Angoulême 51, énième… 1/2

Du 24 au 28 janvier 2024, la cinquante et unième édition du Festival International de la Bande Dessinée s’est déroulé sous un temps globalement printanier. Comme tous les ans depuis 2006, une petite délégation de Mangaversien·ne·s y était, et les cinq jours, s’il vous plaît, Moto Hagio oblige. En plus du reportage photographique présentant la manifestation par l’image, voici mon compte-rendu (presque) à chaud, celui d’un ronchon blasé (mais vous pouvez plutôt aller lire celui du newbie de la bande). 🙂

Enfin Moto Hagio

Le principal intérêt de la manifestation angoumoisine est, année après année et sans conteste, l’ensemble des expositions proposées. Elles sont généralement de grande qualité. Réclamée depuis des années, encore plus après celle de 2023 qui nous avait fait hurler de dépit, une grande exposition matrimoniale est enfin proposée au Musée d’Angoulême. Avec l’exposition « Moto Hagio, au-delà des genres », le shôjo manga (vous savez, celui qui s’adresse à un public féminin) est enfin mis à l’honneur. Si vous n’avez pas pu aller au festival, rassurez-vous, elle est accessible jusqu’au 17 mars. Sur une scénographie contrainte par le lieu (donc, année après année, elle est devenue assez classique), les deux co-commissaires (Xavier Guilbert et Léopold Dahan) ont su nous proposer une belle exposition, didactique dans un premier temps, balayant largement la carrière de la mangaka dans un second. Il est donc possible d’admirer tout le talent de Moto Hagio, notamment dans sa capacité à mettre de façon magistrale en page son récit. Les planches sont toutes mises en situation par des cartels développés, malheureusement peu lisibles car placés souvent trop bas et surtout écrits en noir sur un fond assez foncé, ce qui est aggravé par un éclairage oblique occulté par la présence des visiteuses et des visiteurs, forcément en nombre lors des quatre jours du festival ouverts au public. Nous ne féliciterons pas le scénographe qui a bien « merdé » sur le coup.

Une autre exposition était remarquable, celle consacrée au travail de Nine Antico. Il s’agit d’une autrice que je ne connaissais que de nom. Heureusement pour ma culture en matière de BD, la (pas si) petite mais intéressante rétrospective « Nine Antico, chambre avec vue » nous montrait une autre facette de la bande dessinée féminine, en proposant un propos féministe axée sur la culture populaire, ainsi que sur le rêve américain, à chaque fois à travers des femmes souvent touchantes dans leur comportement. Une belle mise en avant de la dernière œuvre de Nine Antico, Madones et putains, se déroulant dans l’Italie du XXe siècle, achevait de donner envie de lire l’ensemble de la bibliographie de l’autrice. Sa masterclass (titre pompeux pour dire que la rencontre se déroulait dans une grande salle) était tout aussi intéressante et superbement animée par Sébastien Thème (journaliste culturel, chroniqueur et producteur) que je découvrais (aussi) à cette occasion. Voilà un nouvel animateur qui faisait plaisir à voir et à entendre.

Cependant, le reste des exposition s’est révélé être globalement décevant alors que j’en attendais beaucoup pour certaines d’entre-elles. Je n’ai pas d’avis sur « Riad Sattouf, l’arabe du futur, œuvre-monde », n’ayant pas eu le temps de la visiter. Je n’ai pas beaucoup d’appétence pour le travail de l’auteur et ayant la possibilité de la voir jusqu’au 5 mai, je l’ai zappée, tout comme celle intitulée « Thierry Smolderen, le scénario est un bricolage ». Les deux sont situées au Vaisseau Mœbius, il est donc possible d’y aller bien après le festival. Toujours à propos des expositions non vues, il y avait « Lignes de départ » (au Nil), mais aussi celle consacrée à la série jeunesse Bergères guerrières. Nous zappons souvent l’Espace Jeunesse par manque de temps alors qu’il semblerait que les expositions y sont très souvent réussies, ce qui avait été le cas pour les deux dernières que nous avons pu voir. Nous n’avons pas été à celles organisées par d’autres organismes, telles que « Olivier Ledroit, Requiem » (à la C.C.I.) ou « Adolescents en guerre » au Musée du papier, par total inintérêt dans ces deux cas.

