquer l’histoire du jeu vidéo avec ces deux titres. Si j’ai joué à peu près « honnêtement » au premier opus, il me semble que j’ai souvent fait appel à une solution pour terminer le second. Il n’y a peut-être que Maniac Mansion: Day of the Tentacle (1993) qui a réussi à marquer autant les esprits. Par contre, là, j’ai tout fait en suivant un walkthrough car les énigmes étaient vraiment corsées et, à l’époque, je commençais à manquer de temps et de courage pour rester des heures à essayer de résoudre telle ou telle énigme. Il est à noter que j’y ai joué sur un PC 386SX en VGA, ayant définitivement abandonné l’Amiga. Je me souviens aussi d’avoir apprécié Labyrinth (1986, l’adaptation du film) sur Commodore 64, Maniac Mansion (1987) sur Amiga et Full Throttle (1995) sur PC sans me souvenir si je les ai terminés (mais il me semble que oui). J’ai les originaux de ces trois jeux, sans que cela signifie grand-chose.

Virgin Interactive et la vague européenne

Surfant sur le succès commercial des jeux d’aventure de type « point and click », de nombreux éditeurs européens se sont mis à en proposer dans les années 1990. L’éditeur Virgin Games a su se démarquer en proposant des jeux d’aventure vraiment réussis et avec lesquels j’ai passé pas mal de temps (même si j’ai dû m’aider avec des solutions, me connaissant). Le premier, Simon the Sorcerer a été édité en 1993 par AdventureSoft UK et proposait une sorte de mélange entre Monkey Island II pour l’interface, le graphisme et de l’univers de Discworld pour l’humour, sans oublier le sorcier en personnage principal. J’avoue ne plus me souvenir si j’y ai joué sur Amiga ou sur PC. Dans le genre humoristique, Toonstruck (1996, Virgin Interactive) va plutôt chercher du côté de Day of the Tentacle et du film Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Il propose une incrustation d’acteur (Christopher Lloyd) dans un graphisme « cartoonesque » poussé à son maximum. Néanmoins, ce sont surtout deux jeux d’aventure proposant chacun une sorte de dystopie qui me restent le plus en mémoire : Beneath a Steel Sky (1994) et Blade Runner (1997). Les deux ont été publiés par Virgin Interactive. Plaçant le personnage principal dans un futur caractérisé par l’importance des mégapoles et des corporations commerciales, il s’agit plus de survivre que de sauver le monde. D’ailleurs, il n’est pas certain que celui-ci donne envie qu’on le sauve. Grâce à des graphismes époustouflants, une aventure solide, les deux titres ont marqué leur époque et même au-delà. Isis, publié par Panasonic en 1994 et disponible en français en 1996 grâce à Microfolie’s (où j’ai officié durant quelques années) est un jeu qui m’a attiré pour la mise en scène du groupe de musique Earth, Wind and Fire. Ce n’est pas uniquement « professionnellement » que je l’ai terminé. Enfin, le dernier jeu d’aventure dont j’ai souvenir d’être allé jusqu’au bout (avec la solution en l’occurrence) est The Longuest Journey. Sorti en 1999, ce jeu suédois représente le jeu d’aventure de type « point and click » au sommet de son art. Situé dans un futur lointain, l’héroïne se découvre la capacité de voyager entre deux mondes parallèles lorsqu’elle rêve. Bien entendu, elle va devoir les sauver en restaurant l’équilibre entre la technologie et la magie. Graphiquement superbe (mélangeant 2D et personnages en 3D), doté d’une interface moderne, proposant une aventure solide (à défaut de proposer un thème original) et une héroïne attachante, c’était la meilleure des manières d’arrêter de jouer aux jeux d’aventure graphiques.