La Bande dessinée asiatique au festival d’Angoulême (3/4)

Les festivaliers fans de manga, manhua et autres manhwa perdent le Manga Building avec la trente-huitième édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se déroule du 27 au 29 janvier 2011. En effet, le duo Julien Bastide et Nathalie Bougon n’a pas prolongé l’aventure et l’Espace Franquin est dévolu à une exposition sur la nouvelle BD belge, ainsi qu’à des spectacles et projections. 

Les années Mangasie (2011-2012)

Le nouveau responsable de ce qui est devenu l’Espace Mangasie, placé sur un côté du Monde des bulles sis Place du Champ de Mars, est Erwan Le Verger. Ce n’est pas un inconnu du festival car il faisait partie de l’équipe Tsuki qui proposait des ateliers liés au manga une dizaine d’années auparavant. Forcément, tant le Manga Building était apprécié par la délégation mangaversienne, , tant le nouvel espace l’est moins. La déception est au rendez-vous. Pourtant, force est de reconnaître que cette première édition de Mangasie est plutôt réussie, malgré un vraisemblable manque de budget. Le programme n’est pas inintéressant. L’exposition, dédiée au manga « underground » au féminin, a l’avantage d’aborder un sujet doublement ignoré : les mangaka femmes et la BD « alternative » japonaise. C’est simplement dommage que son côté « cheap » laisse une impression mitigée dès l’arrivée. L’idée de s’associer à MCM peut sembler bonne, ne serait-ce que pour essayer de s’adresser à un public jeune. Ceci dit, le manga intéressant principalement les adolescents en francophonie, cette démarche de s’associer avec une chaîne musicale du câble n’est peut-être pas indispensable pour assurer la popularité du lieu, même si les passerelles sont évidentes.

Au moins, cela permet une table ronde intéressante sur le sujet du sexe dans le manga grâce à la qualité des intervenant·e·s dont Katsuni, animatrice sur la chaine MCM et encore à l’époque star du porno. D’ailleurs, lors de cette rencontre, elle fait venir de nombreux représentants des médias dans le petit espace dédié aux animations, laissant peu de place au grand public. Les autres tables rondes sont plus anecdotiques et peu originales, même si elles sont bien animées. Il faut dire qu’Ivan West Laurence (ex-Animeland) est un spécialiste du manga et de l’animation. Les autres activités consistent en des démonstrations sur palette graphique réalisées par des auteur·e·s hongkongais·e·s ou français ·e·s. Outre le peu d’intérêt de l’exercice, les conditions d’accueil du public sont assez déplorables entre espace exigu, absence de sièges et bousculades permanentes par les festivaliers qui aimeraient circuler dans les allées. Il est donc impossible de s’y attarder, même pour regarder l’émission de Noémie Alazard diffusée en direct sur MCM. Passons sur les stands éditeurs, ces derniers se signalant surtout par leur absence : seul Kurokawa fait acte de présence, avec des vendeurs peu avenants et s’ennuyant ferme. IMHO est là aussi, ainsi que Le Lézard Noir mais on n’y reprendra plus l’éditeur poitevin : il vaut mieux pour lui être au Nouveau Monde. Trois stands représentent les différentes BD chinoises : Taïwan, Hong Kong et Pékin. Il y a donc moyen de rencontrer quelques auteurs sinisants. Le reste est composé de vendeurs de goodies et produits dérivés. Tous ces espaces sont petits par manque de place.

La seconde année de Mangasie est un ratage quasi complet. Entre un programme peu inintéressant, deux animateurs lamentables (Miko et Cartman de MCM), une exposition numérique ratée, ce n’est pas un nouvel emplacement (Le Monde des bulles 2), en théorie partagé avec la bande dessinée américaine (c’est plutôt un fourre-tout de petits éditeurs venus de tous horizons), qui sauve cette nouvelle organisation. Seul le retour de la Corée du Sud avec un beau stand (Komacon) vaut le détour. Ayons une petite pensée pour IMHO qui, avec son stand plutôt caché, a peu de fréquentation. Il y en a un peu plus uniquement lorsque son auteur invité, Atsushi Kaneko, est en dédicace. Kurokawa fait à nouveau acte de présence, ce qui n’a aucun intérêt pour nous. Inutile de dire que nous ne consacrons que peu de temps au lieu, avec toutefois ce qu’il faut pour assister à une rencontre sur le numérique avec Jérôme Chelim (qui remplace Raphaël Pennes au pied levé) de Kazé Manga et Sébastien Naeco, un spécialiste de la question.

Heureusement, la bande dessinée asiatique est présente en dehors de l’Espace Mangasie. Ainsi, en 2011, les Ateliers Magelis accueillent une exposition intéressante et instructive : « Kaléidoscope, une histoire de la bande dessinée à Hong Kong » qui retrace cinquante années de BD hongkongaise. Cette exposition est bien complétée par une conférence donnée au Conservatoire par Connie Lam et Alan Wam. Les Éditions Fei sont présentes au Nouveau Monde et la revue Special Comix, qui a gagné le prix de la meilleure revue alternative l’année précédente, a un petit stand au Nouveau Monde. De plus, les auteurs / représentants de la revue ont une rencontre organisée à l’auditorium du Conservatoire qui est animée par Camilla Patruno (traductrice et journaliste BD) et  Li-Chin Lin (auteure taïwanaise installée en France). Il y a aussi la présence en Rencontre Internationale de Riyoko Ikeda (La Rose de Versailles chez Kana), pourtant plus intéressée depuis 2009 par sa carrière de cantatrice que celle de mangaka. N’oublions pas l’exposition « off » sur YaYa, située dans un vieux bus placé en retrait sur la place Saint Martial.

