FIBD 52, bravo les expos !

À la différence de l’année précédente, je n’avais prévu d’être sur le festival que deux jours et demi au lieu des quatre et demi de 2024, en raison d’un programme peu motivant sur le papier. Une demi-journée perdue pour cause de panne de voiture (heureusement, au départ de l’hôtel le vendredi matin), il ne me restait plus assez de temps pour profiter pleinement de la cinquante-deuxième édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. Du coup, comme peu de rencontres m’intéressaient, j’ai « sacrifié » la bulle du Nouveau Monde par manque de temps au profit des expositions me motivant le plus. J’ai bien fait tant celles-ci étaient variées et réussies cette année, que ce soit celles montées par 9e Art+ ou celles proposées par la Cité.

Les expositions du festival

Sur les neuf expositions « officielles » du festival, je n’en ai fait que cinq. Sur les sept de la Cité, j’en ai fait quatre. Et sur ce total de neuf, quatre ont été faites plutôt rapidement, plus pour voir à quoi elles ressemblaient et prendre des photos (pour éventuellement lire des cartels plus tard). Elles ne m’intéressaient pas plus que cela. Il sera possible de voir de nombreuses photos de la plupart des expos dans le prochain compte rendu « Des Mangaversien·ne·s à Angoulême ».

Le vendredi a été le plus « productif » car en une demi-journée, j’ai visité Plus loin, la nouvelle Science-Fiction puis Super-Héros & cie, l’art des comics Marvel et enfin Lou ! Cher journal… (là, je l’ai plus parcourue qu’autre chose par manque de temps). Clou de la journée : la quasi-inaccessible L’Atelier des sorciers : la plume enchantée de Kamome Shirahama (visitée en nocturne en entrée payante avec horaire choisi). Le samedi, journée habituellement infernale tant il y a du monde partout, a commencé par Posy Simmonds. Herself, suivie par la traversée au pas de course de Constellation graphique, jeunes autrices de la bande dessinée d’avant-garde. Cela s’est ensuite terminé par la visite express (trop de monde, pas d’intérêt pour le sujet, mais j’ai quand même acheté le catalogue) de Gou Tanabe × H.P. Lovecraft, visions hallucinées. J’ai tout de même eu le temps de remarquer que les planches « originales » du mangaka sont bien plus intéressantes que le produit fini qui est alourdi par les effets informatiques et les trames posées à la truelle. Enfin, le dimanche a été consacré à l’exposition Superman. Le héros aux mille-et-une-vies, tout en profitant de sa proximité (car situé sur le chemin) pour voir l’hommage rendu à Fawzi, le routard du crayon.

La tradition de privilégier les planches originales a été respectée à chaque fois même si les reproductions étaient aussi présentes en nombre. La scénographie était travaillée avec un gros travail sur les décors et les ambiances pour les expositions dites « immersives ». C’était le cas des trois expos mangas (même si je n’ai pas fait celle sur Vinland Saga) ainsi que celles dédiées à Superman, la SF et à Lou.

J’ai beaucoup apprécié l’expo SF pour la diversité des planches et des thèmes même si ça manquait de Fabrice Neaud (l’excellent mais boudé Nu-men, ainsi que Labyrinthus). Par contre, joie ! Il y avait du Édouard Cour avec ReV. Bien entendu, il y avait les habituelles planches de Mézières, mais on ne s’en lasse pas, tout comme celles de Mœbius. L’expo dédiée à Superman était vraiment réussie alors que je n’apprécie pas le personnage et que j’avais quelques doutes étant donné que depuis quelques années, ce n’était pas vraiment ça, les expos au Vaisseau Mœbius. Celles du Musée de la BD étaient, elles aussi, meilleures que celles que la Cité nous proposaient depuis Calvo, un maître de la fable (réalisée à l’époque en partenariat avec 9e Art+, ce qui doit expliquer sa qualité). Les expos au Musée de la BD et au Vaisseau Mœbius sont toujours là (sauf la très bonne expo consacrée à Marvel qui vient de fermer), donc si vous passez dans le coin…

L’exposition consacrée à Posy Simmonds était très intéressante car très différente des deux que nous avions pu voir auparavant (à Pulp Festival et à la BPI), avec un développement intéressant sur les auteurs et autrices qui avaient notablement influencé l’autrice. Elle est visible au Musée d’Angoulême jusqu’à la mi-mars, il est encore possible d’en profiter. Par contre, oubliez Constellation graphique, ça ne présente aucun intérêt. Il faut dire que la BD d’Avant-garde n’a que très rarement eu l’heur de me plaire et là, ce n’était pas le cas.

Des expositions en libre d’accès

Un certain nombre d’expositions sont accessibles sans être festivalier. En effet, entre le Off, le Off du Off et d’autres activités profitant du festival, il y a de quoi faire. De plus, la bande dessinée espagnole était à l’honneur cette année, ce qui se concrétisait, entre autres, par Le 9e Art espagnol à l’honneur sur le parvis de l’Hôtel de Ville qui dressait un intéressant panorama. J’ai profité d’un court instant de répit pour voir ce que l’Association du FIBD proposait cette année : un recensement photographique des fresques BD disséminées dans la ville. Enfin, trois d’entre nous sommes allés à l’exposition-vente Quand la SF se fait prophétesse afin de rendre un dernier hommage à Florian Rubis, co-commissaire mort subitement quelques jours avant l’ouverture du festival et que j’avais prévu de saluer à cette occasion.

Conclusion

Ce fut donc une édition tournée vers les expositions, ce qui est d’ailleurs ce qui nous intéresse le plus à Angoulême (sauf pour l’un d’entre nous qui préfère les rencontres de toutes sortes). Je n’ai suivi que trois rencontres le samedi, la masterclass de Posy Simmonds (qui se déroulait partiellement en même temps que celle de John Romita Jr, il faut le faire…), la rencontre internationale « “So British!” La BD, un art de l’underground ? » avec Bryan Talbot, Joff Winterhart et Jon McNaught mais malheureusement mal animée (il aurait fallu laisser seul Paul « magnific » Gravett aux commandes), et ce qui était presque plus une conférence, « Une femme du Japon, rencontre autour de Shinkirari, de l’autre côté du rideau, la liberté » .

Cela fait peu. J’aurai bien aimé assister à « Super-héros japonais… made in France ! Rencontre avec Mathieu Bablet & Guillaume Singelin, auteurs de Shin-Zero » mais j’étais un peu empêtré dans mes petits problèmes de voiture à 30 kilomètres de là. J’étais plus proche pour « La nouvelle science-fiction » avec Lisa Blumen, Guillaume Singelin, Mathieu Bablet et Ugo Bienvenue, mais je ne pouvais pas arriver assez vite car il y avait un peu trop de chemin à faire entre le Champs de Mars et le Vaisseau Moebius pour le temps dont je disposais. J’ai donc préféré aller à Manga City pour papoter avec quelques copains éditeurs. Chez IMHO, j’ai tout raté : plus de Claude Leblanc en dédicace, et même plus de son nouveau bouquin (mais Benoit s’est arrangé pour corriger ça, et merci à Claude pour sa gentille dédicace après coup). À l’arrivée, c’est une édition qui s’est révélée plus plaisante que prévue grâce à des expositions de grande qualité, ce qui était moins le cas depuis quelques années.

Je remercie 9e Art+, l’Agence La Bande, notamment Arnaud Labory, Anaïs Hervé et Vincent-Pierre Brat, l’Association FIBD Angoulême, la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image pour tout leur travail et la possibilité de nous permettre de profiter du festival dans des conditions privilégiées. Je remercie aussi Manuka pour sa relecture.

Mangaverse, 20 années d’expositions

Décembre 2024 est passé ; c’est une date anniversaire représentant 20 années d’expositions (avec un petit groupe de Mangaversien·ne·s). Voilà donc une bonne occasion de faire un petit retour en arrière sur 460 visites, après celui fait il y a six ans à l’occasion de ma 300e exposition.

Pour être comptabilisée comme telle, je rappelle que je ne dois pas avoir fait l’exposition seul (il y en a quelques unes dans ce cas, par exemple Goscinny et le cinéma en 2017 ou Alix, l’art de Jacques Martin en 2020 ), elle doit être temporaire tout en ne se limitant pas au temps d’un festival ou d’une convention (ce qui en élimine un certain nombre, notamment lors du FIBD ou du SoBD). Enfin, je dois en avoir une trace photographique (ce qui en élimine deux, de mémoire, dont une en 2002 sur des kimonos).

Quelques chiffres

Pour se remémorer cette période, rien ne vaut quelques petits graphiques et tableaux. Commençons par une représentation du nombre de visites d’exposition par an :

Nous voyons une progression sur la toute fin des années 2000, et qui va jusqu’au pic de 2017, même s’il y a eu un petit décrochage à un moment. Ce pic m’avait d’ailleurs conduit à écrire un billet sur ce qui devenait une boulimie et de la nécessité de se calmer un peu. L’essor du nombre de visites des années 2009-2012 correspond à l’arrivée de beanie_xz sur Paris pour ses études. Son entrée dans le monde du travail a donc provoqué un premier recul. Nous observons aussi un gros décrochage lors des années COVID puis un retour vers la normale qui devrait être atteint en 2023. En effet, si la moyenne annuelle est de 23 expositions, je considère qu’il ne faut pas prendre en compte les 5 premières années et les deux concernées par le COVID, ce qui nous donne une moyenne de 30.

