Angoulême, la cinquantième !

La conférence de presse de la cinquantième édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a eu lieu ce lundi 28 novembre. Cette année, elle était située à la BNF Richelieu, dans la salle Ovale, nouvellement rouverte au public et proposant plusieurs milliers de BD dont de nombreux mangas. Impressionnant !

Depuis la réunion éditeur du mois de septembre, votre serviteur fait le grognon et critique le choix des expositions mangas qui n’ont pas l’heur de lui plaire. Et ce ne sont pas les horribles affiches et le flou sur le programme qui ont arrangé son humeur. Il faut dire qu’assistant au raout de fin janvier depuis 2004, il lui est difficile de ne pas se dire que c’était mieux avant alors qu’on a là une édition anniversaire.

C’est ça de devenir un vieux con blasé 😊… Cela ne m’empêchera pas de présenter un nouveau mini-site « Des Mangaversien·ne·s à Angoulême » !

La magie d’Angoulême a réussi à agir une fois de plus lors de cette conférence de presse (j’y vais depuis 2009). Est-ce le plaisir de retrouver quelques connaissances du monde de l’édition et de la presse spécialisée ? Est-ce le lieu chargé d’histoire et de livres qui a été choisi pour l’événement ? Quoi qu’il en soit, me voilà regonflé pour aller passer quelques jours dans la ville française de la BD fin janvier. Mais voyons plus en détail ce qui nous est présenté.

2023, une édition tournée vers la jeunesse et le futur.

Celles et ceux qui me connaissent savent mon amour pour les enfants et les réseaux sociaux : je déteste les uns comme les autres, ha ha ! Alors, voir que le festival développe de plus en plus son offre en direction de la jeunesse et sur Internet ne m’enchante pas plus que cela. Néanmoins, il faut reconnaître que c’est une évolution normale et souhaitable. Pfff, il va donc falloir que j’apprenne à utiliser Twitch ou Tik Tok (argl). Le festival ne voudrait pas plutôt aller sur Discord ? Au moins, j’y suis présent. Comme l’a fait remarquer (plus diplomatiquement que les propos suivants qui n’engagent que moi) Franck Bondoux, le directeur délégué du festival, il faut s’ouvrir au futur, ne pas regarder le passé (c’est pour cela qu’il n’y aura pas d’exposition rétrospective sur les 50 éditions du festival) et dépasser la BD « à papa » lue par les quinquas (et plus) qui sont, pour certains, incapables de lire autre chose que les séries de leur enfance. Le web est appelé à dépasser le papier, du moins auprès des jeunes. D’ailleurs, concernant le Quartier Jeunesse, je suis assez intéressé par l’exposition qui sera dédiée à la scénariste Marguerite Abouet, même si je n’ai rien lu de l’autrice. Et je me souviens d’y avoir vu une excellente exposition dédiée à Tom-Tom et Nana de Bernadette Després. Le Quartier Jeunesse aura encore un peu plus de place que les années précédentes, toujours aux Chais.

Du manga, beaucoup de manga

Les jeunes lisant du manga, la bande dessinée japonaise va aussi bénéficier d’un effort pour offrir un espace plus grand et plus attractif. Situé dans des bulles hors du plateau d’Angoulême depuis quelques années, le Quartier Manga va investir la Halle 57, un vieux bâtiment de la SNCF situé à côté de la médiathèque l’Alpha, bâtiment qui devait être détruit et qui va devenir un nouvel espace en dur pour le festival. Cela faisait quelques années qu’on en parlait, ça va devenir une réalité en 2023. C’est ainsi 3800 m² (nettement plus que la bulle située rue Coulomb) qui pourront être proposés aux fans de manga. Les éditeurs auront ainsi de la place pour s’installer. Un habillage rappelant les villes asiatiques (Tokyo, Séoul, Taipei) mettra les festivaliers en conditions pour le futur Manga City des prochaines années (une fois la réfection de la Halle 57 totalement achevée). Nous aurons ainsi le plaisir de retrouver Akata, Des Bulles dans l’océan, Glénat, IMHO, Hong-Kong, Kana, Makma, naBan, Nazca, Pika, Taïwan, etc. Il y aura même un stand Passe Culture, ça va faire hurler quelques grincheux sur un certain forum BD de référence, ha ha !

Trois expositions manga sont annoncées. Il y aura au Musée d’Angoulême Ryōichi Ikegami. À corps perdus, exposition dont je me fiche totalement tant l’auteur ne m’a jamais intéressé, même à mes débuts de lecteur de manga. Le seul point qui peut sauver cette exposition patrimoniale, à mes yeux, est que les commissaires devraient arriver à faire quelque chose d’instructif sur un auteur has been qui n’intéresse plus grand-monde, à part Fausto, le responsable de la programmation Asie. Oui, je suis toujours remonté envers un tel choix… Un catalogue sera proposé mais je ne pense pas l’acheter.

Nous pourrons voir (je ne dis pas admirer) le travail de Junji Ito au sous-sol de l’Espace Franquin (en salle Iribe, donc) avec l’exposition Junji Itō, Dans l’antre du délire. Moi, ça ne me fait pas délirer mais il faut reconnaître que grâce à l’éditeur Mangestu, l’auteur est à la mode actuellement et il mérite amplement une présentation de son travail. De plus, c’est un fidèle du festival. On nous promet une exposition immersive. Nous verrons bien sur place mais je dois avouer que ma curiosité est titillée…

La grosse exposition du festival sera L’Attaque des Titans, de l’ombre à la lumière. Située à la médiathèque l’Alfa, elle devrait être du niveau de l’inoubliable exposition Batman 80 ans de 2019. Dans un décor immersif, 150 planches originales couvrant l’intégralité de la série nous serons proposées. D’ailleurs, étant donné son coût, l’exposition sera payante : il faudra ajouter 10 euros au passe festivalier et elle ne sera ouverte aux professionnels qu’uniquement le mercredi. Il sera toutefois possible d’acheter un billet seul s’il reste de la place (en toute fin de journée, j’imagine) lors des autres journées. Le souci est que je ne prévois pas d’être au festival dès mercredi, ce qui ne me traumatise pas, même si j’aimais bien le titre (mais pas au point de l’acheter).

Sauf contretemps, les trois auteurs concernés par les expositions viendront du Japon et honoreront le festival de leur présence. Il y aura vraisemblablement quelques autres mangaka invité·e·s par différents éditeurs. N’oublions pas la remise du prix Konishi qui récompense le travail d’une traductrice ou d’un traducteur de manga. Sylvain Chollet sera-t-il enfin récompensé ?

De la Franco-Belge, oui, du Comics, non

Les fans de bande dessinée américaine risquent d’être déçus. Aucune exposition sur la création américaine n’est prévue, ni aucun espace dédié : ce sera « passez, il n’y a rien à voir ». Le Canada sera présent grâce à un stand (Pow Pow aussi) dans la bulle du Nouveau Monde. Une exposition dédiée à Julie Doucet, Grand Prix 2022, se tiendra à l’Hôtel Saint-Simon. Il faudra se tourner vers les éditeurs dédiés comme Urban Comics (Panini semble devoir être absent), 404 Comics, Delirium, Komics Initiative, etc. pour pouvoir se prendre une dose d’amerloqueries. Pour ce qui est des invité·e·s en Rencontres Internationales, il est trop tôt pour savoir qui sera présent·e.

La bande dessinée franco-belge va surtout être représentée par l’exposition Les 6 Voyages De Philippe Druillet. Il y aura deux lieux : le Musée d’Angoulême et la chapelle voisine. Je n’aime pas Druillet mais cela pourrait être intéressant. Un catalogue va être proposé et je prévois de l’acheter de suite, afin de ne pas connaître la mésaventure du catalogue dédié à Corben en 2020. Il y aura aussi Dans les yeux de Bastien Vivès au Musée du Papier, mais là, ça sera sans moi. J’espère que l’exposition Couleurs ! sera intéressante. En tout cas, il y aura pour cela de l’espace car située au rez-de-chaussée du bâtiment Castro, pardon, au Vaisseaux Mœbius (c’est à ce détail qu’on voit les vieux festivaliers). Le métier de coloriste a trop longtemps été ignoré malgré son importance. Certainement parce qu’il était essentiellement exercé par des « bonnes femmes ». Au fait, les scénographes, pensez à mettre un peu de lumière, par comme les années précédentes, hein !  Toujours au Vaisseau Mœbius, mais à l’étage, nous aurons Elle résiste, elles résistent, exposition dédiée à Madeleine, Résistante : la rose dégoupillée, de Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud au scénario et Dominique Bertail au dessin.

Et le reste…

Au rez-de-chaussée de l’Espace Franquin, il sera possible d’admirer 50 regards d’autrices et d’auteurs (dont Derf Backderf, Ino Asano, Florence Dupré la Tour, Tom Gauld, Léa Murawiec, Naoki Urasawa) sur les 50 ans du festival. Intéressant… Un portfolio à 150 € sera même proposé aux plus fortunés d’entre nous. Les amateurs de planches originales et d’illustrations devraient trouver leur bonheur à la nouvelle Place du 9e art. Les autres bulles devraient être reconduites dans une configuration proche de l’édition 2022. Le Spin Off sera à nouveau aux Ateliers Magelis, le Pavillon Jeunes talents au NIL (avec l’exposition Worldwide Comics Explosion présentant dix autrices et auteurs de demain), il y aura un concert dessiné au Théâtre avec Ana Carla Maza et Aude Picault (dont on avait pu apprécier une exposition en 2022), des masterclass (celle de Hajime Isayama est déjà complète), des rencontres Internationales, et d’autres sous le patronage de Télérama ou du Point, des conférences au Conservatoire (vais-je en proposer une ? cela va dépendre du responsable, s’il veut de moi), etc. etc. Il y aura aussi les animations de la CIBDI, avec une exposition dédiée à Fabcaro, entre autres. Stay Tuned, comme on dit…

Pulp Festival 2022, dernière ?

La septième édition du Pulp Festival (il a été annulé en 2020 et 2021) s’est déroulée du 8 au 10 avril avec Lorenzo Mattoti en tête d’affiche. Ce samedi 9 avril, en achetant nos pass expos pour le Pulp Festival, nous avons appris que cela devrait être la dernière édition, Vincent Eches, l’ancien ancien directeur général de la Ferme du Buisson et créateur du Pulp Festival, ayant été nommé directeur général de la Cité Internationale de la Bande dessinée et de l’Image d’Angoulême. Voilà une nouvelle qui nous attriste fortement, ayant pris plaisir à aller tous les ans à Noisiel pour y voir les expositions proposées, et ce, depuis la première édition en 2014. D’ailleurs, la manifestation a fait l’objet d’un billet sur le présent blog et deux mini-sites, un en 2015 et un autre en 2017. Pour cette possible dernière, voici un retour sur les principales expositions qui étaient proposées au public (et qui sont visibles jusqu’à mi-mai).

