Au début de l’ère Edo, une trentaine d’années après la prise de pouvoir par Ieyasu Tokugawa (donc vers 1632 selon le calendrier occidental), une maladie foudroyante, mortelle dans la plupart des cas, est apparue dans un village reculé suite à l’agression d’un enfant par un ours contaminé. Il s’agit de la variole du tengu, appelée ainsi du fait de ses symptômes : de larges et nombreuses pustules rouges accompagnées d’une très forte fièvre. Elle ne frappe que les garçons, surtout au début de leur adolescence, même si des hommes plus âgés y succombent. Les survivants étant rares, la population masculine se retrouve en quelques dizaines d’années à ne représenter qu’une petite minorité des habitants du Japon. Dans les familles paysannes et marchandes, les femmes ont remplacé petit à petit les hommes pour toutes les tâches professionnelles, tout en gardant les obligations domestiques. Les survivants à la maladie sont devenus trop précieux pour être exposés aux aléas de la vie. En effet, avoir un mari et des enfants est un but de plus en plus difficile à atteindre lorsque plus de 75% de la population est féminine. Les hommes n’ont donc plus qu’un rôle de reproducteur. C’est devenu une véritable profession, la prostitution masculine, officielle ou cachée, étant la règle dans toutes les couches de la société.
Dans de nombreux fiefs, le problème de la succession, qui se fait par primogéniture masculine, s’est rapidement posé. C’est alors qu’un simulacre s’est mis en place chez les familles de samouraïs et chez les nobles de la cour impériale : les filles ainées se font passer pour des garçons afin d’hériter et de poursuivre la lignée familiale. Il en est de même pour la puissante famille des Tokugawa qui a instauré le shogunat un peu avant l’arrivée de la maladie. Depuis le troisième shogun, ce sont donc des femmes qui sont au sommet de la hiérarchie. Pour ne pas révéler leur féminité, elles portent des noms d’homme et ne se montrent jamais en public, restant confinées dans leur palais, bien plus richement doté que celui de l’empereur, malgré de récurrents problèmes de trésorerie. Cependant, la situation ne semble pas devoir s’améliorer, la maladie frappant toujours autant la jeunesse masculine du pays. Des mesures extrêmes sont prises : tout d’abord, la fermeture du pays aux étrangers, seuls les Hollandais étant autorisés à commercer, tout en étant confinés sur une petite île. Ensuite, en ouvrant la succession aux femmes. L’état de faiblesse militaire est caché. Ainsi, l’avenir du shogunat est assuré à la condition que la shogun ait une descendance, masculine (de préférence) ou féminine. Son rôle principal est d’enfanter, et pour cela elle bénéficie des « services » d’une centaine d’hommes dans le pavillon des hommes !
Fumi Yoshinaga est une auteure trop peu connue en francophonie. Pourtant, elle a été publiée en français dès 2006 avec All My Darling Daughters, une histoire en un volume paru chez Sakka / Casterman. Elle a actuellement deux séries en cours au Japon : Le Pavillon des hommes (Ōoku en VO) qui en est à son tome 15 (à fin 2017) et Kinō Nani Tabeta? (What Did You Eat Yesterday? en version US, publiée par Vertical) qui totalise 13 tomes à fin 2017. Une biographie et une bibliographie sont prévues pour un prochain billet.
Dans l’immédiat, l’idée est de présenter ici une sorte de guide de lecture permettant de se replonger plus facilement dans l’histoire à chaque nouvelle sortie. En effet, avec un nouveau volume par an (tous les 10 mois au Japon), il est à chaque fois mal aisé de reprendre le cours du récit entre narration complexe et nombreux personnages se ressemblant tous graphiquement (surtout les jeunes hommes). On ne peut d’ailleurs rien reprocher à Kana qui suit d’assez près la parution originale dont le rythme assez lent.
Ce petit guide est prévu en deux parties : la première propose un tableau récapitulatif des quinze shoguns avec les tomes dans lesquels ils apparaissent et quelques informations complémentaires. Une liste des personnages (extraite du volume 14) est aussi proposée. Sa présence en fin d’ouvrage tendrait à prouver que même les lectrices et lecteurs japonais ont dû avoir du mal à s’y retrouver et qu’il est indispensable de les aider. La seconde partie proposera un résumé des quatorze tomes, ce qui permettra de ne pas avoir à relire tout ou une partie de la série pour s’y retrouver rapidement dans le récit, ou aidera à ne pas passer la première moitié du nouvel opus à essayer de se souvenir des principaux événements, ou de se remémorer qui est qui et qui fait quoi dans le Pavillon des hommes. Bien entendu, ces résumés révèleront l’intrigue générale. Néanmoins, ce n’est pas comme si on ne connaissait pas la fin de l’histoire.