La quantité c’est bien, le contenu, c’est mieux. Le tableau suivant classifie ces 460 expositions selon leur thème principal :

TypeNombre d’expositions
Architecture14
Arts108
BD-Comics-Manga-Illustration162
Cinéma13
Culture Asiatique38
Culture autres régions25
Culture Occidentale16
Design10
Divers20
Jeux vidéo3
Jouets4
Littérature4
Mode8
Photo32
Science3
Total 460

Deux thèmes d’expositions sont largement devant les autres : la bande dessinée (au sens large) et les arts. Dans ce dernier cas, il s’agit principalement principalement d’expositions (monographiques, ou thématiques) de peintures, d’estampes ou de sculpture. Mais cela peut aussi relever des arts plastiques, décoratifs, être pluridisciplinaire, ou couvrir un ou plusieurs mouvements artistiques, allant du Moyen-âge à l’art contemporain, avec une appétence très nette pour l’impressionnisme et l’art moderne. Bref, ça ratisse très large… Je m’amuse à lister tous ces expositions sur une page web, les personnes curieuses ont ainsi accès à une liste complète et généralement à jour.

À une époque, nous faisions pas mal d’expositions photo mais cela n’est plus vrai depuis plusieurs années. Les manifestations présentant la culture d’un pays ou d’un continent sont souvent les plus fédératrices (par exemple sur les kimonos, l’art de manger en Afrique ou sur une période historique comme la dynastie Tang). Les expositions relevant de la culture occidentale sont généralement historiques (les Étrusques, la Croatie médiévale, la Régence à Paris par exemple). Par contre, l’architecture n’intéresse qu’une toute petite partie de notre groupe de Mangaversien·ne·s.

Il est important aussi de distinguer le type des institutions concernées. Il y a les Musées loin devant les autres espaces culturels (publics ou privés). Cette distinction de la typologie des lieux fait apparaître l’importante prise par les visites en galeries sur les trois dernières années. Il s’agit dans ce cas d’expo-ventes liées au monde de la bande dessinée, nous permettant parfois de profiter d’un vernissage pour rencontrer l’auteur concerné, pouvant faire ainsi nos fanboys ou nos fangirls.

LieuxNombre d’expositions
Musées235
Espaces culturels / Fondations & instituts / Maisons de la culture147
Galeries44
Bibliothèques / Médiathèques / Cinémathèques 22
Hôtels de ville / Mairies9
Autres3

Les musées sont donc, sans surprise, nos lieux privilégiés. En première place, nous avons le Musée du quai Branly (35). Le Musée Guimet et le Centre Pompidou (29) précèdent ex-æquo de peu le Grand Palais (25). En cinquième position, nous trouvons la Ferme du Buisson (20) à Noisiel, un centre culturel qui proposait de nombreuses petites expositions sur la bande dessinée à l’occasion du Pulp Festival (mais qui duraient au delà du festival). Puis vient le Musée de la bande dessinée d’Angoulême (19). Il ne faut pas confondre ce dernier avec le Musée de la ville d’Angoulême (16) qui suit juste après dans mon classement. En effet, nous profitons du FIBD pour voir les expositions proposées à cette occasion, et elles durent généralement au-delà du célèbre festival de BD. Enfin, la Maison de la culture du Japon à Paris et le Petit Palais (13) ferment ex-æquo la liste des établissements à plus de dix visites.

Comme déjà dit, nous allons de plus en plus dans des galeries d’art pour voir des expositions-ventes de planches originales de BD, surtout depuis le COVID. Dans cette catégorie, la Galerie Barbier (9) est devant la Galerie du 9ème art (6) qui, elle-même, est devant Arts Factory (7). Puis vient la Galerie Martel (4). Néanmoins, c’est la Galerie Huberty & Breyne (3) qui me laisse les meilleurs souvenirs, en raison des auteurs concernés : Fabrice Neaud et Frederik Peeters. Paris regorge de ces lieux, nous pourrions pratiquement y aller toutes les semaines.

Souvenir et nostalgie

Voici une séquence nostalgie avec vingt expositions qui m’ont laissé un excellent souvenir, parfois pour des raisons autre que le thème ou les œuvres proposées.

Première période (2004-2009)

Les débuts, c’est toujours un peu émouvant. Et quels débuts ! Au Grand Palais pour une exposition sur les estampes du Monde Flottant. C’était aussi une époque où les expositions de la Cité des sciences étaient développées, ici sur Le Monde de Franquin. J’ai eu la chance de voir à temps les fameux Musées imaginaires de la bande dessinée au Centre National de la Bande Dessinée et de l’Image d’Angoulême en 2007. Autre exposition non parisienne dont je garde un excellent souvenir, celle consacrée à Émile Cohl au Musée-chateau d’Annecy. Pour clore la période, quoi de mieux que des estampes japonaises ?

Progression (2010-2015)

Il s’agit d’une période d’une grande variété de thèmes avec de la peinture au Grand Palais, de la science-fiction à la Cité des sciences, des phares au Musée de la marine, de la mode aux Arts déco, de la BD (Mézière) à la Mairie du Ve et de l’art contemporain à Beaubourg, Mona Hatoum réussissant l’exploit à me faire voir de l’intérêt dans ce mouvement artistique.

Toujours plus (2016-2019)

L’inflation des expositions ! Il a fallu faire des choix difficiles mais ces quatre ont été particulièrement marquantes : La sonore Grand Orchestre des Animaux à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, les photos si déprimantes de Gao Bo. Les offrandes à la Maison Européenne de la Photographie, l’étonnant mélange entre Artistes & Robots au Grand Palais et la musicale Charlie Chaplin, l’homme-orchestre à la Philharmonie de Paris. En fait, j »aurai pu facilement doubler ou tripler le nombre de photos pour ces quatre années.

La période COVID (2020-2021)

Retour aux fondamentaux : la bande dessinée, que ça soit par exemple en galerie avec David B. ou en musée avec Uderzo, a été le thème quasiment unique des expositions vues entre deux confinements et restrictions liées aux jauges.

La reprise (depuis 2022)

Si j’ai choisi de mettre en avant Boldini – Les plaisirs et les jours au Petit Palais, c’est pour montrer que je peux aussi apprécier la peinture figurative, notamment l’art du portrait. L’expo-vente Fabrice Neaud – Le Dernier Sergent à la Galerie Huberty & Breyne illustre l’importance prise par cette activité. Enfin, Métro ! Le Grand Paris en mouvement à la Cité de l’architecture et du patrimoine clos cette rétrospective en 2024, alors que Zombis – La mort n’est pas une fin ? au Musée du quai Branly ouvre une nouvelle période en 2025, ce qui pourrait être le début d’une nouvelle boulimie.

SoBD 2024

L’année des festivals, salons et conventions se termine traditionnellement pour notre petit groupe de Mangaversien·ne·s début décembre avec le Salon des ouvrages de Bande Dessinée. Cette édition était particulière pour moi, pouvant faire mon fan-boy auprès d’un des deux invités d’honneur. En réalité, je me suis contenté d’écouter Fabrice Neaud lors de ses tables rondes (j’aurais pu aller à sa masterclass du vendredi soir si je m’étais mieux organisé) et d’admirer les planches exposées au Musée éphémère, quasiment un an après en avoir vu une belle série lors de son expo-vente à la Galerie Huberty & Breyne. Qu’est-ce que c’est bô ! 🙂

Traditionnellement, nous nous rendons le samedi après-midi à SoBD surtout pour trois activités : faire le tour des stands afin de réaliser quelques achats, suivre des rencontres / tables rondes et admirer les planches exposées au Musée éphémère. Cette année, je dois avouer que j’ai passé peu de temps sur les stands, me contentant de trois exposants : J’ai, LGBT BD et Stripologie. Il s’agissait pour moi, avant d’aller écouter Fabrice Neaud, d’acheter le dernier numéro du fanzine J’ai dans lequel j’ai une de mes (rares) contributions au groupe Facebook éponyme, de bavarder un peu avec quelques « J’AIistes ». J’en profite pour remercier Hugo pour la Po-j’ai-te spéciale cartes PLG. Ensuite, je n’allait pas manquer d’aller acheter le tome 1 (dédicacé) du recueil Le Mini de la Semaine de Jean-Paul Jennequin et de l’écouter parler (c’est toujours aussi fascinant, surtout quand a-yin est en face pour le relancer).

Une fois terminé le cycle des tables rondes avec Fabrice, je suis allé acheter les numéros (encore disponibles) de la deuxième version de Bananas dans lesquels il y a des contributions dudit Fabrice, information donnée par Évariste Blanchet lors de la présentation de la célèbre revue. C’est qu’il ne fallait pas tarder pour les numéros 2 et 3 dont il s’agissait des derniers exemplaires (le 4 est encore en vente en ligne). Ainsi, j’ai d’autres créations des débuts de Fabrice Neaud qui viennent s’ajouter à celles de la défunte revue ego comme x. J’ai aussi ramené Meurtre télécommandé (un achat en défraichi d’a-yin sur le stand de Tanibis), une lecture du lendemain qui s’est révélée être excellente, dont j’ai prévu un billet WordPress et un achat futur, en plus de m’intéresser de plus près à Paul Kirchner.