Mais qu’est-ce que le Pulp Festival ?

La Ferme du Buisson a été créée sur les bases d’une ferme centenaire à la fin du 19e siècle par la famille Meunier, des industriels du chocolat du même nom, qui installent leur chocolaterie dans les années 1850. La ferme est là pour produire des ingrédients nécessaires aux usines, comme le lait, et sert aussi de centre de recherche. En 1960, à la faillite de l’entreprise Meunier, la ferme est rachetée par l’EPA de Marne-la-Vallée pour en faire un centre d’art et de culture qui se met en place durant les années 1970-1980. Depuis 1990, la Ferme du Buisson est une scène nationale à laquelle se sont rattachés par la suite un centre d’art et un cinéma. Lieu d’exposition d’art contemporain et de création, notamment de spectacles relevant des arts du vivant, la Ferme du Buisson organise au fil des années 2000 des événements culturels comme le festival Temps d’images avec la participation d’Arte.

Durant les années 2010, sous l’impulsion de Vincent Eches (arrivé en 2011), la Ferme du Buisson se tourne vers la bande dessinée en lui apportant une vision pluridisciplinaire. Pour cela, l’établissement propose des créations originales mélangeant spectacle du vivant, musique et BD, ainsi que des expositions thématiques qui cherchent à dépasser la simple présentation de planches (souvent prêtées par MEL). Le départ de son directeur vers de nouveaux horizons alors qu’il portait à bout de bras l’organisation du Pulp Festival ouvre donc une période d’incertitudes pour 2023 : aurons-nous une huitième édition ? La Ferme du Buisson pourrait bien se tourner vers d’autres horizons plus en adéquation avec les goûts de la future direction.

Une programmation classique

Comme en 2019, la programmation est organisées autour de deux pôles : les expositions et les spectacles. Les chasseurs de dédicaces ne peuvent pas trouver leur bonheur car les quelques autrices et auteurs sont là avant tout pour discuter de leur art (mais à cette occasion, il y a parfois une petite séance organisée au sein la librairie éphémère). À une seule occasion nous avons assisté à un spectacle, en 2017. C’était de l’art du vivant contemporain, c’était donc très spécial et cela n’a pas eu l’heur de nous plaire, même si c’était une expérience à faire. Nous nous concentrons donc sur les expositions qui sont principalement situées dans quatre lieux : la Piscine, La Halle, l’Abreuvoir et les Écuries (les spectacles sont souvent donnés au Théâtre, au Studio et au Caravansérail). La Médiathèque participe aussi en proposant une mini-exposition et il y a parfois quelque chose à voir au Grenier. Cette année, le Caravansérail est transformé en lieu d’exposition, celle consacrée à Andy Warhol et c’est tant mieux pour nous.

La Halle : Lorenzo Mattotti — Obsessions

Mattotti ! Voilà un auteur que notre trio de mangaversien·ne·s connaissait seulement de nom et de réputation, sans plus. L’occasion était donc belle de mieux connaitre l’Italien par le biais de son travail d’illustrateur et de peintre. Principale exposition de cette édition, il faut reconnaître qu’elle valait le déplacement à Noisiel. Lorenzo Mattotti (représenté par la Galerie Martel) est un auteur de bande dessinée parfait pour le Pulp Festival : il est pluridisciplinaire. Il faut dire qu’avec une carrière de presque cinquante années, il a eu le temps d’explorer différentes voies artistiques. La présente exposition est organisée avec MEL Publisher et FEHL. Il faut dire que Michel-Edouard semble être fan de l’artiste depuis longtemps. Présentant souvent de nombreuses variations sur un même sujet, les peintures et dessins exposées sont superbes. Néanmoins, il faudrait aussi pouvoir voir ses bandes dessinées car ce n’est pas ça qui manque dans la bibliographie de Mattotti. Malheureusement, aucune planche n’est proposée, ce qui occulte cette facette de l’artiste. Par contre, son côté obsessionnel est très bien rendu avec une douzaine de thèmes : l’élégance, l’énergie, l’immensité, l’onirisme, l’aliénation, l’intimité, la solitude, les visages, les paysages, les forêts, le clair-obscur et les métamorphoses. La variété des techniques et des styles, la virtuosité de l’artiste sont tout simplement impressionnantes.

L’Abreuvoir : Catel et Bocquet — Alice Guy, l’étoile oubliée

Après un passage rapide à la médiathèque pour s’apercevoir que les quelques reproductions de Coming In et l’espace Réalité virtuelle ne présentaient que peu d’intérêt, nous voilà en train d’assister à la projection de plusieurs films d’Alice Guy (la plupart de ses réalisations ont été perdues, mais certains films ont survécu dont sa première œuvre) sonorisés par un véritable pianiste, comme à l’époque du cinéma muet. L’exposition est à l’image de la bande dessinée : une forme plan-plan mise au service d’un propos intéressant. En effet, la série de biographies de Catel et Bocquet mettant un coup de projecteurs sur certaines (plus ou moins) oubliées de l’Histoire de France a comme but une lisibilité maximum pour un public peu habitué aux bandes dessinées. Celle consacrée à Alice Guy ne fait pas exception, ce qui n’empêche pas de l’apprécier. Une fois de plus, l’injustice historique faite aux femmes est démontrée, Alice Guy devrait être aussi connue que les Frères Lumière ou Georges Méliès. L’exposition bénéficie d’une jolie scénographie avec de grands panneaux séparant trois grandes zones, une consacrée aux débuts du cinéma avec la reproduction d’une petite salle de projection à l’époque du muet, une deuxième se focalisant sur Alice Guy et la troisième sur les sources iconographiques de Catel.

Le Caravansérail : Typex — Andy Warhol : I’ll Be Your Mirror

Andy Warhol est un artiste (peintre et plasticien) fondamental du Pop art américain et il n’est plus besoin de le présenter. Néanmoins, il a aussi joué un rôle important dans le développement des arts populaires, notamment dans la promotion de la culture hip-hop. Sa capacité à baigner à la fois dans les milieux underground et VIP l’ont placé au centre de la culture américaine durant les années 1960 et 1970. Typex est un auteur hollandais qui a réalisé pendant cinq ans une biographie de Warhol en BD, en adaptant son graphisme et sa narration aux différentes périodes artistiques de l’Américain. Le résultat est exposé ici sous la forme d’extraits (planches originales et reproductions) de l’ouvrage Andy. Un conte de faits disponible chez Casterman. Cette exposition a été créée pour les Rencontres du 9e art d’Aix-en-Provence et aurait dû être proposée en 2020 au Pulp Festival. Covid oblige, il a fallu attendre deux années supplémentaires pour l’avoir ici. Entre-temps, elle a été proposée au Grand Curtius à Liège. Elle est effectivement ludique (on peut entrer sous les applaudissements des artistes et du public), intéressante, esthétique et variée. Il ne reste plus qu’à lire les plus de 560 pages du livre pour se plonger dans une période de bouleversements artistiques aux USA…

La Piscine : Femzine

Habituellement, nous commençons notre visite à la Piscine, cette année n’a pas fait exception. Si ce n’est pas la plus belle des expositions, c’est la plus instructive. Située sur deux étages dans un petit bâtiment situé proche du Théâtre où nous achetons nos billets, Femzine est consacrée à la presse de bande dessinée féminine (et surtout féministe). Après être passé sous un énorme clitoris gonflable rose (et éventuellement mangé une petite confiserie en forme du fameux organe érectile féminin), nous pouvons aller à l’étage où, notamment, Wimmen Comix (une intégrale est sortie en version française), Julie Doucet (Grand Prix du FIBD 2022), l’éphémère revue Ah!Nana sont mises en avant. Une partie importante de l’étage est consacrée à quelques créations et fanzines francophones féministes actuels, étant donné l’absence de publications professionnelles. Neuf autrices (dont Chantal Montellier, Ulli Lust, Florence Dupré-Latour, Fanny Michaélis) ont réalisé autant de couvertures d’un Ah!Nana qui continuerait à paraitre si la censure n’avait pas injustement frappé en 1978. Le retour au rez-de-chaussée permet de trouver un incubazine où visiteuses et visiteurs peuvent participer en réalisant des illustrations. Une petite bibliothèque propose de consulter ouvrages et fanzines féministes. Voilà une exposition intéressante, instructive et édifiante.

Une fois de plus, le Pulp Festival a permis d’apprécier sous diverses formes la bande dessinée durant un après-midi. Il ne reste plus qu’à espérer que la nouvelle direction voudra bien reprendre le flambeau et s’attaquer au fardeau de la lourde organisation d’un festival de bande dessinée qui a su trouver sa place dans notre agenda parisien.

Expositions, un (petit) bilan

Après deux années quelques peu contrariées en matière de sorties (plus ou moins) culturelles, voici un petit bilan couvrant les années 2020 et 2021. En effet, entre fermetures sanitaires, jauges et annulations de manifestations liées à la bande dessinée, j’ai retrouvé un rythme similaire à celui d’il y a une dizaine d’années. En effet, avec 12 expositions (sur 6 sites) en 2020 et 12 (sur 10 sites) en 2021, je suis bien loin des 44 expositions (sur 26 sites) visitées en 2019. Cependant, au delà de la quantité, c’est le changement concernant les lieux qui me semble le plus marquant.

Ces deux dernières années ont donc été un peu particulières en matière de visites d’expositions. Il faut dire que les différents confinements et les règles sanitaires mises en place sont à l’origine d’un très net ralentissement de cette activité principalement dominicale. Si la chute de 2020 s’explique par les confinements successifs et les fermetures des musées pendant de longues périodes, l’absence de reprise en 2021 s’explique surtout par une habitude perdue et la nécessité de réserver sa visite, ce qui est une contrainte lorsqu’on ne sait pas si on pourra être présent ou non le jour J. La fermeture du Grand Palais pour de longs travaux de rénovation, une de nos destinations principales, et l’annulation du FIBD d’Angoulême de 2020 n’ont rien arrangé.