Le dimanche matin, une partie de notre groupe a préféré privilégier les expositions du Musée de la Bande Dessinée qui se sont, une nouvelle fois, révélées être plutôt moyennes, voire très moyennes : « Croquez ! La BD met les pieds dans le plat » est très rapidement foutraque et indigeste, « Photomatoon » est gentillette mais minuscule, « François Bourgeon et la traversée des mondes » est assez pauvre en explications, elle manque de mise en perspective. De plus, elle passait trop rapidement sur Les Passagers du vent et Le Cycle de Cyan. Il y avait heureusement de très belles planches en N&B. Cependant, où sont passées les super expositions du Musée de la BD d’il y a quelques années ? En dehors de l’éclaircie « Calvo, un maître de la fable » en 2020, ça commence à faire longtemps que nous n’avons pas eu quelque chose de vraiment remarquable.

Toutefois, il restait encore de quoi faire, tant la programmation est riche chaque année. C’est juste qu’elle n’a pas eu l’heur de me plaire… Deux exemples tout à fait parlant : « Attraper la course » permet d’admirer jusqu’au 10 mars de nombreuses planches de Lorenzo Mattotti, bédéaste, illustrateur et peintre de talent dont nous avions pu admirer des pièces magnifiques lors de la dernière édition du défunt Pulp Festival. La magie n’a pas opéré cette fois, peut-être à cause des textes plutôt inintéressants de Maria Pourchet, sans parler de la banalité du sujet à représenter. Seule la dernière petite salle possède une réelle atmosphère. Je n’en attendais pas grand-chose, je n’ai donc pas été réellement déçu par « Hiroaki Samura : corps et armes ». Son manga phare, L’Habitant de l’infini m’indiffère totalement, et ce, depuis une période où j’étais infiniment plus tolérant. Et ce ne sont pas les textes illisibles de Fausto Fasulo, le commissaire, qui a remonté mon intérêt. Par contre, la scénographie était sympa. J’avais l’impression de retrouver (en plus petit) l’exposition sur L’Attaque des titans où là aussi, c’était beaucoup d’esbroufe. Certes, c’était mieux dessiné cette fois, mais bon…

Toujours au rayon des déceptions, surtout quand on fait la comparaison avec la projection de l’année dernière consacrée à Druillet, nous avons « Dracula : immersion dans les ténèbres ». C’était peu impressionnant, moins immersif avec des problèmes de positionnement des vidéoprojecteurs placés ras-du-sol, ce qui créait sur les murs des ombres de visiteurs et visiteuses très malvenues, sans oublier une utilisation du plafond assez pauvre. Et comme je me fiche totalement de Shin’ichi Sakamoto, voilà un quart d’heure (le temps de se rendre sur place et de repartir) de perdu dans un programme heureusement peu chargé. Dernière déception, « Les 50 ans du concours de la bd scolaire ». Je m’attendais à pouvoir admirer l’évolution des centres d’intérêts des collégien·ne·s et lycéen·ne·s au fil des décennies, je n’y ai vu qu’un rapide retour en arrière à base d’affiches des différentes éditions et de pauvres textes versant un peu dans l’auto congratulation.

Bref, vous l’aurez compris, cette édition ne restera dans ma mémoire que pour sa première grande exposition matrimoniale… du moins en ce qui concerne ce type d’activité. Car, heureusement, le festival, ce n’est pas que ça. Il y a tant d’autres choses qui sont proposées que l’on arrive toujours à trouver quelque chose d’intéressant à faire ou à voir. Du moins, c’est ce qu’on attend du FIBD… En a-t-il été de même avec la cinquante et unième ? Vous le saurez dans la seconde partie de ce compte-rendu, qui est un peu plus enthousiaste, je vous rassure 🙂

Le fonds patrimonial des imprimés de la Cité, un petit reportage

L’archivage des nombreuses bandes dessinées et revues consacrées au 9e art est l’une des missions de la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image (CIBDI). L’idée de mettre en place à Angoulême un fonds dédié à la BD s’est concrétisée il y a une quarantaine d’années avec le doublement (entre 1984 et 2015) du dépôt légal de la BnF, bien avant la création de la Cité. Cette dernière est ainsi l’héritière de la bibliothèque d’Angoulême, première récipiendaire de ce fonds du fait de sa proximité géographique avec le Salon International de la Bande Dessinée d’Angoulême (devenu en 1996 un festival). À l’occasion de la cinquantième édition du festival, nous (a-yin et moi) avons eu l’occasion de visiter ce fonds en compagnie d’un petit groupe de privilégié·e·s et de découvrir certaines vieilles pépites qui y sont entreposées.