Comme toujours, le Musée éphémère proposait une belle et dense sélection de planches. Il y en avait environ 80 qui couvraient un peu moins de trente années de créations de Fabrice Neaud. Cette exposition rétrospective permettait d’apprécier l’évolution graphique de l’auteur, dont le dessin s’est affiné au fil des ans, notamment sur la représentation des volumes et de la lumière. Néanmoins, son style réaliste reste immédiatement reconnaissable (tout comme sa narration), les fondamentaux étant déjà en place trente années auparavant. J’ai tout particulièrement apprécié la présence de planches d’Alex et la Vie d’après (je n’ai qu’un PDF en basse définition) et de Nu Men. Je pleure toujours de ne pas pu avoir de tome 3 alors que appréciais tout particulièrement cette série de science-fiction (bien plus que Labyrinthus), ce qui a entrainé une fin précipitée et plutôt ratée de mon point de vue. Néanmoins, le plus intéressant était de voir quelques-uns des fameux carnets de Fabrice. Leur qualité graphique est incroyable !

Repas bulled’air oblige, je ne suis pas resté à la remise du Prix du récit dessiné de la Scam ni à celui du prix SoBD Neuvième art. Il faut dire aussi que ce n’est pas un exercice qui m’intéresse tout particulièrement. Toujours du fait d’un conflit d’emploi du temps, je ne suis pas retourné dimanche pour essayer d’avoir une dédicace de Fabrice Neaud (j’en ai obtenu une en début d’année au FIBD, la troisième en vingt ans) ou pour mieux regarder la petite exposition consacrée à la bande dessinée luxembourgeoise, le pays invité. Toutefois, l’édition 2024 restera dans mon esprit comme une très bonne cuvée (avec 2018 et quelques autres plus anciennes) malgré le peu de temps passé sur place.

Angoulême 52, c’est reparti !

Ce jeudi 21, sous une météo de plus en plus neigeuse sur la Région Parisienne (ce qui m’a rappelé l’édition 2006 du FIBD et son samedi interrompu par la neige), a eu lieu la conférence de presse de la cinquante-deuxième édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, cette fois sise au Musée de la Marine. La priorité étant donnée aux foutus réseaux sociaux, nous étions déjà au courant de la majeure partie du programme des expositions (ce qui intéresse le plus notre petit groupe de Mangaversien·ne·s). Néanmoins, j’ai toujours envie de m’y rendre, année après année, histoire de lancer (dans mon esprit) cet événement annuel francophone qu’est le FIBD, ainsi que pour revoir quelques connaissances.

Dans un auditorium bondé (les 200 places étaient toutes prises), les discours de Franck Bondoux, le délégué général, de Marguerite Demoëte, la directrice artistique et de Fausto Fasulo, le directeur artistique Asie, ont confirmé l’évolution amorcée l’année dernière : la volonté de s’adresser au jeune public afin de former les futurs lecteurs et futures lectrices à culture de la bande dessinée. S’appuyant sur les réseaux sociaux, les pôles Jeunesse et Manga sont devenus les fers de lance du festival. Les expositions doivent être « participatives et festives » tout en suscitant l’envie de lire. Moi qui aime le sobre et le travaillé, on ne peut pas dire que ça m’enchante plus que ça. Néanmoins, heureuse surprise pour cette prochaine édition : une nouvelle mise en avant du comics, celui dit « grand public » que je connais si mal, notamment avec une grande exposition consacrée à Superman. Le retour de la tradition du pays invité (l’Espagne pour 2025, après le Canada en 2024) montre aussi une volonté de continuer à développer une dimension cosmopolite, notamment par le biais de rencontres entre éditeurs du monde entier qui se fera, comme depuis quelques temps, dans une bulle dédiée. Ainsi, le festival mérite bien son qualificatif d’international.

Nous avons donc huit expositions d’importance qui nous seront proposées entre le 30 janvier et le 2 février (dès le 29 janvier pour la presse et les pros). Au Musée d’Angoulême, il n’y aura pas de manga, une première depuis 2016. À la place, nous aurons « Posy Simmonds. Herself » (jusqu’à la mi-mars) ainsi que « Hyper BD : une exposition dont vous êtes les héro-ïne-s » qui sera, pour cette dernière, interactive et s’adressant à un plus jeune public. Au Vaisseau Moebius, nous pourrons voir « Superman, le héros aux mille-et-unes vies » qui durera jusqu’au 10 mars. La médiathèque L’Alpha hébergera « l’immersive » exposition dédiée à « Vinland Saga : une quête d’identité ». Il faudra beaucoup de courage et de patience pour aller voir « L’Atelier des sorcières : la plume enchantée de Kamome Shirahama » car située dans l’Hôtel Saint-Simon et sa jauge minuscule. Il faudra aussi avoir du temps à perdre pour aller voir « Gou Tanabe x H.P. Lovecraft : visions hallucinées » dans la salle Iribe de l’Espace Franquin tant je pense qu’elle sera fréquentée. Ce sera d’ailleurs la seule exposition qui bénéficiera d’un catalogue. « Julie Birmant, les herbes folles » mettra en valeur la scénariste primée l’année dernière par l’institut René Goscinny à travers ses créations pour (notamment) Clément Oubrerie et Catherine Meurisse, ça se passera au Musée du papier (jusqu’à la mi-mars). Enfin, le Quartier Jeunesse abritera l’exposition « La BD règle ses contes » qui présentera cinq univers, ceux de L’Encyclopédie du merveilleux, d’Émile et Margot, des Contes fabuleux de la nuit, des Sept Ours nains et de La Quête. Une exposition présentant la diversité de la bande dessinée espagnole sera accessible sur le parvis de l’Hôtel de Ville en plus de celle qui se trouvera dans la bulle dédiée à l’Espagne.

Il est encore bien trop tôt pour avoir la liste de toutes les autrices et tous les auteurs invités mais nous avons cinq « masterclass » annoncées : Posy Simmonds, John Romita Jr, Gou Tanabe, Kamone Shirahana et Makoto Yukimura, les trois dernières se déroulant au Théâtre d’Angoulême. Je dois avouer que ce ne sont pas ces trois derniers noms qui m’intéressent le plus, loin de là. Le Quartier Jeunesse proposera de nombreuses animations à destination d’un public familial, notamment grâce à l’espace gagné sur feu les Studios Paradis et le développement de la Halle des découvertes. Mais cela ne concernera pas vraiment notre petit groupe de Mangaversien·ne·s, il faut le dire. En ce qui concerne les éditeurs présents, ils seront nombreux à Manga City (les plus importants seront tous là) et nous ne manquerons pas de passer dire un petit bonjour à certains d’entre eux comme Akata, IMHO, Kana, Kotoji, Naban, etc. sans oublier d’aller voir les manhua de Hong Kong et de Taïwan. Globalement, il n’y a pas de réel changement au niveau des bulles éditeurs et, comme tous les ans, nous passerons bien plus de temps au Nouveau Monde sur les stands de certains éditeurs ou dans la partie fanzine qu’au Monde des bulles. Il faut me l’avouer, nous serons peut-être plus intéressé·e·s par le programme du Musée de la Bande Dessinée, à commencer par l’exposition « Super-héros & Cie. L’art des comics Marvel » mais aussi « Plus loin. La nouvelle science-fiction », « Trésors des collections » et pour au moins l’un d’entre nous « Lou ! Cher journal… ». Car, en effet, le programme annoncé par le festival ne nous enthousiasme pas plus que cela.

Comme tous les ans, je n’ai pas vraiment de commentaire à faire sur les différentes sélections, me contentant de me réjouir de la présence de tel ou tel titre ou de constater que la bande dessinée asiatique hors manga est toujours aussi ignorée par le festival. D’ailleurs, il y a beaucoup moins de bande dessinées japonaise en lice cette fois et c’est tant mieux tant je trouvais que ça faisait forcé / copinage depuis quelques années. Les cinq titres mis ici en avant ont fait ou vont faire l’objet de billets sur ce présent blog et leur sélection m’a donc fait tout particulièrement plaisir. Cette sélection officielle permet aussi de se rappeler que tel ou tel ouvrage que l’on avait raté à l’époque de sa sortie mérite qu’on s’y attarde et qu’il est peut-être temps de songer à s’y mettre. Car, il faut le dire, je n’ai pas lu grand-chose cette année : six titres (plus deux autres de prévus) sur les 44 de la sélection officielle, ça fait peu. En patrimoine, j’en suis à deux plus un, et c’est tout… Voilà qui confirme que je me suis un peu éloigné de la bande dessinée en 2024.

Grâce à une équipe renforcée, la nouvelle direction artistique du festival prend de plus en plus ses marques, et c’est tant mieux même si elles n’ont pas l’heur de me plaire (et je dirais que c’est une bonne chose pour la réussite publique du festival). Je continue à regretter les années du Manga Building (nostalgie, quand tu nous tiens) ou les années Beaujean (mais là, ce n’est pas de la nostalgie, juste une préférence pour ce qui nous était proposé durant ces années-là). Il n’empêche que je ne doute pas un seul instant de passer deux bonnes journées et demi à Angoulême entre le 30 janvier et le 2 février. D’ailleurs, il ne faudra pas oublier d’aller manger une fois dans le Quick devant l’Hôtel de ville, histoire de fêter le nouveau sponsor titre du festival 🙂

Je remercie Manuka pour sa relecture, ainsi que 9e Art+ et l’Agence La Bande, notamment Vincent-Pierre Brat, pour leur invitation à la conférence de presse de l’édition 2025 du FIBD.