Sur la douzaine d’expositions vues en 2020 et 2021, il est intéressant de voir un changement concernant la typologie des lieux. Alors que les musées avaient nos préférences jusqu’à fin 2019 et même début 2020, ce sont les galeries et les bibliothèques qui sont dorénavant privilégiées, généralement le samedi après-midi et non plus le dimanche matin. Surtout, nous nous sommes essentiellement recentrés sur la bande dessinée. Néanmoins, l’année 2022 devrait permettre de reprendre des habitudes perdues avec, pour commencer, La Collection Morozov à la Fondation Vuitton, et une visite prévue pour la mi-février. Ensuite, le FIBD d’Angoulême (qui aura exceptionnellement lieu en mars) devrait relancer « la machine » pour le reste de l’année. En attendant, voici un petit retour sur ces deux dernières années :

2021 : 12 = 5 en galerie – 4 en bibliothèque – 3 en musée et assimilé
2020 : 12 = 1 en galerie – 3 en bibliothèque – 8 en musée et assimilé
Pour rappel :
2019 : 44 = 0 en galerie – 2 en bibliothèque – 51 en musée et assimilé

2020

L’année 2020 commence sur un rythme élevé. De ces deux premiers mois, je retiens surtout Gemito (1852-1929) – Le sculpteur de l’âme napolitaine au Petit Palais dont les sculptures et dessins sont impressionnants de maitrise. Le Festival d’Angoulême (et ses nombreuses expositions) permet, entre autres, de mieux connaître l’œuvre de Wallace Wood et de Calvo (malgré les défauts de scénographie de cette dernière). Puis c’est l’occasion de découvrir un nouvel espace d’exposition à Paris avec l’Institut Giacometti et Giacometti / Sade – Cruels objets du désir. Intéressant. Le mois de mars débute bien avec les planches surréalistes de David B. à la galerie Anne Barrault puis… plus rien. C’est le confinement, c’est la fermeture des espaces culturels. Ce ne sont pas les expositions peu intéressantes, à l’exception de Miniatures. Le disque pour enfants en France (1950 → 1990), proposées par la Médiathèque Françoise Sagan dans le cadre de Formula Bula, festival annulé pour cause de rechute Covid généralisée, qui relèvent un bien pauvre bilan 2020.

2021

En 2021, le rythme n’augmente pas. Si les espaces culturels sont ouverts, les habitudes sont perdues, des réticences à passer de longs moments dans des espaces confinés et les jauges nécessitant des réservations préalables, sans oublier l’annulation du Festival d’Angoulême font qu’il faut attendre l’été pour retrouver le chemin des cimaises. Cela commence doucement à Compiègne avec À la lumière du soleil levant (car j’y suis un des intervenants), puis c’est Uderzo, comme une potion magique au Musée Maillol qui marque réellement cette reprise. Si l’exposition est un peu trop hagiographique (quelle surprise…), elle permet de se rappeler qu’Albert Uderzo était un dessinateur extrêmement doué. S’ensuit Elles font l’abstraction au Centre Pompidou. La manifestation est intéressante du point de vue de l’histoire de l’Art (et de l’effacement des femmes), il y a des pièces vraiment fascinantes, mais elle se révèle un peu trop répétitive et finalement un peu gavante. Cependant, le retour du Covid entraine un nouvel arrêt des expositions du dimanche, ce que ne compensent pas les quelques visites de galeries souvent peu intéressantes ou instructives. Au moins, elles sont gratuites. Pourtant, voir des planches originales de Jean-Claude Mézières à la Galerie du 9ème art ou de José Roosevelt (et de revoir l’auteur à cette occasion) à la galerie Achetez de l’Art est un réel plaisir. Néanmoins, cela fait peu à l’arrivée pour un bilan… Allez, on y croit pour 2022 même si janvier est parti pour un zéro pointé !

La reprise des expositions : Uderzo

Après une longue interruption de plus d’une année, à l’exception de Formula Bula 2020 (événement annulé au tout dernier moment mais les expositions présentées à la médiathèque Françoise Sagan avaient été maintenues), nous voici repartis pour une nouvelle campagne d’expositions. Après un tour de chauffe à Compiègne pour « À la lumière du soleil levant », et avant « Elles font l’abstraction » à Beaubourg, nous avons enfin repris le chemin des musées en allant voir « Uderzo, comme une potion magique », retrouvant un de nos passe-temps favoris. Voici donc un petit compte-rendu photographique de cette exposition, un peu décevante car un peu trop grand public, mais qui vaut cependant quand même le coup de faire l’effort de se plier aux contraintes sanitaires actuelles (au moins, il n’y avait pas foule grâce au passe sanitaire).

Sur une scénographie très classique mais efficace (organisation chronologique et accrochages sans beaucoup de fioritures), aux cartels assez pauvres en contenu technique et historique mais ayant (comme très souvent) la fâcheuse tendances à l’hagiographie. La première partie, la plus intéressante, nous présente la jeunesse d’Uderzo, rendue difficile par les fascistes puis les nazis (mais moins que pour Goscinny et surtout pour Gotlib qui étaient tous deux Juifs). Les premiers dessins du jeune Français (il a obtenu la naturalisation à ses 7 ans) sont présents en nombre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est impressionnant. Il est regrettable que cette partie couvrant de l’année 1935 (Uderzo à 8 ans) aux années 1947-1948 (avec les réels débuts professionnels de l’auteur à 19 ans puis son départ pour le service militaire) soit principalement cantonnée à une enfilade de petites pièces permettant d’accéder aux deux principaux espaces du premier étage. Elle aurait peut-être mérité un meilleur traitement et de meilleurs développements. Pour les avoir, il est nécessaire de lire le catalogue de l’exposition.

Au début des années 1950, après un court passage dans la presse chez France-Dimanche en tant que dessinateur-reporter, Uderzo relance sa carrière d’auteur de bande dessinée. Son aisance dans un registre extrêmement réaliste ou dans un registre comic strip est tout simplement bluffante. Cette maitrise du dessin lui permet de s’exprimer aussi bien dans des séries comiques que dans des aventures au dessin réaliste, ce qui se retrouvera quelques années plus tard dans le magasine Pilote avec les séries Tanguy et Laverdure et Astérix. Ses rencontres avec Jean-Michel Charlier puis surtout avec René Goscinny permettent enfin au brillant dessinateur qu’est Uderzo d’avoir des scénarios au niveau de ses qualités graphiques. Jehan Pistolet, Sa Majesté Mon Mari et Luc Junior en sont de beaux exemples. L’exposition permet d’admirer un certain nombre de planches de cette période mais on aurait aimé une meilleure mise en perspective et éventuellement un rappel des auteurs majeurs de la bande dessinée franco-belge perçant au même moment. Pour cela, il faut lire le numéro spécial de BeauxArts Magazine consacré à Uderzo et sorti à l’occasion de cette exposition.

Pour ma part, j’ai trouvé qu’il y a trop de place donnée à Oumpah-Pah, surtout comparé à Tanguy et à son compère Laverdure : Les Chevaliers du ciel. Il faut dire que le premier titre ne m’a jamais intéressé alors que j’ai été très rapidement fan des aventures des deux pilotes de chasse de l’armée française. Pourtant, même si la scénographie de la partie consacrée à Oumpah-Pah est un peu foutraque, il faut reconnaître que les planches proposées donnent envie de découvrir la série. Je parle de la version parue entre 1958 et 1962, la première tentative est trop malhabile. De plus, elle est mal présentée, pouvant créer une confusion dans l’esprit de certaines personnes à l’esprit un peu endormis par la digestion du repas de midi. Le journal Pilote est insuffisamment mis en avant. Il faut dire que Uderzo, même en étant un des piliers et un des membres fondateurs, n’y avait pas l’importance de Goscinny. En effet, il était débordé de travail, ayant à fournir chaque semaine les planches de deux séries à succès. L’importance de son frère, Marcel, dans la réalisation des planches de Tanguy et Laverdure, aurait pu être signalée. Mais que voulez-vous, il ne faut pas faire de l’ombre au sujet principal de l’exposition.

La dernière partie de l’exposition (située au RDC) est principalement consacrée au petit gaulois et son ami un peu enveloppé. Les planches sont magnifiques, on perçoit bien le soucis du détail, la recherche de la précision dans le dessin. Les planches, les cases, les traits… Tout est superbe. Pourtant, le fait qu’Uderzo pouvait de moins en moins encrer lui même ses planches à partir des années 1980, qu’il faisait de plus en plus appel pour cette tâche à son frère Marcel puis à Frédéric Mébarki (qui est crédité à partir du tome 29) est à peine évoquée au détour d’un cartel. S’il avait été en plus précisé que Marcel n’a jamais été crédité pour son travail, qu’il n’a pas touché de droits d’auteur, on aurait pu penser méchamment qu’Albert était quant même un peu rat, n’est-ce pas ? Et on ne peut pas reprocher à l’exposition de passer sous silence que la majeure partie des albums qu’Uderzo a réalisé seul après la mort de Goscinny sont au mieux moyens, au pire mauvais (voire très mauvais). De toute façon, ça se vendait toujours autant (ou presque).

Le mur des éditions étrangères des Aventures d’Astérix est impressionnant, la maquette du village gaulois est amusante. Néanmoins, le meilleur est ce superbe Obélix qui semble un peu perdu parmi toutes ces femmes nues (il a en plus un regard en biais qui semble zieuter discrètement toutes ces formes rebondies). Les dessins hommages ou parodiques sont plaisants à voir, surtout quand on fait attention aux petits détails. Par contre, donner autant d’importance à cette bouse qu’est Le ciel lui tombe sur la tête et oser écrire dans la présentation que les crayonnés sont d’un « niveau inégalé » et d’une « technicité époustouflante » est quelque peu abusé. Ou alors, il aurait fallu ajouter que ça l’était pour quelqu’un qui a connu de nombreux soucis de santé (Uderzo a même survécu à un cancer) et qui était à peine capable de tenir un crayon. Et, oh, surprise ? Je n’ai pas vu un mot sur la reprise de la série Astérix par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad. De toute façon, aussi bien l’exposition que le catalogue sont assez pauvres en informations et, pour cela, il vaut mieux se tourner vers le numéro spécial de BeauxArts Magasine ou d’un très bon article du Monde ou tout simplement vers la fiche dédiée à l’auteur sur Lambiek. Néanmoins, c’est une exposition à ne pas rater pour mieux comprendre le talent d’Uderzo, un des rares dessinateurs à pouvoir à ce point être à l’aise dans des registres graphiques totalement différents.

Vous reprendrez bien un peu de japonisme ?

