Horizon Forbidden West, la chronique

Après plus d’une centaine d’heures et quatre-vingt-pourcent du jeu effectués (l’histoire principale est terminée), il est temps de donner mon avis sur Horizon Forbidden West. Il s’agit de la suite directe du jeu vidéo Zero Dawn sur lequel j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’écrire sur ce blog quelques lignes illustrées (ici ou , par exemple).

Sorti en février 2022 sur Playstation 4 et 5, Forbidden West a connu immédiatement un grand succès auprès des possesseurs de PS5, mais les retards de livraison de cette console font que les ventes du nouvel opus sont nettement en retrait (pour l’instant) par rapport à celles de son prédécesseur. D’ailleurs, à chaque livraison d’importance de la nouvelle console de Sony, nous voyons un pic des ventes de Forbidden West. Manifestement, de nombreux fans du jeu possédant une PS4 attendent de pouvoir renouveler leur matériel avant de partir pour l’Ouest prohibé. Votre serviteur, ne pouvant pas attendre une future et lointaine version PC (il avait fallu trois ans pour le portage de Zero Dawn), a investi dans une PS4 pro d’occasion, choisissant une sorte de compromis grâce à la puissance graphique accrue de la PS4 pro. Une vidéo comparant le jeu dans ses différentes versions est disponible sur YouTube. De toute façon, le jeu est magnifique sur toutes les PlayStation, et les différences sont parfois subtiles.

Guerrilla, le studio de développement, nous avait promis un meilleur graphisme, un monde ouvert plus vaste, plus varié et plus dense, plus de quêtes secondaires, plus de cinématiques, une plus grande liberté de mouvement, plus d’ennemis (moins stupides) et plus de machines, un meilleur arbre des compétences, le tout proposé dans une super histoire. Il faut reconnaître que les promesses sont tenues sur ces différents points. Pourtant, les sujets d’agacement et même d’énervement ne manquent pas tout au long du jeu, surtout qu’il n’est pas possible, pour gagner du temps ou se faciliter la vie, de tricher sur console comme on peut le faire sur PC grâce aux MODs. Voici donc, dans une alternance de bons et mauvais points, mon avis sur Forbidden West.

Une histoire réussie

L’histoire est vraiment le point fort du jeu. Elle crée, après chaque quête principale, une envie d’en savoir toujours plus, et elle se termine sur un rebondissement qui donne envie d’avoir la suite. Il y a énormément de cinématiques, de dialogues avec les différents NPCs (non-player character) rencontrés dans un monde ouvert très varié. Le tout est accompagné par une excellente bande son. Il en résulte un jeu captivant, immersif et qui se révèle être très addictif. Adressons toutes nos félicitations à Ben McCaw (directeur narratif) et à Annie Kitain (écrivaine principale) pour leur excellent travail. Difficile d’être plus précis sans dévoiler une partie du jeu. Il ne reste plus qu’à espérer que l’extension que tout le monde attend (le DLC n’est toujours pas annoncé à fin septembre) soit de la même qualité. Il n’y a aucune raison d’en douter, surtout quand on se souvient de The Frozen Wilds, une belle réussite.

Certain·e·s d’entre nous apprécierons le côté « féministe » du jeu car les personnages féminins en charge de responsabilités, actives et agissantes sont nombreuses, que ça soit du côté des « gentilles » ou des « méchantes ». Bien entendu, et malheureusement sans surprise, cette importance prise par les femmes n’a pas toujours été au goût de certains gamers, ce qui s’est vu sur certains réseaux sociaux. Sur le point de la diversité, notons tout de même une diminution notable de la présence de personnes d’origine asiatique par rapport à l’opus précédent. Cela est un peu regrettable.

Un graphisme amélioré mais pas sans défaut

Il faut le reconnaître, c’est beau. La saturation des couleurs est peut-être parfois un peu trop poussée, certes rendant le jeu plus attirant mais donnant parfois effet un peu artificiel, faisant penser à Avatar, le film, et à Pandora: The World of Avatar, l’espace thématique proposé dans le Walt Disney World Resort en Floride. Ceci dit, même sur PS4, le graphisme des paysages (variés), de la végétation et des bâtiments est réellement impressionnant. L’animation est, elle aussi, réussie et démontre une grosse amélioration de Decima, le moteur du jeu.

Par contre, il y a un gros problème sur le visage des personnages. Ils font tous plus juvéniles : leur figure est plus ronde, elle est moins marquée par les ans et la rudesse du monde dans lequel ils vivent. Ce n’est réellement gênant que pour ceux que nous avions l’habitude de voir dans Zero Dawn, mais c’est véritablement un gros loupé. Malheureusement, ça ne va pas être le seul, d’autres, au niveau du gameplay, sont pires. Le cas le plus extrême est celui de Petra, une cheffe Oseram, aux traits marqués par une vie difficile. Erend est plutôt loupé lui aussi (tout comme l’est Talanah, argl !). Seul Varl, surtout quand il est barbu, s’en sort particulièrement bien.