En 2012, c’est au tour de Taïwan, en tant que « pays invité », de présenter ses manhua. Bénéficiant d’un bel emplacement avec une (petite) bulle située dans la cour de l’Hôtel de Ville, l’exposition « Taïwan, ocean of comics » semble plus publicitaire qu’informative, mais elle n’en reste pas moins intéressante. Enfin, il est possible d’écouter Atsushi Kaneko répondre aux questions de Stéphane Beaujean (chroniqueur BD aux Inrockuptibles, membre du comité de sélection du festival et libraire à Aaapoum Bapoum) lors d’une Rencontre du Nouveau Monde. Enfin, il est possible de rencontrer au Conservatoire quatre auteurs taïwanais venus présenter leur production. Le film Tatsumi, du réalisateur singapourien Eric Khoo est diffusé en avant première le samedi soir à l’Espace Franquin, dans la grande salle.

Les années Little Asia (2013-2015)

Devenu en 2013 « Little Asia », l’espace dédié aux bandes dessinées asiatique, dorénavant sous la responsabilité de Nicolas Finet (journaliste, spécialiste de l’Asie), est réduit à une petite salle (le Studio) située tout en haut du théâtre d’Angoulême. Elle est accessible uniquement par un interminable escalier. Il faut vraiment être motivé·e pour assister à une des sempiternelles performances graphiques, cette fois avec la participation d’auteur·e·s venus des trois Chine (Taïwan, Hong-Kong, Chine continentale), à des projections d’animés ainsi que d’épisodes de la (sans grand) intérêt websérie « Raconte-moi un manga ». Il y a quand même plusieurs tables rondes autour de la BD taïwanaise, une autre autour de l’œuvre de Leiji Matsumoto, un des invités du festival, une conférence présentant le Comix Home Base situé à Hong-Kong (animée par Connie Lam, sa directrice), et enfin, une autre consacrée à Billy Bat de Naoki Urasawa, animée par Alex Orsini (spécialiste du mangaka et responsable du site « La Base secrète »). Ne parlons pas de ce qui ose s’appeler une exposition dédiée au manga et présentant le titre Deux mangakas à Angoulême (Kana). Le résultat : un programme qui réussit l’exploit d’être plus inintéressant que l’année précédente, du moins pour le peu que nous pouvons en voir, ayant rarement le courage de monter au Studio alors qu’il y a tant d’activités intéressantes à faire au festival.

Heureusement, la bande dessinée asiatique ne résume pas à Little Asia. En 2013, la bulle de la place Saint-Martial est dédiée aux manhwa. En effet, la Corée du Sud fait très régulièrement acte de présence à Angoulême, notamment par le biais des stands de Komacon. Pour leur deuxième grande présence après celle de 2003, la Corée présente au public angoumoisin de nombreux auteurs dont certains ont été traduits en français. Surtout, une place importante est faite au webtoon, ces webcomics sud-coréens qui commencent à percer hors de l’Asie. Autre exposition, plus intéressante à nos yeux : celle en « off » consacrée aux lianhuanhua (bandes dessinées traditionnelle chinoises). D’ailleurs, à l’occasion de la sortie du coffret Les Trois Royaumes, les Éditions Fei, représentées principalement par Xu Ge Fei (la fondatrice) et Nie Chongrui (auteur du Juge Bao) participent à deux tables rondes, une à La Cité et une au Forum du Nouveau Monde.

Il faut dire qu’en 2013, les rencontres avec les auteurs asiatiques sont plutôt limitées, hors « performances graphiques » qui ne sont pas réellement intéressantes si l’on n’est pas apprenti dessinateur ou fan de la personne qui dessine. Leiji Matsumoto est l’un des invités vedettes de l’édition avec deux rencontres internationales, mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Les trois autres invités japonais ne sont pas réellement mis en avant. S’il est logique que Tomonori Taniguchi (publié au Petit Lézard) ait une rencontre jeunesse, il est regrettable qu’Atsuhi Hosogaya (un universitaire) et surtout Hisae Iwaoka (auteure de La Cité Saturne chez Kana) ne soient pas mieux utilisés, surtout que leur table ronde « La bande dessinée dans tous ses médias » n’est pas franchement une réussite. De plus, la deuxième rencontre avec Leiji Matsumoto (nous n’avons pas pu aller à la première pour cause de conflit d’emploi du temps) est massacrée par un interprétariat totalement raté, la pauvre interprète n’ayant plus l’esprit clair pour cause de fatigue excessive. C’est d’autant plus dommage que le mangaka a des choses intéressantes à dire, surtout que l’animation de Julien Bastide est bonne, avec des questions pertinentes. C’est d’autant plus dommage (bis) car Alexander Clarke, l’accompagnateur, est un excellent interprète et qu’il aurait pu prendre le relais sans difficulté, même si c’eût aurait fait perdre la traduction en simultané. Enfin, pour avoir une présentation plus globale de cette quarantième édition, il est possible de lire (et de voir) le compte-rendu 2013 de Mangaverse à Angoulême.