Japonismes2018

Vous n’êtes pas sans ignorer que l’année 2018 est aussi celle des « japonismes » (il n’y a pas que le football dans la vie). En effet, depuis le mois de juillet, il se déroule (principalement sur Paris) une série d’activités culturelles liées aux 160 années des relations diplomatiques entre la France et le Japon. Bien entendu, ce sont principalement les expositions qui m’intéressent. Elles sont nombreuses et variées, d’autant que celles en relation avec la culture ou la société japonaise ne sont pas toutes rattachées à Japonisme 2018 . D’ailleurs, je n’ai pas attendu cet ensemble de manifestations pour suivre de près celles qui sont en rapport avec le Japon.

Prenant conscience à la mi-aout qu’il y avait trois expositions (dont une seule fait partie du programme) qui allaient se terminer début septembre, je me suis retrouvé à me faire une sorte de grand week-end « japonisme ». C’est ainsi que je suis allé voir « teamLab : Au-delà des limites », « Mangasia, merveilles de la bande dessinée d’Asie » et « Junya Ishigami – Freeing  Architecture », soit une exposition d’art contemporain, une autre de bandes dessinées et, enfin, une d’architecture. Si ce n’est pas de la variété, ça… De plus, il devrait y avoir au programme d’ici la fin de l’année des visites à la MCJP, aux Arts décoratifs, à Guimet et à Branly, sans oublier un petit passage à Beaubourg.

teamLab : Au-delà des limites

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C’est la première exposition de la série, la seule des trois, donc, qui soit réellement rattachée à Japonismes 2018. J’y suis allé surtout pour pouvoir faire des photos sortant un peu de l’ordinaire. Mission réussie même si elles sont assez banales, les plus intéressantes étant quelques portraits de Shermane, que vous ne pourrez pas voir, cette dernière désirant garder un certain anonymat. Seul·e·s quelques privilégié·e·s ont pu voir ces fameux portrait bariolés de couleurs.

En effet, quand je compare mes création aux meilleures photos disponibles sur Instagram, je ne peux constater que, si une grande majorité sont plus mauvaises que les miennes (mais d’un point de vue technique uniquement), il y en a beaucoup qui sont largement plus réussies, tant sur le plan artistique que sur celui de la réalisation (elles n’ont pas dû être prises au smartphone).

À part ça, j’ai quand même trouvé l’exposition trop chère pour ce qui nous était présenté. Il n’y a que sept « salles » et il est nécessaire de rester longtemps dans chaque, d’avoir la patience de voir évoluer les scènes projetées, de réussir à s’immerger dans l’ambiance proposée par les artistes qui ont conçu les installations. Je n’ai eu rien de tout ça et je me suis relativement rapidement ennuyé malgré le côté spectaculaire des vidéo projections. Néanmoins, ça reste une expérience intéressante ; j’ai fait des expositions d’art contemporain qui m’ont bien plus déplu que celle-ci (Cy Twombly, par exemple).

(teamLab : Au-delà des limites à La Grande Halle de la Villette, du 15 mai au 9 septembre 2018)

Mangasia, merveilles de la bande dessinée d’Asie

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Ambiance totalement différente avec l’exposition Mangasia. Certes, j’avais acheté en son temps l’ouvrage éponyme de Paul Gravett (commissaire de la présente manifestation). Cependant, rien ne vaut la possibilité de voir réellement les ouvrages, de pouvoir apprécier leur taille, leur ancienneté, et de profiter d’une certaine mise en ambiance. Pour le coup, il fallait être motivé car il était nécessaire d’aller à Nantes (pour une fois qu’une exposition BD d’importance ne se déroule pas à Paris ou à Angoulême). Heureusement que ma complice de bande dessinée a-yin est toujours partante pour des virées plus ou moins lointaines dès que ça concerne un de ses sujets de prédilection.

Le point fort de cette exposition est la présence de nombreuses bandes dessinées venues de pratiquement toute l’Asie (principalement de l’Est et du Sud-Est, mais aussi du Sud). Il est vraiment intéressant de voir la production thaïlandaise ou philippine (par exemple), totalement ignorée par l’Occident. Si la Corée du Sud était peu présente, il y avait une place assez importante donnée aux Chines (RPC, HK, Taïwan), plutôt dans une perspective historique et il y avait une prépondérance du manga. De ce fait, il y avait un réel déséquilibre entre les différentes nationalités. Toutefois, il est facile de comprendre la raison de cette hégémonie du Japon. Comme j’en ai convenu dans la partie commentaires avec Rémi I., l’auteur d’un billet sur l’exposition, le Japon a phagocyté les marchés BD de toute l’Asie de l’Est et du Sud-Est, les Philippines étant bien le seul pays à rester sous l’influence des comics (au point que la BD s’appelle Komiks, là-bas). Et cette prédominance s’est faite aussi stylistiquement. Il suffit de voir le nombre de « manga-like » produit en Corée du Sud, à Hong-Kong ou à Taïwan (pour parler des marchés que l’on connait le mieux en France par leurs traduction et la présence de ces pays au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême).

De l’exposition « Mangasia », outre un aspect légèrement « foutraque » de l’exposition qui mélangeait assez allégrement les époques et les origines géographiques à l’intérieur de zones thématiques, je retiens surtout une belle diversité, une volonté de laisser une place certaine à la bande dessinée féminine (c’est surtout vrai pour le manga) et une belle section dédiée au sexe dans la bande dessinée asiatique. Ainsi, Paul Gravett n’a pas laissé de côté les représentations érotiques (voire pornographiques) à destination d’un public masculin (hétéro ou homo) ou à destination des femmes (hétéro ou homo, là aussi). Les expositions de BD (ou les articles de presse) ont tendance à oublier les femmes (les homos aussi, sans parler des autres minorités) dès que cela fait sortir d’une vision masculine du sexe. Notons que ce pan de la bande dessinée est très largement absent de l’ouvrage Mangasia.

Sinon, mention spéciale pour les planches d’est em, de Takako Shimura et de bien d’autres qui ont comblé de joie a-yin. Par contre, ça « manquait grave » d’œuvres de Moto Hagio et ça mériterait presque un carton jaune, là… ha ha ! Un autre point très appréciable de l’exposition est la tentative de montrer le manga au-delà de sa forme papier. Si l’évolution vers le net n’est pas très développée (les webtoons coréens, la prépublication en ligne au Japon, etc.), les trois projections d’extraits d’animés et de drama (série en prises de vue réelle), le petit jeu avec un Gundam et la projection de deux reportages tirés de la série Urasawa Naoki no Manben (des rencontres entre Naoki Urasawa et un·e mangaka), surtout celui consacré à Akiko Higashimura, proposent une diversité intéressante.

(Mangasia, merveilles de la bande dessinée d’Asie au Lieu Unique à Nantes, du 30 juin au 16 septembre 2018)

Junya Ishigami – Freeing  Architecture

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Passons à un domaine complètement différent, celui de l’architecture, japonaise en l’occurrence. Ce n’est pas la première fois que nous nous intéressons à l’architecture (il s’agit d’un des beaux-arts après tout). Je me souviens de l’excellente exposition photo « Japon, l’archipel de la maison » à la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris en 2015. Junya Ishigami est un jeune architecte qui a une vision très personnelle de ce à quoi doivent ressembler les bâtiments. Il réussit à allier design et architecture, ce qui donne des résultats assez époustouflants (pratique, je ne sais pas, mais impressionnant, c’est certain).

En règle générale, les expositions de la Fondation Cartier sont intéressantes car sortant souvent des sentiers battus. Il s’agit d’art contemporain loin des « fumisteries » (selon mon point de vue tranché et un peu fermé) que l’on peut voir régulièrement au Palais de Tokyo ou à Beaubourg. Celle-ci ne nous a pas déçus, avec de nombreuses maquettes expliquées par des cartels bien remplis, sans oublier des plans, vidéos ou photos et autres supports visuel. Comme le faisait remarquer manu, un des membres du petit groupe de mangaversiens fans d’exposition, on est cependant en droit de se demander si nombre des œuvres exposées ne risquent pas de rester à l’état de projet. En effet, la plupart ne sont pas achevées et ne semblent même pas être commencées.

La petite salle du sous-sol est parfaite pour s’endormir tant elle est sombre et qu’une des deux vidéos (41 minutes) nous berce de sa voix monotone (une Chinoise parlant un anglais très clair, rendant le sous-titrage en français inutile) et parfaitement soporifique. L’entretien (en japonais, sous-titré en français et en anglais), d’une durée de 21 minutes, passe heureusement nettement mieux. Quoi qu’il en soit, j’ai pu faire des photos intéressantes, malgré la foule (pourtant nous sommes venus tôt un dimanche matin). Voilà qui prouve, s’il le fallait, le succès de l’exposition, succès claironné par la Fondation Cartier, succès valant une prolongation qui nous a permis d’y aller !

(Junya Ishigami – Freeing Architecture à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, du 30 mars au 9 septembre 2018)

L’Art est aussi une question de sensations

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Récemment, sur un même week-end, j’ai eu l’occasion de faire deux expositions qui proposaient une « expérience » totalement différente. En effet, passer de la chaleur (au sens propre comme au sens figuré) asiatique à la froideur slave s’est révélé être un changement assez marquant, notamment sur le plan des perceptions . Pourtant, le sens commun associe plutôt l’art aux émotions et l’on ne s’attend pas à devoir ressentir littéralement des sensations physiques en visitant une exposition. C’est peut-être pour cela que visiter deux expositions aux environnements si opposés m’a permis de mieux comprendre que l’art n’est pas qu’intellectuel ou émotionnel. Certes, des performances ou des installations immersives peuvent chercher à solliciter les sens des spectateurs. De plus, il n’est pas interdit de penser que le commissaire et les scénographes d’Enfers et fantômes d’Asie aient aussi pensé leur manifestation comme devant être immersive et spectaculaire. À l’inverse, l’exposition consacrée à Kupka ne doit-elle pas être à l’image que l’on pourrait se faire de l’artiste, c’est à dire une vision de l’art surtout intellectualisée ?

Enfers et fantômes d’Asie

Musée du quai Branly – Galerie Jardin – Jusqu’au 15 juillet 2018

Aller à Branly un samedi après-midi n’est pas une bonne idée (habituellement, nous y allons le dimanche matin, à l’ouverture) tant il y a la foule pour visiter le musée à cette période de la journée. Certes, j’ai vu bien pire au Grand Palais ou à Orsay (par exemple) mais côtoyer autant de monde (l’exposition semble rencontrer un franc succès) dans un lieu aussi exigu peut rendre la visite assez éprouvante. Chaleur, manque de lumière, bruit, cris et pleurs, foule entassée : pas de doute, nous étions bien en enfer !

