
Édouard Cour nous revient plus de trois années après une œuvre formidable, ReV, parue en 2022 chez Glénat. Avec Soli Deo Gloria, comme avec chacune de ses nouvelles créations, l’auteur nous propose une bande dessinée très différente graphiquement des précédentes. Le thème est lui aussi une nouveauté pour le bédéiste. Il met ici en images l’histoire d’un autre, Jean-Christophe Deveney, scénariste et enseignant de son état. Cette fois, le récit se place dans un XVIIIe siècle plein de bruit et de fureur, mais aussi de musique chrétienne. En effet, nous suivons deux jumeaux, Hans et Helma, de leur naissance dans une campagne arriérée située dans le Saint-Empire Germanique à la magnificence de Rome en passant par Venise, Amsterdam et Leipzig. Les aléas de la vie et leur amour de la musique, qu’elle soit instrumentale ou vocale, vont leur permettre de dépasser leur condition paysanne miséreuse et connaître les ors de la haute société européenne. Leurs talents et leur soif d’apprendre sont tels qu’ils réussissent à se faire remarquer à plusieurs reprises par de puissants personnages et, ainsi, à parfaire leur art. Néanmoins, attention à rester humble et à ne pas se croire supérieur à ce que l’on est réellement sous peine de chuter plus bas que terre.






Soli Deo Gloria reprend de nombreux codes du roman d’apprentissage, genre apparu en Allemagne au XVIIIe siècle (tiens, tiens…) au point d’en être une caricature en cochant tous les points abordés dans la fiche Wikipédia. C’est d’ailleurs là la faiblesse de cet ouvrage : un scénario un peu trop convenu et manquant d’originalité, de surprise, quoique très bien documenté du point de vue historique. Le nom des personnages historiques et des villes sont changés pour marquer l’aspect fictionnel de l’histoire sans que cela apporte quoique ce soit au récit. Pourtant, Jean-Christophe Deveney n’est pas un débutant dans cet exercice, comptant plusieurs dizaines de créations. L’auteur de la présente chronique a d’ailleurs eu l’occasion d’en lire quelques-unes mais seule l’œuvre collective Héro(ïne)s : la représentation féminine en bande-dessinée a réellement trouvé grâce à ses yeux avant Soli Deo Gloria. Heureusement, le titre est porté par le graphisme somptueux d’Édouard Cour. Utilisant à nouveau un noir et blanc agrémenté de touches de couleur signifiantes, l’artiste change à nouveau de registre, plus réaliste et s’essaye à un mélange de techniques de dessin sur papier et d’ajouts numériques. Le résultat est bluffant, magnifique, une fois de plus. L’exposition-vente à la galerie Achetez de l’Art de certaines des planches originales permet d’ailleurs de mieux apprécier ce travail en comparant celles-ci aux pages imprimées.






Dans une vidéo promotionnelle de Dupuis, Édouard Cour explique à un moment sa volonté de revenir au dessin en noir et blanc, ainsi que de donner un certain effet à ses planches en posant (peignant) numériquement deux types de trames, une foncée et une plus claire. Le résultat est plus que concluant, mais malheureusement, il ne ressort correctement que sur la version imprimée de l’œuvre, les trames ne supportant pas les réductions imposées par une lecture sur un écran, que ça soit celui d’une liseuse / tablette ou d’un ordinateur. Il y a ainsi de la matière, du volume dans les décors. Les sons sont représentés par des traits acérés qui forment des mots, si on regarde bien. Ce sont de véritables onomatopées, mais plus visuelles que lisibles. Les touches de couleurs sont principalement utilisées pour la musique et le procédé fonctionne bien. Ce n’est pas la première fois qu’Édouard Cour se frotte à la représentation visuelle de la musique. Il y a quelques années, il avait été chargé de créer des représentations visuelles pour le Centre de Documentation de la Musique Contemporaine.






Il s’agit d’une des sorties les plus marquantes de l’année, en tout cas sur le plan visuel, avec un sujet pouvant toucher un public bien plus large que celui des lectrices et lecteurs de bandes dessinées. Par ailleurs, une lecture avec, en fond sonore, une playlist de musiques baroques, à commencer par les titres les plus connus de Vivaldi et de Bach, est conseillée.

Auteurs : Jean-Christophe Deveney & Édouard Cour
Éditeur : Dupuis
Prix : 30 €
Format : 24 x 32 cm, 280 pages
Couverture : Cartonnée
ISBN : 9791034768974
Date de sortie : Octobre 2025
Existe aussi en version numérique






































































