Angoulême, la cinquantième !

La conférence de presse de la cinquantième édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a eu lieu ce lundi 28 novembre. Cette année, elle était située à la BNF Richelieu, dans la salle Ovale, nouvellement rouverte au public et proposant plusieurs milliers de BD dont de nombreux mangas. Impressionnant !

Depuis la réunion éditeur du mois de septembre, votre serviteur fait le grognon et critique le choix des expositions mangas qui n’ont pas l’heur de lui plaire. Et ce ne sont pas les horribles affiches et le flou sur le programme qui ont arrangé son humeur. Il faut dire qu’assistant au raout de fin janvier depuis 2004, il lui est difficile de ne pas se dire que c’était mieux avant alors qu’on a là une édition anniversaire.

C’est ça de devenir un vieux con blasé 😊… Cela ne m’empêchera pas de présenter un nouveau mini-site « Des Mangaversien·ne·s à Angoulême » !

La magie d’Angoulême a réussi à agir une fois de plus lors de cette conférence de presse (j’y vais depuis 2009). Est-ce le plaisir de retrouver quelques connaissances du monde de l’édition et de la presse spécialisée ? Est-ce le lieu chargé d’histoire et de livres qui a été choisi pour l’événement ? Quoi qu’il en soit, me voilà regonflé pour aller passer quelques jours dans la ville française de la BD fin janvier. Mais voyons plus en détail ce qui nous est présenté.

2023, une édition tournée vers la jeunesse et le futur.

Celles et ceux qui me connaissent savent mon amour pour les enfants et les réseaux sociaux : je déteste les uns comme les autres, ha ha ! Alors, voir que le festival développe de plus en plus son offre en direction de la jeunesse et sur Internet ne m’enchante pas plus que cela. Néanmoins, il faut reconnaître que c’est une évolution normale et souhaitable. Pfff, il va donc falloir que j’apprenne à utiliser Twitch ou Tik Tok (argl). Le festival ne voudrait pas plutôt aller sur Discord ? Au moins, j’y suis présent. Comme l’a fait remarquer (plus diplomatiquement que les propos suivants qui n’engagent que moi) Franck Bondoux, le directeur délégué du festival, il faut s’ouvrir au futur, ne pas regarder le passé (c’est pour cela qu’il n’y aura pas d’exposition rétrospective sur les 50 éditions du festival) et dépasser la BD « à papa » lue par les quinquas (et plus) qui sont, pour certains, incapables de lire autre chose que les séries de leur enfance. Le web est appelé à dépasser le papier, du moins auprès des jeunes. D’ailleurs, concernant le Quartier Jeunesse, je suis assez intéressé par l’exposition qui sera dédiée à la scénariste Marguerite Abouet, même si je n’ai rien lu de l’autrice. Et je me souviens d’y avoir vu une excellente exposition dédiée à Tom-Tom et Nana de Bernadette Després. Le Quartier Jeunesse aura encore un peu plus de place que les années précédentes, toujours aux Chais.

Du manga, beaucoup de manga

Les jeunes lisant du manga, la bande dessinée japonaise va aussi bénéficier d’un effort pour offrir un espace plus grand et plus attractif. Situé dans des bulles hors du plateau d’Angoulême depuis quelques années, le Quartier Manga va investir la Halle 57, un vieux bâtiment de la SNCF situé à côté de la médiathèque l’Alpha, bâtiment qui devait être détruit et qui va devenir un nouvel espace en dur pour le festival. Cela faisait quelques années qu’on en parlait, ça va devenir une réalité en 2023. C’est ainsi 3800 m² (nettement plus que la bulle située rue Coulomb) qui pourront être proposés aux fans de manga. Les éditeurs auront ainsi de la place pour s’installer. Un habillage rappelant les villes asiatiques (Tokyo, Séoul, Taipei) mettra les festivaliers en conditions pour le futur Manga City des prochaines années (une fois la réfection de la Halle 57 totalement achevée). Nous aurons ainsi le plaisir de retrouver Akata, Des Bulles dans l’océan, Glénat, IMHO, Hong-Kong, Kana, Makma, naBan, Nazca, Pika, Taïwan, etc. Il y aura même un stand Passe Culture, ça va faire hurler quelques grincheux sur un certain forum BD de référence, ha ha !

Trois expositions manga sont annoncées. Il y aura au Musée d’Angoulême Ryōichi Ikegami. À corps perdus, exposition dont je me fiche totalement tant l’auteur ne m’a jamais intéressé, même à mes débuts de lecteur de manga. Le seul point qui peut sauver cette exposition patrimoniale, à mes yeux, est que les commissaires devraient arriver à faire quelque chose d’instructif sur un auteur has been qui n’intéresse plus grand-monde, à part Fausto, le responsable de la programmation Asie. Oui, je suis toujours remonté envers un tel choix… Un catalogue sera proposé mais je ne pense pas l’acheter.

Nous pourrons voir (je ne dis pas admirer) le travail de Junji Ito au sous-sol de l’Espace Franquin (en salle Iribe, donc) avec l’exposition Junji Itō, Dans l’antre du délire. Moi, ça ne me fait pas délirer mais il faut reconnaître que grâce à l’éditeur Mangestu, l’auteur est à la mode actuellement et il mérite amplement une présentation de son travail. De plus, c’est un fidèle du festival. On nous promet une exposition immersive. Nous verrons bien sur place mais je dois avouer que ma curiosité est titillée…

La grosse exposition du festival sera L’Attaque des Titans, de l’ombre à la lumière. Située à la médiathèque l’Alfa, elle devrait être du niveau de l’inoubliable exposition Batman 80 ans de 2019. Dans un décor immersif, 150 planches originales couvrant l’intégralité de la série nous serons proposées. D’ailleurs, étant donné son coût, l’exposition sera payante : il faudra ajouter 10 euros au passe festivalier et elle ne sera ouverte aux professionnels qu’uniquement le mercredi. Il sera toutefois possible d’acheter un billet seul s’il reste de la place (en toute fin de journée, j’imagine) lors des autres journées. Le souci est que je ne prévois pas d’être au festival dès mercredi, ce qui ne me traumatise pas, même si j’aimais bien le titre (mais pas au point de l’acheter).

Sauf contretemps, les trois auteurs concernés par les expositions viendront du Japon et honoreront le festival de leur présence. Il y aura vraisemblablement quelques autres mangaka invité·e·s par différents éditeurs. N’oublions pas la remise du prix Konishi qui récompense le travail d’une traductrice ou d’un traducteur de manga. Sylvain Chollet sera-t-il enfin récompensé ?

De la Franco-Belge, oui, du Comics, non

Les fans de bande dessinée américaine risquent d’être déçus. Aucune exposition sur la création américaine n’est prévue, ni aucun espace dédié : ce sera « passez, il n’y a rien à voir ». Le Canada sera présent grâce à un stand (Pow Pow aussi) dans la bulle du Nouveau Monde. Une exposition dédiée à Julie Doucet, Grand Prix 2022, se tiendra à l’Hôtel Saint-Simon. Il faudra se tourner vers les éditeurs dédiés comme Urban Comics (Panini semble devoir être absent), 404 Comics, Delirium, Komics Initiative, etc. pour pouvoir se prendre une dose d’amerloqueries. Pour ce qui est des invité·e·s en Rencontres Internationales, il est trop tôt pour savoir qui sera présent·e.

La bande dessinée franco-belge va surtout être représentée par l’exposition Les 6 Voyages De Philippe Druillet. Il y aura deux lieux : le Musée d’Angoulême et la chapelle voisine. Je n’aime pas Druillet mais cela pourrait être intéressant. Un catalogue va être proposé et je prévois de l’acheter de suite, afin de ne pas connaître la mésaventure du catalogue dédié à Corben en 2020. Il y aura aussi Dans les yeux de Bastien Vivès au Musée du Papier, mais là, ça sera sans moi. J’espère que l’exposition Couleurs ! sera intéressante. En tout cas, il y aura pour cela de l’espace car située au rez-de-chaussée du bâtiment Castro, pardon, au Vaisseaux Mœbius (c’est à ce détail qu’on voit les vieux festivaliers). Le métier de coloriste a trop longtemps été ignoré malgré son importance. Certainement parce qu’il était essentiellement exercé par des « bonnes femmes ». Au fait, les scénographes, pensez à mettre un peu de lumière, par comme les années précédentes, hein !  Toujours au Vaisseau Mœbius, mais à l’étage, nous aurons Elle résiste, elles résistent, exposition dédiée à Madeleine, Résistante : la rose dégoupillée, de Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud au scénario et Dominique Bertail au dessin.