Il faut d’ailleurs saluer la mise en situation des visiteurs : couleurs rouge et noir pour la partie dédiée aux enfers, avec une certaine difficulté pour circuler et à accéder aux œuvres, couleurs grises et noir pour les fantômes, esprits et autres revenants, et enfin blanche (ou orangée) et noir pour la fin, celle des gardiens des sépultures. La partie la plus marquante est sans conteste la première avec ses nombreuses vidéos et représentations « réalistes » de supplices, sans oublier le passage de la porte des enfers. La zone des diverses représentations des fantômes et compagnie, notamment japonais, est plus « classique ». Toutefois, l’apogée du repoussant est sans conteste atteinte avec la l’espace dédié à la représentation des spectres thaïlandais. Âmes sensibles s’abstenir (et enfants, à écarter), hé hé !

À l’arrivée, nous avons là une bonne exposition, variée, avec une scénographie spectaculaire mais un peu pauvre en information et en contextualisation. En tant que fans de bande-dessinée (notamment asiatique), il est difficile de ne pas être déçu par la partie manga bien trop focalisée (donc trop restreinte) sur quelques noms comme Mizuki et Umezzu. De plus, le catalogue est assez décevant car trop d’œuvres n’y sont pas reproduites. Dommage car les textes semblent être de qualité…

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Kupka, pionnier de l’abstraction

Grand Palais – Entrée Champs-Élysées – Jusqu’au 30 juillet

Changement de décor radical avec l’exposition événement du Grand Palais : une grande rétrospective retraçant l’œuvre de František Kupka, de ses débuts à ses dernières créations. Il n’y a pas grand monde pour arpenter les travées, ce qui n’est pas étonnant en y allant un lundi, de plus journée à moitié fériée. S’il fait chaud dehors, ce n’est pas le cas dans l’aile Champs-Élysées à la climatisation pour le moins « efficace ». Ainsi, la faible température se retrouve être en accord avec les grands murs blancs et une certaine froideur des œuvres (même si l’artiste semblait beaucoup apprécier le jaune et l’orange), notamment dans le cas des illustrations et des peintures, ces dernières n’étant pas nécessairement abstraites.

Le classicisme de la scénographie tranche avec l’exposition du samedi précédent, son « efficacité » et sa pédagogie aussi. Sur une base chronologique, ce qui est toujours plus simple à présenter, les visiteurs découvrent ainsi l’évolution de l’artiste. Cela n’enlève rien à l’intérêt de la manifestation, bien au contraire. Il est toujours enrichissant de voir (et comprendre) comment un artiste peut passer du figuratif à l’abstraction, de voir son œuvre se construire au fil du temps. De même, les travaux de Kupka en tant qu’illustrateur « anticapitaliste » sont intéressants à observer, d’autant plus qu’ils sont particulièrement mis en valeur. Pour en revenir à la froideur, certes, les tableaux sont souvent très colorés, mais cela reste froid car manifestement réfléchi, posé, grâce à une représentation géométrique de l’abstraction. Pourtant, de la passion, l’artiste en avait, mais il la maîtrisait, manifestement !

Une excellente exposition, certes conventionnelle, mais qui permet de mieux comprendre, et donc de mieux apprécier, l’abstraction dont Kupka est devenu un des maîtres. Les grands formats présentés sont superbes et pourraient bien provoquer un sentiment esthétique même chez les plus réfractaires au non-figuratif.

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Être moderne : le MoMA à Paris (II)

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Ayant les idées un peu plus claires en ce qui concerne la distinction art moderne / contemporain, je vais essayer, par le biais d’une douzaine d’œuvres exposées à « Être moderne : le MoMA à Paris », de dissocier ce qui me plait (ou est susceptible de me plaire) de ce qui « m’inintéressera » (sauf surprise), tout en essayant de comprendre pourquoi. En une quinzaine d’années, j’ai visité plus de 260 expositions dont une bonne soixantaine relève de l’une ou l’autre catégorie (si j’inclus les expos photos monographiques). Il est certain que c’est insuffisant, surtout en ce qui concerne l’art contemporain, tant il est divers. Concernant l’art moderne, il me manque surtout une exposition sur le dadaïsme, ce qui me permettrait de mieux cerner ce courant.  Pour commencer, je pourrai aller visiter la salle 19 au niveau 5 du centre Pompidou lors de mon prochain passage au MNAM.

L’art est plastique !

Revenons un instant sur les arts plastiques. Pour moi, une œuvre d’art est avant tout un objet. Il peut être bi ou tridimensionnel : dessin, peinture ou sculpture au sens large (une installation peut être considérée comme étant une sculpture par assemblage). C’est une vision restrictive, c’est certain, mais je n’arrive pas à voir de l’art plastique (et même de l’art tout court, je le crains) dans un happening qui relève plus du spectacle (donc des arts du spectacle au même titre que la danse, le théâtre ou le cirque) que d’autre chose. Ce ne sont pas les explications de Roman Ondák lors d’un court entretien vidéo à propos de son œuvre Prendre la mesure de l’Univers (ou la notice qui lui est consacrée dans le catalogue) qui consiste à marquer la taille et le prénom de chaque visiteur sur un mur blanc qui pourraient me faire changer d’avis. À la fin, la galerie N° 8 qui lui était consacrée ne proposait plus qu’une longue bande quasi noire, ce qui était normal, vu l’affluence qu’a connue l’exposition durant ses cinq mois.

Un art plastique doit aussi refléter des compétences, ce qui sous-entend un apprentissage au moins technique et qui peut aussi être complété par une certaine connaissance de l’Histoire de l’art, d’un minimum de culture générale, d’une méthodologie, d’une pratique, etc. Certes, la maitrise technique ne suffit pas et ne remplace pas le « talent », la créativité, mais elle me semble indispensable lors de la création de l’objet. Action et réflexion se combinent pour donner forme à l’œuvre d’art, pour concevoir et mettre en pratique sa représentation. L’artiste peut se faire assister, voire remplacer pour la mise en œuvre, ce qui se fait dans l’art contemporain. J’ai souri lorsque j’ai vu que Roy Lichtenstein ne peignait pas lui-même au pochoir ses trames mais laissait à une jeune assistante la tâche de le faire (Exposition « Roy Lichtenstein » au Centre Pompidou en 2013 ou plus vraisemblablement « Pop Art – Icons  that matter » au Musée Maillol en 2017). J’ai été surpris par le monde qui participait à la réalisation de White Tone de Cai Guo-Qiang, présentation visionnée à l’occasion du « Grand Orchestre des Animaux » à la Fondation Cartier pour l’art contemporain (2016).

Certes, on trouve un peu de tout ça dans l’assemblage de neuf panneaux reliés par un ruban adhésif bleu réalisé par Edward Krasiński mais où se trouve la compétence de l’artiste ? Dans le fait de savoir poser un miroir ? Dans celui de couler un carré de béton ou de gribouiller quelque chose ? Et de relier le tout par du ruban adhésif d’une largeur et à une hauteur bien précises ? Les photos d’Eugène Atget ou d’Alfred Stieglitz me laissent la même impression. Leurs travaux présentés lors de l’exposition sont d’une très grande banalité, ne portent aucun propos, et ne demandent aucune technicité ou compétence particulière (hors développement). Je n’ai d’ailleurs jamais compris comment on pouvait qualifier d’artistique le travail d’Atget, surtout après avoir vu son exposition au Musée Carnavalet en 2012. Pour en terminer avec le sujet des photos, bien qu’appréciant beaucoup celles réalisées par Walker Evans, comme Ferme à Westchester, New-York, ce n’est pas, pour moi, un art plastique mais de la photographie, un art visuel, donc. Il en est de même avec celles de Man Ray, bien plus abstraites telle Anatomies ou surréalistes, à l’exemple de Rayogramme.

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Incontestablement, ces exigences, très traditionalistes je le reconnais, écartent à mes yeux, en plus des happenings, les performances. De par leur nature éphémère et l’absence d’objet (la plupart du temps), les performances « artistiques » étaient peu présentes dans l’exposition. En effet, les performances, une fois achevées, n’existent que par les photos ou les vidéos qui en sont faites, des documents préparatoires ou d’un éventuel compte-rendu. Trio A d’Yvonne Rainer est une performance et de l’art contemporain par la décision de certains, mais ce n’est qu’un film N&B d’une danseuse, qui questionne non pas l’art mais la danse, c’est-à-dire un spectacle. Au moins, l’image bougeait et pouvait éventuellement provoquer une émotion esthétique. Il n’en était rien de la vidéo Miroir de Lili Dujourie projetée à l’occasion de l’exposition « Women House – La maison selon elles » à la Monnaie de Paris en 2018 : il n’y avait que l’artiste, nue, qui bougeait à peine dans un intérieur domestique. Toutefois, il y avait un message…

Et l’art numérique ?

Il en va de même pour l’art numérique. Étant par nature immatériel (il n’y a pas d’objet) et reproductible à l’infini (ce qui est aussi un peu le souci de la photo), cela l’exclut à mes yeux des arts plastiques. Il s’agit d’un art visuel, au même titre que la vidéo (ou le cinéma). Certes, les arts numériques (car il y a plusieurs formes) demandent une certaine maîtrise technique mais cela ne suffit pas. Pourtant, ils peuvent être matérialisés, surtout s’il s’agit de peinture digitale ou d’images de synthèse fixes. Les travaux préparatoires (et ce, d’autant plus s’ils sont réalisés « analogiquement » sous forme de dessins, peintures ou sculptures) et les documents produits, comme les impressions sur toile ou plaque Forex®, peuvent être l’équivalent de ce que produisaient les artistes peintres du XIXe siècle. Cependant, dans ce cas, le numérique n’est qu’un outil dans la réalisation d’une création, rien de plus : ce n’est pas l’essence de l’œuvre d’art.

Le MoMA est très avancé sur le sujet de l’art numérique et possède un beau centre de données pour le stockage mais cela ne s’est pas réellement retranscrit dans l’exposition à la Fondation Louis Vuitton. Les galeries 8 et 11 étaient censées nous montrer les acquisitions les plus récentes du musée new-yorkais et son implication dans ce domaine. Las, je n’y ai rien vu d’artistique, que ce soit avec emoji de Shigetaka Kurita, l’Épingle Google Map de Jens Elstrup Rasmussen ou encore dans Émissaire. Dans le squat des dieux de Ian Cheng. Dans ce dernier cas, il s’agit plus d’une narration visuelle, générée de façon que j’imagine plus ou moins aléatoire par des algorithmes et animée en 3D, que d’une œuvre d’art, quoi qu’on en dise. Je ne parle même pas de Space Invaders de Tomohiro Nishikado… C’est un jeu vidéo, l’auteur n’a jamais eu l’intention de faire une œuvre d’art, il me semble.