Un peu d’histoire

Ces réserves sont installées dans les chais dits « Magelis » depuis 2008, une fois ceux-ci profondément remodelés pour recevoir le musée de la bande dessinée ainsi qu’un musée du cinéma (qui n’ouvrira finalement jamais). En effet, le lieu a une histoire qui prend ses racines durant la glorieuse période industrielle d’Angoulême et même au-delà.

Remontons à 1857 pour trouver l’origine de ces chais. C’est à cette époque que les onze corps de bâtiments, dont on voit toujours la façade ordonnancée le long de la Charente dans le quartier de Saint-Cybard, ont été construits afin de stocker de l’eau-de-vie (Cognac n’est pas loin). Ces chais ont été transformés par la société Lazare Weiller et Cie en 1908-1910 pour recueillir son usine métallurgique (alors située quelques dizaines de mètres plus loin) et une usine à feutre de papeterie (alors située à Nersac, à l’Ouest d’Angoulême) qui profite ainsi de la proximité des papeteries d’Angoulême. Un entrepôt industriel et des bureaux ont été construits vers 1930 avant que de nouveaux ateliers de fabrications soient ajoutés en 1945 puis en 1960. L’ensemble s’est transformé en friche industrielle après le transfert de l’usine COFPA (ex-Weiller) à Gond-Pontouvre (au Nord d’Angoulême) en 1995. Cette friche a subsisté jusqu’à la réhabilitation du site décidée en 2002 avec la mise en place de la « Cité Magelis ». Tous ces bâtiments ont dû être détruits, en gardant néanmoins les façades et quelques murs, afin de faire place à une nouvelle structure dédiée à la bande dessinée (le musée, ouvert en 2009 dans sa partie droite) et à l’image (l’ex-musée du cinéma des Studios Paradis). Cette partie n’a jamais été ouverte au public entre 2004 et 2022, à une exception près en 2017 à l’occasion d’une exposition temporaire. Depuis peu, les Studios Paradis sont définitivement fermés. Les décors ayant été démontés, le FIBD a pu en profiter en 2023 en y créant un nouvel espace jeunesse.

La Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image

La Cité, née en 2008 de la réunion du CNBDI (le Centre National de la Bande Dessinée et de l’Image, dont la création à Angoulême a été décidée en 1984) et de la Maison des auteurs, est organisée en plusieurs pôles sur trois sites (Vaisseau Mœbius, Maison des auteurs, Chais Magelis). Les trois principaux pôles sont le musée de la bande dessinée, la bibliothèque de la bande dessinée et la maison des auteurs, auxquels s’ajoutent des fonctions supports (administration, communication, action culturelle et centre de soutien technique multimédia). Depuis quelques années, le cinéma et la librairie sont directement rattachés à la direction générale, l’action culturelle / médiation, la bibliothèque, le centre de ressources documentaires et les fonds (lecture publique, centre de documentation, patrimoniaux) sont rattachés à la direction « lecture publique et transmissions », en attendant une nouvelle organisation qui ne manquera pas de se mettre en place dans un futur plus ou moins proche.

C’est au premier étage, au-dessus du musée et de la librairie, que se trouvent, entre autres, le centre de documentation avec ses bureaux sur un côté, et en son cœur, la réserve des albums et celle des périodiques (les deux dépendant donc du fonds « imprimés » de la bibliothèque) ainsi que les réserves des collections du musée (des planches et illustrations originales mais aussi divers objets en rapport avec la BD). Elles représentent une surface d’environ 600 m² (dont 190 pour les albums, 230 pour les périodiques et 180 m² pour les collections du musée). Elles étaient situées jusqu’en 2008 au premier étage du CNBDI, du côté de la bibliothèque (donc au bâtiment Castro, devenu en 2013, le Vaisseau Mœbius). Elles représentaient une surface de 355 m² (soit 100, 129 et 126 m²). D’ailleurs, le manque de place dans les nouvelles réserves ont conduit à en ré-ouvrir une ancienne (avec la réimplantation de certains types de documents) dans le Vaisseau Mœbius (la surproduction de bandes dessinées ne touche pas que les lectrices et lecteurs ou les libraires). Cette nouvelle/ancienne réserve sert aussi de lieu de stockage à un récent don exceptionnel.

Qu’est-ce que le fonds patrimonial des imprimés ?