Et le reste…

Au rez-de-chaussée de l’Espace Franquin, il sera possible d’admirer 50 regards d’autrices et d’auteurs (dont Derf Backderf, Ino Asano, Florence Dupré la Tour, Tom Gauld, Léa Murawiec, Naoki Urasawa) sur les 50 ans du festival. Intéressant… Un portfolio à 150 € sera même proposé aux plus fortunés d’entre nous. Les amateurs de planches originales et d’illustrations devraient trouver leur bonheur à la nouvelle Place du 9e art. Les autres bulles devraient être reconduites dans une configuration proche de l’édition 2022. Le Spin Off sera à nouveau aux Ateliers Magelis, le Pavillon Jeunes talents au NIL (avec l’exposition Worldwide Comics Explosion présentant dix autrices et auteurs de demain), il y aura un concert dessiné au Théâtre avec Ana Carla Maza et Aude Picault (dont on avait pu apprécier une exposition en 2022), des masterclass (celle de Hajime Isayama est déjà complète), des rencontres Internationales, et d’autres sous le patronage de Télérama ou du Point, des conférences au Conservatoire (vais-je en proposer une ? cela va dépendre du responsable, s’il veut de moi), etc. etc. Il y aura aussi les animations de la CIBDI, avec une exposition dédiée à Fabcaro, entre autres. Stay Tuned, comme on dit…

Pulp Festival 2022, dernière ?

La septième édition du Pulp Festival (il a été annulé en 2020 et 2021) s’est déroulée du 8 au 10 avril avec Lorenzo Mattoti en tête d’affiche. Ce samedi 9 avril, en achetant nos pass expos pour le Pulp Festival, nous avons appris que cela devrait être la dernière édition, Vincent Eches, l’ancien ancien directeur général de la Ferme du Buisson et créateur du Pulp Festival, ayant été nommé directeur général de la Cité Internationale de la Bande dessinée et de l’Image d’Angoulême. Voilà une nouvelle qui nous attriste fortement, ayant pris plaisir à aller tous les ans à Noisiel pour y voir les expositions proposées, et ce, depuis la première édition en 2014. D’ailleurs, la manifestation a fait l’objet d’un billet sur le présent blog et deux mini-sites, un en 2015 et un autre en 2017. Pour cette possible dernière, voici un retour sur les principales expositions qui étaient proposées au public (et qui sont visibles jusqu’à mi-mai).

Mais qu’est-ce que le Pulp Festival ?

La Ferme du Buisson a été créée sur les bases d’une ferme centenaire à la fin du 19e siècle par la famille Meunier, des industriels du chocolat du même nom, qui installent leur chocolaterie dans les années 1850. La ferme est là pour produire des ingrédients nécessaires aux usines, comme le lait, et sert aussi de centre de recherche. En 1960, à la faillite de l’entreprise Meunier, la ferme est rachetée par l’EPA de Marne-la-Vallée pour en faire un centre d’art et de culture qui se met en place durant les années 1970-1980. Depuis 1990, la Ferme du Buisson est une scène nationale à laquelle se sont rattachés par la suite un centre d’art et un cinéma. Lieu d’exposition d’art contemporain et de création, notamment de spectacles relevant des arts du vivant, la Ferme du Buisson organise au fil des années 2000 des événements culturels comme le festival Temps d’images avec la participation d’Arte.

Durant les années 2010, sous l’impulsion de Vincent Eches (arrivé en 2011), la Ferme du Buisson se tourne vers la bande dessinée en lui apportant une vision pluridisciplinaire. Pour cela, l’établissement propose des créations originales mélangeant spectacle du vivant, musique et BD, ainsi que des expositions thématiques qui cherchent à dépasser la simple présentation de planches (souvent prêtées par MEL). Le départ de son directeur vers de nouveaux horizons alors qu’il portait à bout de bras l’organisation du Pulp Festival ouvre donc une période d’incertitudes pour 2023 : aurons-nous une huitième édition ? La Ferme du Buisson pourrait bien se tourner vers d’autres horizons plus en adéquation avec les goûts de la future direction.

Une programmation classique

Comme en 2019, la programmation est organisées autour de deux pôles : les expositions et les spectacles. Les chasseurs de dédicaces ne peuvent pas trouver leur bonheur car les quelques autrices et auteurs sont là avant tout pour discuter de leur art (mais à cette occasion, il y a parfois une petite séance organisée au sein la librairie éphémère). À une seule occasion nous avons assisté à un spectacle, en 2017. C’était de l’art du vivant contemporain, c’était donc très spécial et cela n’a pas eu l’heur de nous plaire, même si c’était une expérience à faire. Nous nous concentrons donc sur les expositions qui sont principalement situées dans quatre lieux : la Piscine, La Halle, l’Abreuvoir et les Écuries (les spectacles sont souvent donnés au Théâtre, au Studio et au Caravansérail). La Médiathèque participe aussi en proposant une mini-exposition et il y a parfois quelque chose à voir au Grenier. Cette année, le Caravansérail est transformé en lieu d’exposition, celle consacrée à Andy Warhol et c’est tant mieux pour nous.

La Halle : Lorenzo Mattotti — Obsessions

Mattotti ! Voilà un auteur que notre trio de mangaversien·ne·s connaissait seulement de nom et de réputation, sans plus. L’occasion était donc belle de mieux connaitre l’Italien par le biais de son travail d’illustrateur et de peintre. Principale exposition de cette édition, il faut reconnaître qu’elle valait le déplacement à Noisiel. Lorenzo Mattotti (représenté par la Galerie Martel) est un auteur de bande dessinée parfait pour le Pulp Festival : il est pluridisciplinaire. Il faut dire qu’avec une carrière de presque cinquante années, il a eu le temps d’explorer différentes voies artistiques. La présente exposition est organisée avec MEL Publisher et FEHL. Il faut dire que Michel-Edouard semble être fan de l’artiste depuis longtemps. Présentant souvent de nombreuses variations sur un même sujet, les peintures et dessins exposées sont superbes. Néanmoins, il faudrait aussi pouvoir voir ses bandes dessinées car ce n’est pas ça qui manque dans la bibliographie de Mattotti. Malheureusement, aucune planche n’est proposée, ce qui occulte cette facette de l’artiste. Par contre, son côté obsessionnel est très bien rendu avec une douzaine de thèmes : l’élégance, l’énergie, l’immensité, l’onirisme, l’aliénation, l’intimité, la solitude, les visages, les paysages, les forêts, le clair-obscur et les métamorphoses. La variété des techniques et des styles, la virtuosité de l’artiste sont tout simplement impressionnantes.

L’Abreuvoir : Catel et Bocquet — Alice Guy, l’étoile oubliée

Après un passage rapide à la médiathèque pour s’apercevoir que les quelques reproductions de Coming In et l’espace Réalité virtuelle ne présentaient que peu d’intérêt, nous voilà en train d’assister à la projection de plusieurs films d’Alice Guy (la plupart de ses réalisations ont été perdues, mais certains films ont survécu dont sa première œuvre) sonorisés par un véritable pianiste, comme à l’époque du cinéma muet. L’exposition est à l’image de la bande dessinée : une forme plan-plan mise au service d’un propos intéressant. En effet, la série de biographies de Catel et Bocquet mettant un coup de projecteurs sur certaines (plus ou moins) oubliées de l’Histoire de France a comme but une lisibilité maximum pour un public peu habitué aux bandes dessinées. Celle consacrée à Alice Guy ne fait pas exception, ce qui n’empêche pas de l’apprécier. Une fois de plus, l’injustice historique faite aux femmes est démontrée, Alice Guy devrait être aussi connue que les Frères Lumière ou Georges Méliès. L’exposition bénéficie d’une jolie scénographie avec de grands panneaux séparant trois grandes zones, une consacrée aux débuts du cinéma avec la reproduction d’une petite salle de projection à l’époque du muet, une deuxième se focalisant sur Alice Guy et la troisième sur les sources iconographiques de Catel.

Le Caravansérail : Typex — Andy Warhol : I’ll Be Your Mirror

Andy Warhol est un artiste (peintre et plasticien) fondamental du Pop art américain et il n’est plus besoin de le présenter. Néanmoins, il a aussi joué un rôle important dans le développement des arts populaires, notamment dans la promotion de la culture hip-hop. Sa capacité à baigner à la fois dans les milieux underground et VIP l’ont placé au centre de la culture américaine durant les années 1960 et 1970. Typex est un auteur hollandais qui a réalisé pendant cinq ans une biographie de Warhol en BD, en adaptant son graphisme et sa narration aux différentes périodes artistiques de l’Américain. Le résultat est exposé ici sous la forme d’extraits (planches originales et reproductions) de l’ouvrage Andy. Un conte de faits disponible chez Casterman. Cette exposition a été créée pour les Rencontres du 9e art d’Aix-en-Provence et aurait dû être proposée en 2020 au Pulp Festival. Covid oblige, il a fallu attendre deux années supplémentaires pour l’avoir ici. Entre-temps, elle a été proposée au Grand Curtius à Liège. Elle est effectivement ludique (on peut entrer sous les applaudissements des artistes et du public), intéressante, esthétique et variée. Il ne reste plus qu’à lire les plus de 560 pages du livre pour se plonger dans une période de bouleversements artistiques aux USA…

La Piscine : Femzine

Habituellement, nous commençons notre visite à la Piscine, cette année n’a pas fait exception. Si ce n’est pas la plus belle des expositions, c’est la plus instructive. Située sur deux étages dans un petit bâtiment situé proche du Théâtre où nous achetons nos billets, Femzine est consacrée à la presse de bande dessinée féminine (et surtout féministe). Après être passé sous un énorme clitoris gonflable rose (et éventuellement mangé une petite confiserie en forme du fameux organe érectile féminin), nous pouvons aller à l’étage où, notamment, Wimmen Comix (une intégrale est sortie en version française), Julie Doucet (Grand Prix du FIBD 2022), l’éphémère revue Ah!Nana sont mises en avant. Une partie importante de l’étage est consacrée à quelques créations et fanzines francophones féministes actuels, étant donné l’absence de publications professionnelles. Neuf autrices (dont Chantal Montellier, Ulli Lust, Florence Dupré-Latour, Fanny Michaélis) ont réalisé autant de couvertures d’un Ah!Nana qui continuerait à paraitre si la censure n’avait pas injustement frappé en 1978. Le retour au rez-de-chaussée permet de trouver un incubazine où visiteuses et visiteurs peuvent participer en réalisant des illustrations. Une petite bibliothèque propose de consulter ouvrages et fanzines féministes. Voilà une exposition intéressante, instructive et édifiante.