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Après ces considérations plutôt matérielles, il est évident que je rejette tout un pan de l’art contemporain. Est-ce le signe d’un esprit peu ouvert qui privilégie la forme à l’idée, qui est excessivement matérialiste ? Nous pouvons le craindre, hé hé !

Parlons un peu d’esthétisme

L’esthétisme est un concept difficile à analyser. Tout comme le « beau », il met en jeu un ressenti, un sentiment, une sensation. Le plaisir (ou l’émotion) esthétique, et son opposé, le déplaisir, n’est pas physique, à la différence du plaisir ressenti en mangeant ou lors d’une expérience sexuelle (quoique… lorsqu’on voit le nombre d’œuvres avec des femmes nues… réalisées par des hommes, bien entendu). L’esthétisme est intellectuel avant tout. Pour moi, le plaisir (ou sentiment) esthétique provient de la mise en œuvre de mécanismes « immatériels » (souvenirs, fantasmes, rêveries, sensibilités, etc.) s’effectuant au sein de notre esprit, généralement de manière inconsciente. Étant lié à ce que nous sommes, il ne peut pas être défini par une notion universelle, il est en grande partie subjectif. De plus, notre perception du « beau » n’est pas immuable, nos goûts évoluent avec le temps. Il ne serait donc pas inné mais acquis sous l’influence de notre environnement, de notre culture, et ce, de façon généralement inconsciente : on ne nait pas « esthète », on le devient ! À partir de là, pour apprécier l’art contemporain dans toutes ses variantes, il serait nécessaire de passer par une phase d’accoutumance, d’apprentissage, encore plus que pour l’art moderne, plus viscéralement accroché à l’objet, support du plaisir esthétique. C’est pour cela que je pense que le figuratif est plus aisé à apprécier que l’abstraction, au moins dans un premier temps. Pourtant, la réflexion peut venir en aide pour dépasser tout déplaisir esthétique immédiat.

Je ne vais pas « m’amuser » à classer les 200 œuvres (surtout que je ne les ai pas toutes vues, il y avait trop d’attente pour entrer dans certaines petits salles) de l’exposition « Être moderne : le MoMA à Paris » en leur donnant une note allant de 0 à 5. Pourtant l’exercice pourrait être intéressant en comparant ensuite les ensembles qu’il serait possible de faire à partir de différents critères. Prenons plutôt quelques exemples : Accumulation No. 1 de Yayoi Kusama est un fauteuil sur lequel sont cousues de nombreuses formes phalliques, le tout peint en blanc. Car oui, ce sont bien des « bites » et pas des saucisses comme s’était exclamé, amusé, un gamin à côté de moi. Mon premier sentiment a été un déplaisir esthétique, avant de réaliser ce que cela représentait et de commencer à apprécier l’œuvre pour le message que je pensais percevoir. Notons que je l’apprécie encore plus après avoir lu le cartel puis la notice du catalogue.

Echo n° 25, 1951 de Jackson Pollock m’a, par contre, immédiatement plu. Pourtant, je n’ai qu’une opinion assez faible de l’action painting, surtout après avoir vu (et très peu apprécié) l’exposition « Cy Twombly» au Centre Pompidou en 2017. Il faut dire que je reste marqué par le visionnage d’une vidéo (non censurée) sur une peinture relevant plus ou moins du drip painting intitulée PlopEgg de Milo Moire. Vous pouvez voir la version censurée sur YouTube (je vous laisse chercher la vidéo sans les caches noirs). Nul doute que Echo n° 25, 1951 a réussi à me plaire grâce à la complexité des formes peintes, celles-ci ayant éveillé quelque chose en moi. Je n’ai pourtant jamais fait de calligraphie (la notice fait référence à cet art ancestral). Effet tout à fait différent avec La Louve, du même artiste, peinture présente aussi à l’exposition pour laquelle je n’ai ressenti aucun intérêt.

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Il ressort de tout ceci que j’ai une vision assez traditionnelle, pour ne pas dire « traditionaliste » de l’Art (des arts plastiques, pour être plus précis). De ce point de vue, l’art contemporain embrasse plusieurs domaines : les arts plastiques (dans une définition réduite), les seuls qui trouvent grâce à mes yeux et qui me « parlent », les arts du spectacle et les arts visuels. Le comble de l’hypocrisie, c’est qu’en plus, il est nécessaire d’être adoubé par une institution pour pouvoir prétendre à cette appellation. Je tire aussi de cette petite réflexion sur le plaisir (ou le sentiment) esthétique et la notion de « beau », la conclusion que j’ai quelques lectures philosophiques qui m’attendent, tout comme m’attendent les écrits de Nathalie Heinich (même si je ne partage absolument pas certaines de ses positions sociétales), si je veux approfondir le sujet. En attendant, il ne me reste plus qu’à aller voir « Les Hollandais à Paris, 1789-1914 : Van Gogh, Van Dongen, Mondrian… » au Petit Palais : il y a du Van Gogh et du Mondrian, je m’en délecte d’avance !

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Être moderne : le MoMA à Paris (I)

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L’exposition « Être moderne : le MoMA à Paris » s’est achevée le 5 mars. Fidèle à certaines habitudes, notre petit groupe de mangaversiens y est allé au dernier moment (et, du coup, de façon un peu dispersée). Inutile de dire que c’était la foule, et ce d’autant plus que l’événement a connu un grand succès public. D’ailleurs, la Fondation Louis Vuitton était prise d’assaut le dimanche 4 dès l’ouverture à 9H00. Il y a eu plus de 750 000 visiteurs en cinq mois dont plus de 30 000 sur le dernier weekend (du 2 au 4). Dispersée dans une dizaine de salles de taille variable, la scénographie était chronologique et couvrait des débuts de l’art moderne jusqu’à l’art contemporain le plus récent (avec notamment l’art numérique), tout en retraçant l’histoire du célèbre musée new-yorkais dans deux espaces dédiés.

Cette visite a été pour moi l’occasion de m’interroger un peu plus sérieusement sur la différence entre l’art moderne et l’art contemporain. Il faut savoir que j’ai beaucoup de mal avec le second, que j’estime à la limite du « foutage de gueule » quand ça n’a pas l’heur de me plaire. Pourtant, ce sentiment pourrait être constitutif de l’art contemporain, étant né de la rupture et de la transgression des dogmes et des habitudes. Au moins, en matière d’art moderne, même si ça ne me parle pas toujours, j’ai l’impression de sentir, derrière l’œuvre, son auteur, sa réflexion et son travail, à l’exemple de Composition en blanc, noir et rouge de Piet Mondrian ou de L’oiseau dans l’espace de Constantin Brancusi. Toutefois, la Roue de bicyclette, le proto « readymade » de Duchamp contient en elle les prémices de l’art contemporain. Quant à étaler comme une œuvre d’art les emoji de Shigetaka Kurita, cela n’a aucun sens, si ?

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Aurais-je un esprit incapable de comprendre et d’apprécier toute « nouvelle » avant-garde ? Ou est-ce une incapacité à comprendre un autre monde dont j’ignore les tenants et les aboutissants ? Nul doute qu’il serait intéressant de creuser le sujet et de mieux cerner ce qui détermine l’art moderne ou l’art contemporain. Et au-delà de ces histoires de définition (première partie du présent billet), qu’est-ce qui fait que l’un me plaise plus que l’autre (seconde partie, à venir) ?

Au fait, qu’est-ce que l’art moderne ?

Le site des éditions Odile Jacob offrait (heureusement, il est encore accessible via la Wayback Machine) un texte intéressant sur l’art contemporain en proposant en même temps une définition claire de l’art moderne. Il mettait en avant les différences d’interprétation que l’on peut avoir de ces deux périodes artistiques (à supposer qu’il s’agisse uniquement de périodes). Pour ma part, je comprends l’art moderne comme la période artistique commençant avec la naissance de l’impressionnisme à la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire quand un certain nombre d’artistes peintres, à commencer par Cézanne, se sont mis à créer en opposition à la tradition, au classicisme qui prévalait à cette époque.

En effet, pour la peinture « moderne », ce n’est plus la lumière qui compte mais la couleur. De même, le rendu n’est plus « réaliste » mais basé sur des impressions, puis sur des suggestions. Les artistes ne représentent plus mais « signifient ». Pour mieux appréhender la portée concrète de ces termes, remémorons-nous dans l’exposition Nature morte de Paul Cézanne, L’Atelier de Pablo Picasso,  L’Espoir II de Gustav Klimt, et aussi Le Faux miroir de René Magritte. Disons que le point de départ de l’art moderne, de l’avis général, remonte à l’an 1870 avec les créations de Cézanne.

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Toutefois, l’art moderne n’est pas monolithique et il recouvre plusieurs courants comme l’impressionnisme, l’art nouveau, le fauvisme, le cubisme, l’abstraction, le dadaïsme, le surréalisme, etc. C’est une période qui court jusqu’à l’apparition de l’art contemporain. Et c’est là que ça se complique…

L’art contemporain, ça date de quand ?

Dater l’apparition de l’art contemporain est malaisé : cela dépend en grande partie de la perception que l’on s’en fait (le cas rappelle d’ailleurs celui de la bande dessinée). Certains utilisent l’année 1945, pour son côté pratique car correspondant à la fin de la seconde guerre mondiale. Il est tenant de faire coïncider une charnière artistique avec un grand basculement historique. D’autres préfèrent les années 1970 avec l’arrivée du « postmodernisme », c’est-à-dire avec le rejet par une nouvelle génération d’un art devenu institutionnel. Ces artistes mélangeaient différentes pratiques, notamment celles issues des arts plastiques,  du design, de l’architecture, etc. Plusieurs exemples étaient proposés dans l’exposition, notamment les drapeaux Start, Middle, Arrow et End de George Bretch ainsi que Costume en feutre de Joseph Beuys.