En principe, est patrimonial tout livre qui est soit ancien (antérieur à 1830), soit rare (moins de cinq exemplaires sur le territoire national), soit précieux (plus de 50 000 €), un seul de ces trois critères suffit. Cependant, il est possible de « patrimonialiser » en dehors de ces trois caractéristiques. Rappelons qu’un ouvrage « patrimonialisé » est inaliénable et imprescriptible. Du coup, il n’a pas vocation à être prêté, ni à être aliéné ou détruit. Et des règles de conservation (température, hygrométrie, ventilation, stockage, sécurisation, recollage, etc.) s’imposent à son entreposage et à son prêt pour des expositions temporaires (pas plus de trois mois consécutifs suivi d’une longue mise au « frigo » afin de le préserver de la lumière). Un fonds patrimonial est donc constitué d’un site de conservation, d’une collection qui y est entreposée et d’un catalogue des pièces constituant ladite collection.

Pour simplifier, une bande dessinée (au sens large), mais aussi une revue en lien avec la BD peuvent entrer dans le domaine public mobilier et ainsi devenir un bien d’intérêt national à partir du moment où ledit l’objet a rejoint le fonds de la Cité. Pour cela, il n’est pas nécessaire d’être rare ou précieux, il suffit que l’ouvrage présente un « intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique ». Du coup, cela a permis d’inclure les livres et périodiques collectés au titre du dépôt légal et qui ont été envoyés à Angoulême par la BnF entre 1984 et 2015. Mais aussi ceux obtenus par différents dons (par exemple les fonds « Alain Saint-Ogan » ou « Pierre Couperie » mais il y a d’autres donations) ou à l’occasion de divers achats. Notons que la Cité n’est pas destinataire, pour les bandes dessinées, du dépôt légal imprimeur de la région Nouvelle Aquitaine (pour l’ex-région Poitou-Charentes, c’est la bibliothèque municipale de Poitiers qui est concernée), ce qui aurait été une source permettant d’alimenter le fonds de quelques nouveautés locales.

En fait, l’idée de mettre en place à Angoulême un fonds dédié à la BD s’est concrétisée il y a une quarantaine d’années avec la réception d’un des exemplaires du dépôt légal de la BnF, bien avant la création de la Cité. Cette dernière est ainsi l’héritière de la bibliothèque municipale d’Angoulême, première récipiendaire de ce fonds. Celui-ci a donc commencé à être constitué en 1984 et a été transféré à la bibliothèque du CNBDI en 1990. Un des exemplaires du dépôt légal a cessé d’être envoyé par la BnF en 2015, coupant alors la principale source d’alimentation du fonds. C’est en tout plus de 60 000 ouvrages qui ont été reçus par ce biais et qui sont archivés dans les rayonnages dédiés. Heureusement, la Cité avait et a toujours d’autres possibilités d’acquisition. Par exemple, en 2021, un don de plus 30 000 ouvrages est venu enrichir le fonds des imprimés : une collection privée qu’il faut désormais répertorier et dédoublonner avec l’existant, puis archiver et cataloguer, ce qui représente un travail considérable mais passionnant.

La visite du fonds des imprimés

Après avoir été reçus dans les bureaux du centre de documentation par Pauline Petesch, Lisa Portejoie et Maël Rannou, et après avoir eu une présentation des différentes missions de la division « lecture publique et transmissions » de la Cité, notamment celle de proposer un espace de consultation du fonds des imprimés aux chercheuses, chercheurs, et autres spécialistes de la BD, nous avons pu entrer dans le vif du sujet. Les réserves sont accessibles par de longs couloirs sans fenêtre agrémentés de figures bédéesques illustres en grand format, des formes imprimées récupérées, j’imagine, à l’issue de telle ou telle exposition organisée par le CNBDI puis par la Cité.

Il y a nombre époustouflant d’étagères montées sur rail (on appelle ça des rayonnages mobiles haute densité) sur lesquelles sont entreposées de grandes quantités de livres qui sont rangés par taille (petits, moyens ou grands formats) puis par ordre de catalogage, ce qui tranche avec les collections amateures qui vont privilégier un classement par série, auteur, éditeur, etc. En effet, il n’est pas possible d’avoir une telle approche pour un fonds car il est impossible de ré-agencer en permanence les BD ou d’essayer de garder différents espaces libres pour les futures parutions. Cela donne un effet très disparate mais l’efficacité prime ici sur l’esthétisme, d’autant plus que le lieu est fermé au public. Malgré leur solidité apparente, certaines étagères ploient légèrement sous la charge qui leur est imposée. Car oui, c’est lourd, la bande dessinée…

L’archivage des périodiques est différent de celui des livres, du fait de leur finesse et de leur fragilité. Les magazines, revues, journaux sont regroupés chronologiquement dans de larges chemises boites plastiques. Cela rend le fonds moins impressionnant car nous ne pouvons pas faire un parallèle avec nos propres collections de BD rangées dans nos bibliothèques personnelles. Pour avoir une meilleure vision du fonds des imprimés, dix-huit autres photos sont disponibles sur le mini-site Des Mangaversien·ne·s à Angoulême réalisé à l’occasion du reportage photographique sur l’édition 2023 du fameux festival de la bande dessinée angoumoisin.