Une fois de plus, le Pulp Festival a permis d’apprécier sous diverses formes la bande dessinée durant un après-midi. Il ne reste plus qu’à espérer que la nouvelle direction voudra bien reprendre le flambeau et s’attaquer au fardeau de la lourde organisation d’un festival de bande dessinée qui a su trouver sa place dans notre agenda parisien.

Expositions, un (petit) bilan

Après deux années quelques peu contrariées en matière de sorties (plus ou moins) culturelles, voici un petit bilan couvrant les années 2020 et 2021. En effet, entre fermetures sanitaires, jauges et annulations de manifestations liées à la bande dessinée, j’ai retrouvé un rythme similaire à celui d’il y a une dizaine d’années. En effet, avec 12 expositions (sur 6 sites) en 2020 et 12 (sur 10 sites) en 2021, je suis bien loin des 44 expositions (sur 26 sites) visitées en 2019. Cependant, au delà de la quantité, c’est le changement concernant les lieux qui me semble le plus marquant.

Ces deux dernières années ont donc été un peu particulières en matière de visites d’expositions. Il faut dire que les différents confinements et les règles sanitaires mises en place sont à l’origine d’un très net ralentissement de cette activité principalement dominicale. Si la chute de 2020 s’explique par les confinements successifs et les fermetures des musées pendant de longues périodes, l’absence de reprise en 2021 s’explique surtout par une habitude perdue et la nécessité de réserver sa visite, ce qui est une contrainte lorsqu’on ne sait pas si on pourra être présent ou non le jour J. La fermeture du Grand Palais pour de longs travaux de rénovation, une de nos destinations principales, et l’annulation du FIBD d’Angoulême de 2020 n’ont rien arrangé.

Sur la douzaine d’expositions vues en 2020 et 2021, il est intéressant de voir un changement concernant la typologie des lieux. Alors que les musées avaient nos préférences jusqu’à fin 2019 et même début 2020, ce sont les galeries et les bibliothèques qui sont dorénavant privilégiées, généralement le samedi après-midi et non plus le dimanche matin. Surtout, nous nous sommes essentiellement recentrés sur la bande dessinée. Néanmoins, l’année 2022 devrait permettre de reprendre des habitudes perdues avec, pour commencer, La Collection Morozov à la Fondation Vuitton, et une visite prévue pour la mi-février. Ensuite, le FIBD d’Angoulême (qui aura exceptionnellement lieu en mars) devrait relancer « la machine » pour le reste de l’année. En attendant, voici un petit retour sur ces deux dernières années :

2021 : 12 = 5 en galerie – 4 en bibliothèque – 3 en musée et assimilé
2020 : 12 = 1 en galerie – 3 en bibliothèque – 8 en musée et assimilé
Pour rappel :
2019 : 44 = 0 en galerie – 2 en bibliothèque – 51 en musée et assimilé

2020

L’année 2020 commence sur un rythme élevé. De ces deux premiers mois, je retiens surtout Gemito (1852-1929) – Le sculpteur de l’âme napolitaine au Petit Palais dont les sculptures et dessins sont impressionnants de maitrise. Le Festival d’Angoulême (et ses nombreuses expositions) permet, entre autres, de mieux connaître l’œuvre de Wallace Wood et de Calvo (malgré les défauts de scénographie de cette dernière). Puis c’est l’occasion de découvrir un nouvel espace d’exposition à Paris avec l’Institut Giacometti et Giacometti / Sade – Cruels objets du désir. Intéressant. Le mois de mars débute bien avec les planches surréalistes de David B. à la galerie Anne Barrault puis… plus rien. C’est le confinement, c’est la fermeture des espaces culturels. Ce ne sont pas les expositions peu intéressantes, à l’exception de Miniatures. Le disque pour enfants en France (1950 → 1990), proposées par la Médiathèque Françoise Sagan dans le cadre de Formula Bula, festival annulé pour cause de rechute Covid généralisée, qui relèvent un bien pauvre bilan 2020.

2021

En 2021, le rythme n’augmente pas. Si les espaces culturels sont ouverts, les habitudes sont perdues, des réticences à passer de longs moments dans des espaces confinés et les jauges nécessitant des réservations préalables, sans oublier l’annulation du Festival d’Angoulême font qu’il faut attendre l’été pour retrouver le chemin des cimaises. Cela commence doucement à Compiègne avec À la lumière du soleil levant (car j’y suis un des intervenants), puis c’est Uderzo, comme une potion magique au Musée Maillol qui marque réellement cette reprise. Si l’exposition est un peu trop hagiographique (quelle surprise…), elle permet de se rappeler qu’Albert Uderzo était un dessinateur extrêmement doué. S’ensuit Elles font l’abstraction au Centre Pompidou. La manifestation est intéressante du point de vue de l’histoire de l’Art (et de l’effacement des femmes), il y a des pièces vraiment fascinantes, mais elle se révèle un peu trop répétitive et finalement un peu gavante. Cependant, le retour du Covid entraine un nouvel arrêt des expositions du dimanche, ce que ne compensent pas les quelques visites de galeries souvent peu intéressantes ou instructives. Au moins, elles sont gratuites. Pourtant, voir des planches originales de Jean-Claude Mézières à la Galerie du 9ème art ou de José Roosevelt (et de revoir l’auteur à cette occasion) à la galerie Achetez de l’Art est un réel plaisir. Néanmoins, cela fait peu à l’arrivée pour un bilan… Allez, on y croit pour 2022 même si janvier est parti pour un zéro pointé !

La reprise des expositions : Uderzo

Après une longue interruption de plus d’une année, à l’exception de Formula Bula 2020 (événement annulé au tout dernier moment mais les expositions présentées à la médiathèque Françoise Sagan avaient été maintenues), nous voici repartis pour une nouvelle campagne d’expositions. Après un tour de chauffe à Compiègne pour « À la lumière du soleil levant », et avant « Elles font l’abstraction » à Beaubourg, nous avons enfin repris le chemin des musées en allant voir « Uderzo, comme une potion magique », retrouvant un de nos passe-temps favoris. Voici donc un petit compte-rendu photographique de cette exposition, un peu décevante car un peu trop grand public, mais qui vaut cependant quand même le coup de faire l’effort de se plier aux contraintes sanitaires actuelles (au moins, il n’y avait pas foule grâce au passe sanitaire).

Sur une scénographie très classique mais efficace (organisation chronologique et accrochages sans beaucoup de fioritures), aux cartels assez pauvres en contenu technique et historique mais ayant (comme très souvent) la fâcheuse tendances à l’hagiographie. La première partie, la plus intéressante, nous présente la jeunesse d’Uderzo, rendue difficile par les fascistes puis les nazis (mais moins que pour Goscinny et surtout pour Gotlib qui étaient tous deux Juifs). Les premiers dessins du jeune Français (il a obtenu la naturalisation à ses 7 ans) sont présents en nombre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est impressionnant. Il est regrettable que cette partie couvrant de l’année 1935 (Uderzo à 8 ans) aux années 1947-1948 (avec les réels débuts professionnels de l’auteur à 19 ans puis son départ pour le service militaire) soit principalement cantonnée à une enfilade de petites pièces permettant d’accéder aux deux principaux espaces du premier étage. Elle aurait peut-être mérité un meilleur traitement et de meilleurs développements. Pour les avoir, il est nécessaire de lire le catalogue de l’exposition.

Au début des années 1950, après un court passage dans la presse chez France-Dimanche en tant que dessinateur-reporter, Uderzo relance sa carrière d’auteur de bande dessinée. Son aisance dans un registre extrêmement réaliste ou dans un registre comic strip est tout simplement bluffante. Cette maitrise du dessin lui permet de s’exprimer aussi bien dans des séries comiques que dans des aventures au dessin réaliste, ce qui se retrouvera quelques années plus tard dans le magasine Pilote avec les séries Tanguy et Laverdure et Astérix. Ses rencontres avec Jean-Michel Charlier puis surtout avec René Goscinny permettent enfin au brillant dessinateur qu’est Uderzo d’avoir des scénarios au niveau de ses qualités graphiques. Jehan Pistolet, Sa Majesté Mon Mari et Luc Junior en sont de beaux exemples. L’exposition permet d’admirer un certain nombre de planches de cette période mais on aurait aimé une meilleure mise en perspective et éventuellement un rappel des auteurs majeurs de la bande dessinée franco-belge perçant au même moment. Pour cela, il faut lire le numéro spécial de BeauxArts Magazine consacré à Uderzo et sorti à l’occasion de cette exposition.