Le visage d’Aloy est aussi concerné par le problème. Les changements sont parfois subtils mais le résultat est régulièrement malheureux, surtout sur certaines expressions. Par contre, celles-ci sont nettement plus variées, permettant d’avoir une Aloy plus vivante lors des cinématiques. Cependant, la réussite n’est donc pas toujours au rendez-vous du fait de la forme quelque peu changeante de la tête. Néanmoins, l’habitude vient petit à petit, par la force des choses. Il n’empêche que des yeux plus grands, un front un peu moins dégagé (généralement caché par une coiffe), des joues un peu plus pleines avec des pommettes un peu moins hautes, un menton moins un peu plus court, donnent souvent une figure plus ronde. Cela crée donc un effet de jeunesse avec une impression de néoténie plus prononcée. Par contre, d’autres fois, il n’y a quasiment aucune différence entre les deux générations d’Aloy. Étrange…

C’est quand même un peu dommage d’avoir revu à ce point les faciès des quelques personnages de Zero Dawn repris dans Forbidden West.

Un monde vaste et varié mais…

Un monde ouvert se doit d’être de grande taille et varié, afin de ne pas lasser les joueuses et joueurs qui doivent le parcourir en long et en large sans avoir une impression de répétition. De ce côté, c’est réussi. Entre la rocaille des Couards (une vallée encaissée), la sylve de Mélopée, la côte maritime de San Francisco, le désert de Las Vegas, des montagnes enneigées au Nord et les autres environnements proposés, il y a vraiment de quoi faire, sans oublier les lieux sous-marins à visiter régulièrement. Pourtant, des internautes se sont amusés à comparer la carte de Forbidden West avec celle de Zero Dawn (et son DLC) : le nouveau monde n’est pas tellement plus vaste. Par contre, comme il est tout en longueur, nous avons l’impression qu’il faut plus de temps pour le parcourir, même en passant au dessus des montagnes sur le dos d’une Aile d’Hélion.

Mais le problème n’est pas là. L’équipe de Guerrilla a voulu trop en faire et il y a trop d’activités diverses, beaucoup trop d’activités pour l’espace proposé, ce qui fait qu’elles sont un peu toutes les unes sur les autres. C’est bien simple, il y a trop de tout : trop de machines, trop de lentilles, trop d’avant-postes rebelles, trop de reliques, trop de panoramas, trop de boites noires, trop de drones, trop de fleurs de métal, etc. Cela devient vite gavant de refaire pour la énième fois la même chose, juste dans un lieu différent. En effet, pour chaque type d’activité, les mécanismes sont rapidement un peu les mêmes et ils sont souvent assez énervants. Nous avons l’impression que les producteurs ont voulu en « donner pour leur argent » aux gamers les plus exigeants et ont gonflé artificiellement la durée de vie du jeu.

Le pire reste l’amélioration des armes et armures. Déjà, les unes comme les autres sont nombreuses. Les personnes complétistes y trouveront peut-être leur bonheur mais ça ne rime à rien d’avoir autant de variété. Il y avait dix-huit tenues (y compris les bonus de pré-achat) existant souvent en trois ou quatre versions dans Zero Dawn. C’était déjà beaucoup, il y en a quarante-quatre visuellement très différentes maintenant. Elles ont trois à cinq niveaux d’amélioration qui demandent un grand nombre de composants, de plus en plus difficile à obtenir en fonction du niveau, bien entendu. Il en va de même avec les armes. Il y en avait vingt-quatre avant (trois du DLC pouvaient être améliorées une fois), il y a désormais vingt-trois types d’armes, certaines pouvant compter plus d’une dizaine de variantes. Par exemple, pour l’arc de chasseur, il existe dix-neufs versions. Il faut les améliorer, ce qui demande énormément de ressources que nous pouvons obtenir en chassant telle ou telle machine. Les quantités de ressources demandées sont tellement importantes dans certains cas qu’il faut des heures et des heures de farming pour les amener à leur niveau maximum. Et du coup, vous allez rapidement atteindre le niveau 50 (on ne peut pas aller plus haut) alors que vous n’avez fait qu’un tiers ou la moitié du jeu. En plus, si vous jouez en mode normal ou supérieur, cela va vous consommer de nombreuses ressources de munition, en plus du temps nécessaire pour tuer la bestiole convoitée. C’est ridicule et je ne comprends pas comment Mathijs de Jonge (le réalisateur) et Joel Eschler (le producteur) aient pu laisser passer ça. Pourtant, l’idée de l’établi était bien trouvée. Elle est gâchée par les composants demandés pour les améliorations.

Je vous fais grâce des autres nombreux ratés du jeu à mes yeux : séquences de plateformes exaspérantes aux sauts parfois millimétrés (Latopolis remporte la palme du pire lieu, devant certaines ruines de reliques), parties tout aussi énervantes de beat’em up dans les fosses de combat où il faut réussir des combos en appuyant sur la bonne commande au dixième de seconde près. Certes, rien de tout cela est, en général, obligatoire à moins de vouloir compléter tous les arbres de compétence. D’ailleurs, à ce propos, le système de progression d’Aloy est bien vu, il faut le reconnaitre. Il n’empêche qu’à l’arrivée, Forbidden West donne l’impression d’être un jeu mal équilibré et donc à moitié raté. Résultat, il ne donne pas vraiment envie de faire une nouvelle partie plus (NG+) mais plutôt d’attendre le DLC pour replonger dans l’histoire d’Horizon.