Les arts plus « traditionnels » (peinture, dessin et gravure mais aussi sculpture et architecture) se sont donc effacés au profit de la photographie, du cinéma / de la vidéo, du design, de l’imprimerie d’art, de l’art conceptuel, des performances, etc. Cependant, vouloir graver une année précise dans le marbre serait ignorer que l’art contemporain s’est construit au fil du temps, au moins dès les années 1960 avec le développement de l’art minimaliste, de l’art conceptuel, de l’Arte Povera en Italie, du Nouveau Réalisme, etc. Il y a par exemple Carl Andre avec ses 144 carrés de plomb (j’ai d’ailleurs marché involontairement sur cette œuvre en reculant pour prendre une photo, mais ça ne semblait pas être un souci, ouf !).

N’oublions pas le Pop Art apparu à la fin des années 1950 aux USA (Boîtes de soupe Campbell d’Andy Warhol ou Fille qui se noie de Roy Lichtenstein). D’ailleurs, l’exposition « Être moderne : le MoMA à Paris » semblait voir la fin de l’art moderne dans l’apparition du Pop Art et le détachement des artistes américains de leurs influences européennes.

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L’art contemporain, c’est quoi exactement ?

L’art contemporain est une avant-garde, ce qui fait qu’il est en perpétuelle évolution. Il est donc apparu en étant avant tout un rejet de l’art moderne. Il relève du domaine des arts plastiques et se caractérise par un dépassement des frontières des différents domaines artistiques. Il s’agit de pratiquer la transversalité. Pour rappel, les arts plastiques recouvraient à l’origine les activités artistiques relevant du modelage telles que la sculpture, la céramique et l’architecture. Cette définition a évolué au fil du temps pour en arriver à faire référence à tout art évoquant des formes, puis des représentations, en englobant dernièrement tout ce qui est visuel, voire expérimental.

Il s’agit donc de transgresser les « règles de l’art » existantes, ou d’en inventer de nouvelles. Surtout, l’art est contemporain quand il est qualifié ainsi par un certain nombre d’institutions à la légitimité reconnue comme les musées, les galeries, les revues et critiques d’art, les curateurs, etc. Comme nous pouvons le pressentir, tout ceci est bien flou, notamment par rapport à l’art moderne, surtout quand l’œuvre considérée peut être classée dans l’une ou l’autre des deux « petites boites », comme Echo N°25, 1951 de Jackson Pollock. D’ailleurs, l’art contemporain n’est pas, pour un certain nombre de personnes, une période mais un monde qui a ses règles, ses codes, sa grammaire. Et il serait apparu avec Marcel Duchamp et ses premiers ready-mades datant des années 1910.

Une des caractéristiques de l’art contemporain, du fait du mélange des genres, de l’extrémisme de certaines créations, de leur côté parfois éphémère (pour les happenings ou les performances, pour le land art, etc.), de leur hermétisme aussi, de leur immatérialité (pour l’art conceptuel), est la nécessité d’avoir un discours, un appareil critique accompagnant l’œuvre, parfois en partant de la conception pour arriver à la réalisation, et en éclairant sa signification. Ce discours est-il indispensable pour donner une certaine valeur (pas obligatoirement pécuniaire) à l’œuvre qui resterait, sinon, un simple objet ou une accumulation d’objets, voire une simple idée ? En fait, la multiplicité des formes de l’objet, qui peut même ne pas être un matériau mais un geste ou un concept, l’objet en tant que tel donc, ne suffit pas, car il peut déjà exister (dans le cas d’un ready-made par exemple) ou être dupliqué.

Il y a aussi une recherche de dépassement des limites, une volonté d’être original. La duplication, la répétition ne sont pas considérées comme étant de l’art, il s’agit d’artisanat car il y a un manque d’originalité. Pourtant, si vous recopiez une œuvre, cela peut être de l’art si vous expliquez votre démarche et si elle est reconnue comme telle, à l’instar de AIDS de General Idea. Ce sont les raisons, la mise en œuvre, la signification de l’objet qui vont constituer l’œuvre d’art, avec l’objet (s’il y en a un). Seul, ça peut être tout simplement un néon qui clignote. Avec un récit (pour utiliser un terme à la mode), cela devient de l’art contemporain, comme l’est Human / Need / Desire de Bruce Nauman.

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Donc…

C’est plus clair, maintenant ? Pas sûr… Cependant, il m’est peut-être devenu possible de m’interroger sur les raisons d’une nette préférence pour l’art moderne, ou pour telle ou telle œuvre d’art contemporain dans la seconde partie de ce billet consacré à l’exposition « Être moderne : le MoMA à Paris », tout en mettant cette dernière en perspective avec d’autres manifestations organisées par le MNAM à Beaubourg et que j’ai pu voir ces dernières années.

Angoulême, retour sur 3 jours intenses (3)

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Troisième et dernier jour au festival. Fatigue accumulée mais programme chargé. C’est pourtant courageux et motivés que nous sommes arrivés à l’Hôtel de Ville, sans encombre et avant 10h. Au programme, récupérer Shermane accompagnée de Monsieur et faire dès le matin un maximum d’expositions « difficiles d’accès » – comprendre celles consacrées à Cosey (du fait de son lieu) et à Tezuka et à Urasawa (du fait de leur popularité). Mais avant cela, et après avoir passé un trop court moment à parler bande dessinée chinoise autour d’un café crème (accompagné de chocolatines) avec Laurent Mélikian, j’ai dû rejoindre Taliesin à l’exposition consacrée à Sonny Liew, que nous n’avions pas eu le temps de voir la veille. L’avantage des expos situées aux caves du Théâtre, c’est qu’elles sont peu fréquentées et faciles d’accès. Le dimanche matin, à l’ouverture, c’est encore plus vrai. Ce qui n’était pas prévu, c’est de voir l’auteur en dédicace en repartant. Bien entendu, nous en avons profité pour nous faire dédicacer deux exemplaires de Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée (pour avoir chacun le nôtre), Taliesin en profitant pour continuer la discussion entamée la veille lors de la Rencontre Internationale.

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Du coup, c’est avec un peu de retard que nous avons récupéré Shermane (le TGV était pratiquement à l’heure) qui a eu ainsi le temps de regarder les panneaux de l’amusante exposition « Le monde selon Titeuf » placée devant l’Hôtel de Ville. Retard qui s’est révélé sur le moment préjudiciable étant donné la file d’attente devant l’Hôtel Saint-Simon pour l’exposition consacrée à Cosey. Alors que Taliesin restait faire la file car elle tenait absolument à voir le travail du Président de l’édition 2018, je suis retourné faire l’exposition Tezuka avec Shermane. J’ai pu ainsi compléter mes photos de planches et de festivaliers ; puis nous avons fait rapidement « Venise sur les pas de Casanova ». Pas très intéressante, je dois dire. Je ne suis pas fan de la peinture de Canaletto (et de ses pairs). Quant aux dessins par huit auteurs de BD inspirés par Venise, ils étaient… peu inspirés, j’ai trouvé. Il y avait pourtant de quoi faire avec la figure de Casanova au lieu de peindre de façon statique la ville ou des femmes nues. Seule la fresque de Kim Jung Gi sortait vraiment du lot.

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Il était alors temps de passer à l’incontournable du dimanche angoumoisin : l’anniversaire (un peu en avance) de Manuka, malheureusement sans Taliesin (à l’espace Franquin) ni Shermane (quelque part dans la ville, avant qu’elle aille sur le stand du Lézard Noir puis à l’Hôtel Saint-Simon). Cette année, c’est Tanuki qui a fait le photographe. J’étais à la remise des cadeaux (je suis persuadé que c’est mieux lorsque c’est Taliesin ou beanie_xz qui officie… Sexisme, quand tu nous tiens, hé hé…) Ce fut aussi l’occasion de découvrir un nouveau et excellent restaurant : Chez H (rien que le nom me donnait envie d’y aller) qui propose une cuisine de « spécialités chinoises, tout à la vapeur, tout fait maison ». Si vous passez dans le coin, je ne peux que vous conseiller d’y faire un tour : c’était très bon . Et le service savait être rapide pour les festivaliers pressés. Après l’intermède anniversaire, il était temps de reprendre le cours des événements. Cela commençait par un dernier passage à la Bulle du Nouveau Monde pour voir Shermane dans une longue file d’attente pour une dédicace de Shinzo Keigo et, pour moi, d’aller rencontrer Lounis Dahmani en dédicace à La Boite à Bulle et lui dire tout le bien que je pensais de Oualou en Algérie, tout en lui demandant un petit dessin, bien entendu. Il ne reste plus qu’à attendre une prochaine aventure du détective privé « français comme Zidane », en projet mais assez peu avancé, il faut le dire.

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Il était alors plus que temps, pour Manuka et moi, d’aller à l’Espace Franquin pour faire les expositions consacrées à Gilles Rochier et à Naoki Urasawa pendant que Taliesin assistait à la conférence de ce dernier dans la salle voisine. Deux belles expositions, sur deux auteurs très différents à la fois dans leurs propos et dans leur dessin. C’est aussi ça le point fort du Festival d’Angoulême : proposer dans un même lieu des œuvres éloignées thématiquement et stylistiquement. C’était l’occasion de recroiser Vlad, le co-commissaire de l’exposition Cosey. J’ai pu lui assurer que Taliesin n’avait pas manqué celle-ci et semblait l’avoir appréciée. Quant à « Tenir le terrain », le résultat était excellent avec à la fois la présentation de l’auteur, de son œuvre (dont je ne connaissais pas tous les aspects, notamment ses travaux en microédition) tout en mettant en lumière la banlieue parisienne. L’exposition Urasawa était, elle aussi, intéressante mais souffrait d’une scénographie un peu trop répétitive, d’explications insuffisantes au début, notamment sur la raison de chapitres entiers présentés sur des murs. En fait, pour comprendre les intentions du mangaka, il fallait avoir regardé la vidéo où il expliquait sa vision du manga. Problème, celle-ci était placée à la fin du parcours. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Taliesin : refaire le parcours après avoir visionné ladite vidéo pour mieux comprendre ce qui nous était présenté et comment. D’ailleurs, elle n’a pas été la seule à vouloir refaire l’expo, nous avons croisés Urasawa qui refaisait un petit tour en ayant l’air de bien s’amuser. Il est prévu d’aller voir très prochainement l’exposition à Paris pour voir comment elle a été adaptée à un autre environnement.