Pour ma part, j’ai trouvé qu’il y a trop de place donnée à Oumpah-Pah, surtout comparé à Tanguy et à son compère Laverdure : Les Chevaliers du ciel. Il faut dire que le premier titre ne m’a jamais intéressé alors que j’ai été très rapidement fan des aventures des deux pilotes de chasse de l’armée française. Pourtant, même si la scénographie de la partie consacrée à Oumpah-Pah est un peu foutraque, il faut reconnaître que les planches proposées donnent envie de découvrir la série. Je parle de la version parue entre 1958 et 1962, la première tentative est trop malhabile. De plus, elle est mal présentée, pouvant créer une confusion dans l’esprit de certaines personnes à l’esprit un peu endormis par la digestion du repas de midi. Le journal Pilote est insuffisamment mis en avant. Il faut dire que Uderzo, même en étant un des piliers et un des membres fondateurs, n’y avait pas l’importance de Goscinny. En effet, il était débordé de travail, ayant à fournir chaque semaine les planches de deux séries à succès. L’importance de son frère, Marcel, dans la réalisation des planches de Tanguy et Laverdure, aurait pu être signalée. Mais que voulez-vous, il ne faut pas faire de l’ombre au sujet principal de l’exposition.

La dernière partie de l’exposition (située au RDC) est principalement consacrée au petit gaulois et son ami un peu enveloppé. Les planches sont magnifiques, on perçoit bien le soucis du détail, la recherche de la précision dans le dessin. Les planches, les cases, les traits… Tout est superbe. Pourtant, le fait qu’Uderzo pouvait de moins en moins encrer lui même ses planches à partir des années 1980, qu’il faisait de plus en plus appel pour cette tâche à son frère Marcel puis à Frédéric Mébarki (qui est crédité à partir du tome 29) est à peine évoquée au détour d’un cartel. S’il avait été en plus précisé que Marcel n’a jamais été crédité pour son travail, qu’il n’a pas touché de droits d’auteur, on aurait pu penser méchamment qu’Albert était quant même un peu rat, n’est-ce pas ? Et on ne peut pas reprocher à l’exposition de passer sous silence que la majeure partie des albums qu’Uderzo a réalisé seul après la mort de Goscinny sont au mieux moyens, au pire mauvais (voire très mauvais). De toute façon, ça se vendait toujours autant (ou presque).

Le mur des éditions étrangères des Aventures d’Astérix est impressionnant, la maquette du village gaulois est amusante. Néanmoins, le meilleur est ce superbe Obélix qui semble un peu perdu parmi toutes ces femmes nues (il a en plus un regard en biais qui semble zieuter discrètement toutes ces formes rebondies). Les dessins hommages ou parodiques sont plaisants à voir, surtout quand on fait attention aux petits détails. Par contre, donner autant d’importance à cette bouse qu’est Le ciel lui tombe sur la tête et oser écrire dans la présentation que les crayonnés sont d’un « niveau inégalé » et d’une « technicité époustouflante » est quelque peu abusé. Ou alors, il aurait fallu ajouter que ça l’était pour quelqu’un qui a connu de nombreux soucis de santé (Uderzo a même survécu à un cancer) et qui était à peine capable de tenir un crayon. Et, oh, surprise ? Je n’ai pas vu un mot sur la reprise de la série Astérix par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad. De toute façon, aussi bien l’exposition que le catalogue sont assez pauvres en informations et, pour cela, il vaut mieux se tourner vers le numéro spécial de BeauxArts Magasine ou d’un très bon article du Monde ou tout simplement vers la fiche dédiée à l’auteur sur Lambiek. Néanmoins, c’est une exposition à ne pas rater pour mieux comprendre le talent d’Uderzo, un des rares dessinateurs à pouvoir à ce point être à l’aise dans des registres graphiques totalement différents.

Vous reprendrez bien un peu de japonisme ?

Japonismes2018

Vous n’êtes pas sans ignorer que l’année 2018 est aussi celle des « japonismes » (il n’y a pas que le football dans la vie). En effet, depuis le mois de juillet, il se déroule (principalement sur Paris) une série d’activités culturelles liées aux 160 années des relations diplomatiques entre la France et le Japon. Bien entendu, ce sont principalement les expositions qui m’intéressent. Elles sont nombreuses et variées, d’autant que celles en relation avec la culture ou la société japonaise ne sont pas toutes rattachées à Japonisme 2018 . D’ailleurs, je n’ai pas attendu cet ensemble de manifestations pour suivre de près celles qui sont en rapport avec le Japon.

Prenant conscience à la mi-aout qu’il y avait trois expositions (dont une seule fait partie du programme) qui allaient se terminer début septembre, je me suis retrouvé à me faire une sorte de grand week-end « japonisme ». C’est ainsi que je suis allé voir « teamLab : Au-delà des limites », « Mangasia, merveilles de la bande dessinée d’Asie » et « Junya Ishigami – Freeing  Architecture », soit une exposition d’art contemporain, une autre de bandes dessinées et, enfin, une d’architecture. Si ce n’est pas de la variété, ça… De plus, il devrait y avoir au programme d’ici la fin de l’année des visites à la MCJP, aux Arts décoratifs, à Guimet et à Branly, sans oublier un petit passage à Beaubourg.

teamLab : Au-delà des limites

2018-08-Expo_teamLab-01

C’est la première exposition de la série, la seule des trois, donc, qui soit réellement rattachée à Japonismes 2018. J’y suis allé surtout pour pouvoir faire des photos sortant un peu de l’ordinaire. Mission réussie même si elles sont assez banales, les plus intéressantes étant quelques portraits de Shermane, que vous ne pourrez pas voir, cette dernière désirant garder un certain anonymat. Seul·e·s quelques privilégié·e·s ont pu voir ces fameux portrait bariolés de couleurs.

En effet, quand je compare mes création aux meilleures photos disponibles sur Instagram, je ne peux constater que, si une grande majorité sont plus mauvaises que les miennes (mais d’un point de vue technique uniquement), il y en a beaucoup qui sont largement plus réussies, tant sur le plan artistique que sur celui de la réalisation (elles n’ont pas dû être prises au smartphone).

À part ça, j’ai quand même trouvé l’exposition trop chère pour ce qui nous était présenté. Il n’y a que sept « salles » et il est nécessaire de rester longtemps dans chaque, d’avoir la patience de voir évoluer les scènes projetées, de réussir à s’immerger dans l’ambiance proposée par les artistes qui ont conçu les installations. Je n’ai eu rien de tout ça et je me suis relativement rapidement ennuyé malgré le côté spectaculaire des vidéo projections. Néanmoins, ça reste une expérience intéressante ; j’ai fait des expositions d’art contemporain qui m’ont bien plus déplu que celle-ci (Cy Twombly, par exemple).

(teamLab : Au-delà des limites à La Grande Halle de la Villette, du 15 mai au 9 septembre 2018)

Mangasia, merveilles de la bande dessinée d’Asie

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Ambiance totalement différente avec l’exposition Mangasia. Certes, j’avais acheté en son temps l’ouvrage éponyme de Paul Gravett (commissaire de la présente manifestation). Cependant, rien ne vaut la possibilité de voir réellement les ouvrages, de pouvoir apprécier leur taille, leur ancienneté, et de profiter d’une certaine mise en ambiance. Pour le coup, il fallait être motivé car il était nécessaire d’aller à Nantes (pour une fois qu’une exposition BD d’importance ne se déroule pas à Paris ou à Angoulême). Heureusement que ma complice de bande dessinée a-yin est toujours partante pour des virées plus ou moins lointaines dès que ça concerne un de ses sujets de prédilection.

Le point fort de cette exposition est la présence de nombreuses bandes dessinées venues de pratiquement toute l’Asie (principalement de l’Est et du Sud-Est, mais aussi du Sud). Il est vraiment intéressant de voir la production thaïlandaise ou philippine (par exemple), totalement ignorée par l’Occident. Si la Corée du Sud était peu présente, il y avait une place assez importante donnée aux Chines (RPC, HK, Taïwan), plutôt dans une perspective historique et il y avait une prépondérance du manga. De ce fait, il y avait un réel déséquilibre entre les différentes nationalités. Toutefois, il est facile de comprendre la raison de cette hégémonie du Japon. Comme j’en ai convenu dans la partie commentaires avec Rémi I., l’auteur d’un billet sur l’exposition, le Japon a phagocyté les marchés BD de toute l’Asie de l’Est et du Sud-Est, les Philippines étant bien le seul pays à rester sous l’influence des comics (au point que la BD s’appelle Komiks, là-bas). Et cette prédominance s’est faite aussi stylistiquement. Il suffit de voir le nombre de « manga-like » produit en Corée du Sud, à Hong-Kong ou à Taïwan (pour parler des marchés que l’on connait le mieux en France par leurs traduction et la présence de ces pays au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême).

