
La première saison de la série télévisuelle MurderBot (connue en francophonie sous le nom Journal d’un AssaSynth) vient de s’achever sur Apple TV+. Alors, réussie ou non, cette adaptation de la première novella de Martha Wells ? Oui, sans conteste ! Voici donc l’avis de quelqu’un peu fan des images qui bougent, qu’elles soient en prise de vues réelles ou en animation.
Journal d’un AssaSynth, dont le titre original est The Murderbot Diaries, est une suite romanesque de science-fiction écrite par Martha Wells. En français, nous pouvons lire actuellement les quatre novellas constituant une sorte de premier cycle, celui qui est en cours d’adaptation télé (la saison deux a été annoncée et devrait être diffusée en 2026). Un deuxième cycle semble se dessiner avec deux romans, un relativement long et un assez court. Enfin, une novella indépendante vient approfondir les relations entre les deux personnages principaux que sont AssaSynth et la docteure Mensah (le récit se place entre les deux cycles). Quelques courtes nouvelles sont disponibles en VO, souvent publiées en ligne et lisibles gratuitement. Un nouveau titre (Platform Decay) est prévu pour le mois de mai 2026 aux États-Unis, qui devrait être la suite d’Effondrement système. J’ai eu l’occasion de donner mon avis dans un billet WordPress datant de 2021, inutile de redire ici tout le bien que je pense de l’œuvre. Concentrons-nous donc sur la série télévisuelle…
Une adaptation visuellement réussie
Les fans de la série littéraire se sont forcément forgé des images, ont leur conception visuelle des personnages, des lieux, du design des objets, etc. Certes, les illustrations de James Jones (les couvertures VO) ou de Tommy Arnold (qui a aussi été chargé du concept art pour la version télé) du côté américain, sans oublier Pierre Bourgerie (plusieurs couvertures VF) du côté français, ont influencé notre vision d’AsssaSynth mais uniquement en armure. C’est donc une excellente surprise de voir que les concepteurs de la série télé ont réussi à nous proposer un design auquel on peut adhérer. Plutôt sobre et fonctionnel, c’est une belle réussite, même si pour le dépaysement, on repassera. C’est crédible et c’est bien là le principal.


Le casting des actrices et acteurs est particulièrement réussi. Pas de beaux gosses bien blancs et virils, pas de jeunettes au physique apprêté, pour ne pas dire refait. Les personnages sont variés, plutôt âgés (ce sont des scientifiques réputés dans leur domaine); Surtout, tout le monde joue juste. Mention spéciale à l’actrice qui joue la Dr Mensah (Noma Dumezweni) et à l’acteur qui incarne Gurathin (David Dastmalchian). Les autres ne sont pas en reste, à commencer par celui qui personnifie MurderBot, la SecUnit séditieuse, (Alexander Skarsgård), en héros continuellement perdu, inquiet mais aussi désabusé et cynique.
Une adaptation fidèle
Les dix épisodes suivent plutôt scrupuleusement l’histoire de la première novella, même si les auteurs (les frères Weitz, Paul et Chris) prennent de plus en plus de liberté au fur et à mesure que le récit progresse. Ils proposent quelques changements destinés à rendre la série plus facile d’accès. La première différence est la réduction du nombre des scientifiques venus de Préservation : exit Overse (la compagne de Pin-Lee dans le livre) et Volescu (le chercheur qui accompagnait la docteure Bharadwaj lors de l’attaque par « Hostile »). Du coup, une sorte de ménage à trois est mis en place dans la série entre Pin-Lee, Arada et Ratthi, sans que ça devienne de la romance qui aurait été malvenue. Pour le reste, il n’y a pas de gros changements au niveau des rôles entre les deux versions même si le passé de Gurathin est ici une création originale.



Attention, des éléments de l’intrigue sont révélés dans le paragraphe en orange, vous pouvez donc le passer pour reprendre votre lecture un peu plus bas.
L’introduction d’un nouveau personnage vers le milieu de la série apporte une touche d’originalité bienvenue même si son acceptation par l’équipe de Préservation est peut-être un peu trop facile. En effet, cela permet de montrer à quel point AssaSynth peut être létal envers les humains. Cela montre aussi la candeur des personnes qu’il a décidé de protéger, coûte que coûte. De plus, tout le final est simplifié, même en suivant la trame romanesque. La fuite devant l’arrivée probable de DeltFall, le rôle de Mensah et l’intervention de Gurathin dans le lancement de la balise sont un peu trop condensés et pas toujours bien amenés. Il faut dire que le format court de la série (une vingtaine de minutes hors générique de début et de fin) ne permettait pas dans ce cas précis de montrer de façon dynamique un récit principalement basé sur les discussions et les réflexions d’AssaSynth. Néanmoins, cela se laisse regarder sans déplaisir. Cependant, la partie originale la plus ratée est bien la dramatisation à outrance de la destruction à venir de la SecUnit séditieuse par son propriétaire, la Compagnie. Cette destruction est arrêtée in extremis par Pin-Lee, de façon peu crédible. Cela permet toutefois de donner par la suite un rôle plus important et positif à Gurathin.


Quelques reproches, néanmoins
Après discussion avec une camarade qui n’a pas lu les livres, certains reproches peuvent être formulés concernant cette adaptation télévisuelle. C’est ainsi que nous pouvons relever les points suivants :
- L’acteur jouant lMurderBot n’est pas vraiment androgyne, il est très masculin, ce qui semble en contradiction avec la façon dont les cyborgs de sécurités sont présentés. Il ne s’agit pas de SexBot, leur représentation aurait pu être plus « inhumaine ».
- Le plus gros de l’humour est dû aux réactions de MurderBot, qui sont celles de la représentation qu’on se fait d’une personne autiste (difficulté de communication, décalage, non-respect des conventions sociales, cynisme). On aurait pu penser à quelque chose de plus détaché et différent des réactions humaines. Là, on dirait que c’est un « simple » négatif des réactions de la plupart de ses clients.
- La façon dont la série fictive est régulièrement introduite est souvent assez « lourdingue », le comique de répétition ne fonctionne pas. Pire, elle n’apporte rien au récit. C’est surtout vrai avec l’épisode 8 où on perd 3’30 de la trame principale pour pas grand-chose, à part nous montrer à quel point Apogée et déclin de la Lune sanctuaire est kitch.
- Les clients humains ont une espèce de candeur maladroite, ce qui est original. Cependant, il est difficile de comprendre quelle part de cette maladresse est liée à la culture de Préservation basée sur la tolérance, l’inclusion, la recherche de consensus, etc. C’est parfois désarçonnant, et peut même être assez ridicule de la part de scientifiques reconnus dans leur domaine, car cette candeur semble un peu surjouée.


Quoi qu’il en soit, voilà une adaptation qui se laisse regarder avec plaisir, qui est assez addictive, tout comme la novella dont elle est issue. Certes, il n’est pas possible d’avoir la profondeur des réflexions et des descriptions de la version littéraire mais le rythme est bien là, malgré quelques lenteurs, généralement causées par l’insertion de la série fictive. Il est regrettable que MurderBot ne soit pour l’instant uniquement accessible que sur Apple TV+ et il faut espérer une sortie prochaine en DVD et Blu-ray. La saison deux étant déjà annoncée, les frères Weitz ont révélé dans un entretien qu’ils allaient cette fois se baser sur les tomes 2 et 3. Cela fait sens tant ces deux novellas peuvent être combinées en une seule histoire. Rendez-vous est donc pris pour l’année prochaine !


