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Mine de rien, il commençait à se faire tard et il allait falloir songer à rentrer car 4h de route allaient nous attendre (6h en réalité entre pause autoroute / diner durant pratiquement une heure et bouchon après le péage de Saint Arnoult sur l’A10). Mais histoire de donner un peu plus de temps à Shermane d’apprécier sa première visite à Angoulême, il a fallu jouer les prolongations, ce qui nous a donné l’occasion d’aller voir les 45 affiches du festival présentées dans le local de l’Association FIBD Angoulême puis de manger une crêpe (Nutella™ pour Taliesin, beurre-sucre pour moi), histoire de prendre des forces avant de partir. Voilà, c’était tout pour cette fois-ci, rendez-vous est déjà pris pour la prochaine édition et une exposition sur l’œuvre de Tayou Matsumoto (le bon, pas l’autre, le mauvais, qui est déjà venu au festival), ce qui nous motive à l’avance.

Une boulimie d’exposition en 2017 : ne faudrait-il pas un peu de tempérance ?

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Dans ce billet, je vais aborder un thème sur lequel je ne m’exprime que très peu (sauf sur Instagram). En effet, en 2017, j’ai battu mon record d’expositions visitées sur une année : plus d’une cinquantaine ! Certes, certaines sorties comportent plusieurs expositions à la fois (jusqu’à quatre voire cinq), mais cela représente tout de même plus d’une trentaine de journées dans l’année, soit un peu plus d’une toutes les deux semaines. À mon sens, il s’agit là d’un maximum. D’ailleurs, sur la petite communauté d’une douzaine de personnes « conviées » à ces occupations, nous ne sommes que trois vraiment à être partants à (pratiquement) chaque occasion. Il faut dire qu’il ne faut pas avoir grand-chose d’autre à faire le week-end ni avoir charge de famille… D’ailleurs, le dernier quadrimestre a vu une chute de la taille de notre petit groupe. Il va falloir repenser le programme de 2018, je pense, même si janvier devrait être sur le même rythme que 2017, c’est-à-dire infernal.

En cette fin d’année, si propice aux bilans, voici donc un retour en arrière sur une année d’expositions parisiennes, exceptionnelle par le nombre mais aussi par la qualité de certaines d’entre elles. Ces expos remarquables sont regroupées par lieu plutôt que par thème et sans chercher à suivre un ordre chronologique.

Le Grand Palais

Expo JardinsCertes, nous ne sommes allés au Grand Palais que pour deux expositions en 2017 (il y en a quatre par saison), mais, en fait, nous les faisons toutes (le fait que j’ai l’abonnement Sésame joue car pour l’amortir sans bénéficier de la remise d’un CE, il ne faut pas en rater). Toutefois, elles étaient toutes les deux excellentes, surtout Jardins au thème original, aux œuvres variées et à la scénographie réussie qui a attiré une dizaine d’entre nous (en deux visites). Rodin, l’exposition du centenaire était intéressante surtout pour les œuvres des autres artistes exposées et leur filiation avec le « père de la sculpture moderne ». En plus, comme je n’y connais pas grand-chose en sculpture, c’était une bonne occasion pour moi de voir autre chose.

Le Musée du quai Branly

Expo Color LineSi nous fréquentons beaucoup ce musée, c’est à cause (ou grâce) à l’un d’entre nous, ce qui nous a même amené à prendre « en masse » un abonnement annuel. Pour ma part, je ne suis pas très fan d’arts premiers, ce qui fait que je ne suis pas toujours passionné par nos visites. Pourtant, Color Line, L’Afrique des routes et Picasso primitif ont été trois excellentes surprises, chacune dans son domaine. La première et la deuxième étaient variées, diverses du fait d’un fil conducteur très lâche, la troisième réussissait à mettre en parallèle l’œuvre de Picasso et une de ses influences principales, l’art africain.

Les Arts Décoratifs

Expo BauhausVoilà un autre établissement où nous allons souvent même si nous n’y avons fait qu’un seul passage cette année. Fidèles à certaines habitudes, nous avons pu voir L’esprit du Bauhaus lors de l’avant-dernière journée. Si l’expo était un peu « fourre-tout », elle mettait en lumière tous les aspects de ce courant artistique (dont j’ignorais une grande partie). Et tant qu’à être sur place, autant faire Tenue correcte exigée qui s’est révélée être tout à fait réussie, surtout dans sa première partie, plus subversive et historique qu’orientée mode, ce que je reproche un peu à la seconde partie, trop orientée « marque ».

Le Centre Pompidou

Expos Evans et HockneyEncore un haut lieu de nos pérégrinations. Je ne garde pas un souvenir impérissable de Cy Twombly, trop abstrait et trop « primitif » à mon goût. En matière de peinture contemporaine, j’ai nettement plus apprécié une partie du travail de David Hockney (mais pas tout). Je retiens surtout Walker Evans, le « photographe de l’Amérique », avec le souvenir de son exposition à la Fondation Cartier-Bresson visitée il y a presque dix ans. Enfin, même si l’espace n’était pas très grand, (re)voir les créations de Franquin avec Gaston, au-delà de Lagaffe à la BPI a permis de passer un bon moment.

Le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

Expo Derain Balthus GiacomettiNous n’allons pas assez souvent au MAM à mon goût, faute de volontaires (et comme je ne fais pratiquement rien seul…). D’ailleurs, on ne s’y retrouve chaque fois qu’en tout petit comité. Et c’est bien dommage… Il faut croire qu’entre celles et ceux qui préfèrent l’art contemporain, ou à l’inverse, les autres qui préfèrent l’art figuratif de la renaissance ou l’impressionnisme, il n’y a pas grand-monde pour voir les œuvres de la période 1900-1945. Pourtant, Derain, Balthus, Giacometti. Une amitié artistique était vraiment réussie. Variété des thèmes, scénographie didactique, qualité des œuvres, tout concourrait à un beau succès.

Après ces quelques exemples d’institutions muséales incontournables pour nous (auxquelles on peut ajouter le Musée Guimet aux expos peu intéressantes en 2017, et la Cité des sciences et de l’industrie qui continue à être décevante), cette année a été l’occasion de découvrir de nouveaux lieux ou de revenir à d’anciens rouverts après travaux.

La Maison Européenne de la Photographie

Expos MEP : Gao Bo et Vincent PerezCela faisait longtemps que j’étais curieux de visiter ce centre devant lequel je voyais souvent des files de visiteurs débordant dans la petite rue de Fourcy (on n’est pas dans le Marais pour rien). Vincent Perez. Identités et Gao Bo. Les offrandes ont été les déclencheurs (il y avait trois autres expositions dont deux assez anecdotiques). Si la première était classique, quoiqu’un peu courte, avec de beaux portraits en grands formats, la seconde était une exposition d’art contemporain très intéressante à la thématique frappante. En effet, l’artiste chinois n’a pas eu une enfance facile, c’est le moins que l’on puisse dire, et ses œuvres sont assez morbides quoique fascinantes.

L’Orangerie

Expo Tokyo-ParisSi j’ai eu l’occasion d’aller au Jeu de Paume il y a quelques années, je n’étais jamais allé à l’Orangerie, pourtant située tout à côté. D’ailleurs, je n’étais pas le seul… L’exposition Tokyo-Paris Chefs-d’œuvre du Bridgestone Museum of Art a permis de « corriger » cette erreur. C’était une bonne exposition, avec de nombreuses pièces intéressantes, notamment un grand tableau de Zao Wou Ki (parce que jusqu’ici, je n’ai pu voir que ses « crobards » ou ses poteries, rien qui permette de crier au génie). Et nous avons pu aller voir les Nymphéas géantes de Monet à l’étage, ne l’oublions pas !

Le Musée de Montmartre

Expo Montmartre au cinémaCela faisait longtemps que je voulais visiter ce musée et une occasion s’est présentée cet été. Du coup, c’est assez nombreux que nous sommes allés voir Montmartre, décor de cinéma. L’expo, quoiqu’assez grande, n’était pas très passionnante, peut-être à cause d’une scénographie très linéaire et peu variée. Il faut dire qu’il n’est pas facile de présenter le cinéma sous une forme statique (des affiches et des photos) ou sous une forme dynamique mais tronquée (des extraits). Toutefois, le lieu, le jardin et Montmartre ont justifié ce passage.

La Monnaie de Paris

Expo À Pied d'oeuvre(s)Avec la fermeture durant quelques années pour cause de rénovation des lieux, nous avions cessé d’aller à la Monnaie de Paris (même si nous n’y allions que rarement, de toute façon). Avec l’exposition À pied d’œuvre(s), nous avons pu revenir sur les lieux d’une de nos premières visites, en 2005. Cette manifestation célébrant les 40 ans du Centre Pompidou présentait quelques pièces majeures « horizontales » du Centre national d’art et de culture sis un peu plus loin, de l’autre côté de la Seine. C’était passionnant et très photogénique même si je reste très dubitatif à propos des performances présentées, à la fois en tant qu’art et en tant que support.

Le Musée Maillol

Expo Pop ArtFermé pour cause de faillite de la société organisant les expositions temporaires dans ce lieu dédié à un sculpteur amateur de femmes nues, le Musée Maillol a rouvert il y a peu avec une programmation orientée vers l’art contemporain. Ne connaissant pas grand-chose au courant artistique présenté par Pop Art — Icons that matter, je tenais absolument y aller, à la fois pour voir les changements effectués par les travaux et m’instruire. Ce fut donc une excellente surprise avec une exposition aérée, didactique malgré une fichue interdiction de photographier les œuvres présentes. Ce dernier point m’énerve à chaque fois (je n’ai pas investi dans un APN compact expert pour le laisser dans la sacoche) et semble être une spécialité de Culturespace, le nouveau gestionnaire qui gère aussi le Musée Jacquemart-André où nous allons régulièrement malgré un tarif excessif et la petitesse de l’espace dédié aux expos. Au moins, c’est vaste à Maillol et on y retournera.

Cette petite revue ne couvre pourtant même pas un tiers des expositions visitées en 2017. Néanmoins, cela donne une bonne idée de ce qui est un de mes principaux passe-temps avec la lecture de bandes dessinées. Pour finir, je vous laisse avec une douzaine de photos (après tout, c’est mon dada) illustrant ce court résumé d’une année d’expositions à Paris.

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Machines à dessiner au Musée des arts et métiers

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L’Afrique des routes au Musée du quai Branly

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Montmartre, décor de cinéma au Musée de Montmartre

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Gao Bo. Les offrandes à la MEP

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Cy Twombly au Centre Pompidou

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Tenue correcte exigée aux Arts Décoratifs

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Ciao Italia ! au Musée national de l’histoire de l’immigration

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Jardins au Grand Palais

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Nymphéas à l’Orangerie

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À pied d’œuvre(s) à la Monnaie de Paris

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Au-delà des étoiles, le paysage mystique au Musée d’Orsay

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Walker Evans au Centre Pompidou