De l’exposition « Mangasia », outre un aspect légèrement « foutraque » de l’exposition qui mélangeait assez allégrement les époques et les origines géographiques à l’intérieur de zones thématiques, je retiens surtout une belle diversité, une volonté de laisser une place certaine à la bande dessinée féminine (c’est surtout vrai pour le manga) et une belle section dédiée au sexe dans la bande dessinée asiatique. Ainsi, Paul Gravett n’a pas laissé de côté les représentations érotiques (voire pornographiques) à destination d’un public masculin (hétéro ou homo) ou à destination des femmes (hétéro ou homo, là aussi). Les expositions de BD (ou les articles de presse) ont tendance à oublier les femmes (les homos aussi, sans parler des autres minorités) dès que cela fait sortir d’une vision masculine du sexe. Notons que ce pan de la bande dessinée est très largement absent de l’ouvrage Mangasia.

Sinon, mention spéciale pour les planches d’est em, de Takako Shimura et de bien d’autres qui ont comblé de joie a-yin. Par contre, ça « manquait grave » d’œuvres de Moto Hagio et ça mériterait presque un carton jaune, là… ha ha ! Un autre point très appréciable de l’exposition est la tentative de montrer le manga au-delà de sa forme papier. Si l’évolution vers le net n’est pas très développée (les webtoons coréens, la prépublication en ligne au Japon, etc.), les trois projections d’extraits d’animés et de drama (série en prises de vue réelle), le petit jeu avec un Gundam et la projection de deux reportages tirés de la série Urasawa Naoki no Manben (des rencontres entre Naoki Urasawa et un·e mangaka), surtout celui consacré à Akiko Higashimura, proposent une diversité intéressante.

(Mangasia, merveilles de la bande dessinée d’Asie au Lieu Unique à Nantes, du 30 juin au 16 septembre 2018)

Junya Ishigami – Freeing  Architecture

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Passons à un domaine complètement différent, celui de l’architecture, japonaise en l’occurrence. Ce n’est pas la première fois que nous nous intéressons à l’architecture (il s’agit d’un des beaux-arts après tout). Je me souviens de l’excellente exposition photo « Japon, l’archipel de la maison » à la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris en 2015. Junya Ishigami est un jeune architecte qui a une vision très personnelle de ce à quoi doivent ressembler les bâtiments. Il réussit à allier design et architecture, ce qui donne des résultats assez époustouflants (pratique, je ne sais pas, mais impressionnant, c’est certain).

En règle générale, les expositions de la Fondation Cartier sont intéressantes car sortant souvent des sentiers battus. Il s’agit d’art contemporain loin des « fumisteries » (selon mon point de vue tranché et un peu fermé) que l’on peut voir régulièrement au Palais de Tokyo ou à Beaubourg. Celle-ci ne nous a pas déçus, avec de nombreuses maquettes expliquées par des cartels bien remplis, sans oublier des plans, vidéos ou photos et autres supports visuel. Comme le faisait remarquer manu, un des membres du petit groupe de mangaversiens fans d’exposition, on est cependant en droit de se demander si nombre des œuvres exposées ne risquent pas de rester à l’état de projet. En effet, la plupart ne sont pas achevées et ne semblent même pas être commencées.

La petite salle du sous-sol est parfaite pour s’endormir tant elle est sombre et qu’une des deux vidéos (41 minutes) nous berce de sa voix monotone (une Chinoise parlant un anglais très clair, rendant le sous-titrage en français inutile) et parfaitement soporifique. L’entretien (en japonais, sous-titré en français et en anglais), d’une durée de 21 minutes, passe heureusement nettement mieux. Quoi qu’il en soit, j’ai pu faire des photos intéressantes, malgré la foule (pourtant nous sommes venus tôt un dimanche matin). Voilà qui prouve, s’il le fallait, le succès de l’exposition, succès claironné par la Fondation Cartier, succès valant une prolongation qui nous a permis d’y aller !

(Junya Ishigami – Freeing Architecture à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, du 30 mars au 9 septembre 2018)

L’Art est aussi une question de sensations

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Récemment, sur un même week-end, j’ai eu l’occasion de faire deux expositions qui proposaient une « expérience » totalement différente. En effet, passer de la chaleur (au sens propre comme au sens figuré) asiatique à la froideur slave s’est révélé être un changement assez marquant, notamment sur le plan des perceptions . Pourtant, le sens commun associe plutôt l’art aux émotions et l’on ne s’attend pas à devoir ressentir littéralement des sensations physiques en visitant une exposition. C’est peut-être pour cela que visiter deux expositions aux environnements si opposés m’a permis de mieux comprendre que l’art n’est pas qu’intellectuel ou émotionnel. Certes, des performances ou des installations immersives peuvent chercher à solliciter les sens des spectateurs. De plus, il n’est pas interdit de penser que le commissaire et les scénographes d’Enfers et fantômes d’Asie aient aussi pensé leur manifestation comme devant être immersive et spectaculaire. À l’inverse, l’exposition consacrée à Kupka ne doit-elle pas être à l’image que l’on pourrait se faire de l’artiste, c’est à dire une vision de l’art surtout intellectualisée ?

Enfers et fantômes d’Asie

Musée du quai Branly – Galerie Jardin – Jusqu’au 15 juillet 2018

Aller à Branly un samedi après-midi n’est pas une bonne idée (habituellement, nous y allons le dimanche matin, à l’ouverture) tant il y a la foule pour visiter le musée à cette période de la journée. Certes, j’ai vu bien pire au Grand Palais ou à Orsay (par exemple) mais côtoyer autant de monde (l’exposition semble rencontrer un franc succès) dans un lieu aussi exigu peut rendre la visite assez éprouvante. Chaleur, manque de lumière, bruit, cris et pleurs, foule entassée : pas de doute, nous étions bien en enfer !

Il faut d’ailleurs saluer la mise en situation des visiteurs : couleurs rouge et noir pour la partie dédiée aux enfers, avec une certaine difficulté pour circuler et à accéder aux œuvres, couleurs grises et noir pour les fantômes, esprits et autres revenants, et enfin blanche (ou orangée) et noir pour la fin, celle des gardiens des sépultures. La partie la plus marquante est sans conteste la première avec ses nombreuses vidéos et représentations « réalistes » de supplices, sans oublier le passage de la porte des enfers. La zone des diverses représentations des fantômes et compagnie, notamment japonais, est plus « classique ». Toutefois, l’apogée du repoussant est sans conteste atteinte avec la l’espace dédié à la représentation des spectres thaïlandais. Âmes sensibles s’abstenir (et enfants, à écarter), hé hé !

À l’arrivée, nous avons là une bonne exposition, variée, avec une scénographie spectaculaire mais un peu pauvre en information et en contextualisation. En tant que fans de bande-dessinée (notamment asiatique), il est difficile de ne pas être déçu par la partie manga bien trop focalisée (donc trop restreinte) sur quelques noms comme Mizuki et Umezzu. De plus, le catalogue est assez décevant car trop d’œuvres n’y sont pas reproduites. Dommage car les textes semblent être de qualité…

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Kupka, pionnier de l’abstraction

Grand Palais – Entrée Champs-Élysées – Jusqu’au 30 juillet

Changement de décor radical avec l’exposition événement du Grand Palais : une grande rétrospective retraçant l’œuvre de František Kupka, de ses débuts à ses dernières créations. Il n’y a pas grand monde pour arpenter les travées, ce qui n’est pas étonnant en y allant un lundi, de plus journée à moitié fériée. S’il fait chaud dehors, ce n’est pas le cas dans l’aile Champs-Élysées à la climatisation pour le moins « efficace ». Ainsi, la faible température se retrouve être en accord avec les grands murs blancs et une certaine froideur des œuvres (même si l’artiste semblait beaucoup apprécier le jaune et l’orange), notamment dans le cas des illustrations et des peintures, ces dernières n’étant pas nécessairement abstraites.

Le classicisme de la scénographie tranche avec l’exposition du samedi précédent, son « efficacité » et sa pédagogie aussi. Sur une base chronologique, ce qui est toujours plus simple à présenter, les visiteurs découvrent ainsi l’évolution de l’artiste. Cela n’enlève rien à l’intérêt de la manifestation, bien au contraire. Il est toujours enrichissant de voir (et comprendre) comment un artiste peut passer du figuratif à l’abstraction, de voir son œuvre se construire au fil du temps. De même, les travaux de Kupka en tant qu’illustrateur « anticapitaliste » sont intéressants à observer, d’autant plus qu’ils sont particulièrement mis en valeur. Pour en revenir à la froideur, certes, les tableaux sont souvent très colorés, mais cela reste froid car manifestement réfléchi, posé, grâce à une représentation géométrique de l’abstraction. Pourtant, de la passion, l’artiste en avait, mais il la maîtrisait, manifestement !

Une excellente exposition, certes conventionnelle, mais qui permet de mieux comprendre, et donc de mieux apprécier, l’abstraction dont Kupka est devenu un des maîtres. Les grands formats présentés sont superbes et pourraient bien provoquer un sentiment esthétique même chez les plus réfractaires au non-figuratif.

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