Quelques trésors du fonds des imprimés

La visite se termine traditionnellement (il est possible de la faire lors des journées européennes du patrimoine) par la présentation de quelques pièces intéressantes que le fonds préserve et propose pour étude aux chercheuses et chercheurs dans le domaine de la bande dessinées.

Parmi les trésors du fonds des imprimés, outre une édition très ancienne des Aventures de M. Jabot de Töpffer (les premières impressions de l’imprimerie Caillet à Genève datent de 1833), nous avons pu voir le numéro 1 du Journal de Mickey (le vrai, pas le facsimilé que j’ai pu avoir avec différentes éditions commémoratives) mais aussi le mythique numéro 296 imprimé mais jamais distribué du fait de l’arrivée de l’armée allemande à Paris quelques jours avant le 16 juin 1940 (date de sortie prévue du fameux illustré).

Il y avait aussi une reliure éditeur de plusieurs numéros du magazine d’arts martiaux Budo Magazine Europe contenant un des premiers mangas en français connu (avant la revue Le Cri qui tue, donc) : « La dramatique histoire budo du samouraï Shinsaburo » de Hiroshi Hirata (non crédité), un récit publié en octobre 1969 (une autre histoire du mangaka a été publiée un peu avant dans le numéro de mai 1969 de la revue Judo KDK du même éditeur). Le fonds des imprimés possède aussi une curiosité : une sorte de recueil / catalogue promotionnel d’histoires traduites en français d’Osamu Tezuka réalisé en 1984. Il faudrait étudier les raisons de son existence, mais je suis persuadé qu’il a été réalisé par Atoss Takemoto car il était au festival d’Angoulême en 1984 pour essayer de « fourguer » du manga aux éditeurs francophones, après l’arrêt du Cri qui tue. En effet, s’il jouait avec son orchestre des génériques d’animés pendant le festival, il essayait aussi cette année-là de devenir l’agent d’auteurs comme Tatsumi ou Tezuka. Il est difficile de poser la question aux personnes concernées, malheureusement…

Nous avons aussi pu voir le prototype du premier numéro de Métal Hurlant, maquetté en 1974 par Étienne Robial (qui a aussi conçu l’identité visuelle de la Cité). Il s’agit d’un ozalid collé sur les pages d’un numéro de Charlie Mensuel (le n° 71 de décembre 1974). Ce montage permettait de se faire une idée précise de la maquette de ce numéro 1 (sorti en janvier 1975) avant de donner le bon à tirer à l’imprimeur.

Le fonds possède aussi de nombreuses bandes dessinées étrangères, ce qui permet de comparer des éditions selon les pays. C’est ainsi que des différences de format et même de contenu peuvent apparaitre, comme nous le montre une rapide comparaison entre les éditions canadienne (celle en langue anglaise), belge et allemande des Aventures : Planches à la première personne de Jimmy Beaulieu. Il est aussi montré la richesse du fonds en bandes dessinées asiatiques, que ce soient des titres en français reçus du dépôt légal ou des dons, notamment des délégations coréennes, hongkongaises ou taïwanaises, régulièrement présentes au festival d’Angoulême.

Il ne nous restera plus qu’à essayer de visiter les réserves du musée de la bande dessinée à l’occasion d’une prochaine édition du FIBD pour compléter le présent texte par un nouveau billet. Ce serait surtout l’occasion de pouvoir admirer de nombreuses planches originales, nous qui faisons régulièrement des expo-ventes dans les différentes galeries parisiennes spécialisées. N’oubliez pas, pour compléter cet article, d’aller lire le reportage réalisé par Damien Canteau pour le site Comixtrip.

Je remercie Pauline Petesch, Lisa Portejoie et Maël Rannou pour leur invitation, la qualité de leurs explications et leur amabilité. Elles et lui nous ont permis de passer un moment privilégié au « saint des saints » des chais Magelis. Je remercie à nouveau Maël Rannou pour ses corrections et précisions ainsi que Manuka pour sa relecture et ses corrrections. Les photos sont © 2010-2023 Hervé Brient / Éditions H sauf, bien entendu, les deux premières représentant les usines Weiller puis COFPA.