Le tableau du shogunat Tokugawa
(cliquez sur l’image pour la voir en plus grand)
(1) Iemitsu n’est considérée que comme un prolongement de son père, elle n’a pas de nom propre à elle. Compte tenu des dates historiques, Fumi Yoshinaga est, par ailleurs, contrainte de la faire mourir jeune.
(2) Issue de la branche Kishû des Tokugawa (donc pas de la lignée principale).
(3) Issu de la branche Hitotsubashi. Le pavillon est rapidement interdit aux hommes, il n’y a plus de Grand Intendant (il occupe les mêmes fonctions aux appartements du shogun mais avec moins de pouvoirs).
(4) Arrivée du Commodore Perry à Uraga en 1853.
La présentation des personnages
(cliquez sur l’image pour la voir en plus grand)
Ce petit guide est réalisé avec l’aide précieuse d’a-yin, une grande amatrice (et lectrice) de Fumi Yoshinaga . Ceci sera encore plus vrai lors des prochains billets consacrés à la mangaka. Si vous souhaitez commencer la lecture de la série, n’hésitez pas à la commander à votre librairie préférée, aucun tome n’est en rupture. Vous pouvez aussi passer par la boutique en ligne de l’éditeur Kana, ou utiliser votre site de vente par Internet habituel.
On ne peut d’ailleurs rien reprocher à Kana qui suit d’assez près la parution originale dont le rythme assez lent.
Je ne remercierai jamais assez Kana d’avoir publié Basara et de publier Kamakura Diary et donc, Le pavillon des hommes, mais… dans ce dernier cas, la traduction proposée jusqu’à récemment ne faisait pas – je trouve – honneur à la série, multipliant les phrases lourdes et longues. Je suis donc assez ravie que le flambeau ait été passé à Miyako Slocombe.
Mais si on peut dire que la traduction est une affaire de goûts (même si je ne pense pas être la seule à m’en être « plainte »), j’ajouterais qu’en plus, l’organigramme que tu publies intervient bien tard dans la parution. Je ne doute pas qu’il s’agit du même de celui de la VO, mais raison de plus pour proposer, bien en amont, un panorama de l’Histoire des shôgun et pourquoi pas, quelques pages explicatives. Enfin, j’imagine que tout ça a un coût et ne se fait pas sur un claquement de doigt (mais justement…).
Malgré tout, je suis avec beaucoup de plaisir ce très joli et bon titre et j’ai presque hâte de pouvoir les relire tranquillement d’une traite.
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Et merci pour ce guide, j’oublie la politesse de base !
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Pour l’instant, je suis en train de finir la relecture du tome 7 (la partie II-1 du petit guide ne va pas tarder) et c’est toujours Samson Sylvain qui est à la traduction. Je me souviens qu’il y a eu des reproches qui ont été fait à l’époque sur ce point, mais je suis incapable de voir les problèmes. J’espère que je verrai le changement de qualité une fois que ce sera Miyako Slocombe à la traduction 🙂
Sinon, au Japon, je sais qu’un guide des personnages a été proposé en plus du tome je-ne-sais-plus-combien,Et depuis le tome 10, il y a les deux pages de présentation des personnages en début de volume, réactualisées à chaque nouvelle sortie. Preuve que cela manquait en effet, même au Japon et ça aurait dû être fait depuis le tome 2 🙂
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Tu as quand même fait un commentaire sur la traduction d’Aromantic (Love) Story, mais ça concernait effectivement la terminologie employée.
Dans le cas du Pavillon (je n’arrivais plus à retrouver mes tomes et donc, à remettre la main sur le nom du traducteur – merci), je n’ai évidemment pas le niveau pour dire si la traduction est juste ou pas, en tout cas, au niveau du sens, peu de choses m’ont choquée.
C’est surtout la fluidité que je ne trouvais pas top : les phrases étaient beaucoup trop longues et tarabiscotées par moment. Je ne doute pas que les dialogues sont extrêmement denses en japonais – et je ne connais pas les conditions de travail du traducteur – mais justement, il me semblait nécessaire de les alléger en français pour que le texte « respire » un peu. Je n’avais pas l’impression de lire des dialogues, mais des descriptions de l’action.
Et je trouve justement que Miyako Slocombe parvient à alléger le texte sans porter préjudice à la compréhension.
Ah, j’adorerais pouvoir lire ce guide des personnages =)
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