En 2014, Little Asia bénéficie à nouveau d’une bulle, celle située Place Saint-Martial. Benoit Mouchard n’étant plus le directeur artistique du festival depuis mars 2013, il est remplacé pour cette édition par un triumvirat composé de Stéphane Beaujean, Nicolas Finet et Ezilda Tribot (responsable Jeunesse au festival depuis plusieurs années). Il est donc légitime d’espérer qu’un programme digne de ce nom soit à nouveau proposé en ce qui concerne la bande dessinée asiatique, aidé en cela par la présence de Kazé. Las… Ce n’est pas le cas : impossible de ne pas y voir une redite de l’année précédente entre performances graphiques (sauf que cette fois, ce sont surtout des Taïwanais·es), projections de la (toujours sans intérêt) websérie Raconte-moi un manga, et nouvelle conférence sur Naoki Urasawa. L’espace en lui-même est déserté par les éditeurs francophones (ils sont dispersés dans les différentes bulles). Par contre, il est envahi par les vendeurs de produits dérivés et autres goodies. Seuls les stands des délégations taïwanaises et sud-coréennes valent la peine d’aller voir la bulle. Leur professionnalisme tranche d’ailleurs avec le reste. À l’arrivée, ce qui fait le plus parler de Little Asia est l’incident lié notamment à la location d’un stand par un groupuscule révisionniste qui refuse de reconnaître les atrocités commises par l’armée impériale durant la Seconde guerre mondiale et qui est interdit d’accès à la bulle durant le festival. Inutile de dire que nous ne mettons quasiment pas les pieds à Little Asia de tout notre séjour.

Cette fois encore, c’est en dehors de Little Asia que les fans de BD asiatique peuvent espérer trouver leur bonheur. C’est tout d’abord au Conservatoire Gabriel Fauré (dont la programmation est depuis 2011 sous la responsabilité de Jean-Paul Jennequin, spécialiste BD et traducteur) qu’il est possible d’assister à deux conférences, une sur Shôtarô Ishinomori (par Vincent Zouzoulkovsky, traducteur) et une autre sur Moto Hagio (par votre serviteur). Deux rencontres intéressantes sont proposées dans l’auditorium, la première avec Li Kunwu (Chine) et la seconde avec Tony Valente (France) dont le manfra rencontre un grand succès. L’espace Franquin permet de rencontrer à deux reprises Atsushi Kaneko (un habitué du festival), notamment à une Rencontre dite Internationale en duo avec le timide Suehiro Maruo. À l’arrivée, tout cela est bien léger, comme je l’affirmais à l’époque dans le traditionnel mini-site Mangaverse à Angoulême. Cependant, ce n’est pas bien gênant : il y a bien d’autres choses à faire et à voir… De plus, n’oublions pas l’exposition causant l’ire de quelques Japonais venus protester contre sa tenue lors du festival : « Fleurs qui ne se fanent pas » est située dans les Caves du Théâtre. Organisée par le gouvernement sud-coréen, elle veut « témoigner de l’histoire de ces femmes qui […] continuent à se battre pour la reconnaissance par le Japon de cette vérité historique faisant aujourd’hui encore polémique, […] l’histoire des femmes de réconfort ».

Pourtant, en 2015, le festival réussit à faire pire : le programme de Little Asia est absent du « heure par heure ». C’est normal : il n’y en a pas, de programme. Il n’y a pas de lieu dédié aux animations (hors du stand de Hong Kong). Il faut dire que la surface réduite (une bulle située dans la cour de l’Hôtel de Ville) ne se prête pas à la création d’un espace pour les tables rondes et sempiternelles séances de dessin en public. Il faut dire aussi que les stands de Taïwan et de Hong Kong (tous deux superbes) prennent beaucoup de place afin de proposer un bel échantillon de leurs productions « nationales ». En effet, cette année, la place Saint-Martial est occupée par le Pavillon Chine. Ce dernier met en valeur la bande dessinée venant de la ville de Canton, qui est « invitée » pour l’occasion. Donc, Little Asia, pour simplifier, est surtout composé de deux stands. Un autre emplacement, bien plus petit et basique, est occupé par le Bureau des populations aborigènes de la mairie de New Taipei City, un représentant bien improbable qui permet de remettre en valeur Chiu Row-long et son excellent Seediq Bale (Akata). Heureusement, il y a tout de même un certain nombre de manifestations plus ou moins intéressantes liées à la bande dessinée asiatique dans la programmation du festival.

En effet, les auteurs japonais sont plutôt nombreux : outre Jirô Taniguchi, le principal invité de cette quarante-deuxième édition et qui est aussi le sujet d’une grande exposition rétrospective dans le Vaisseau Moebius (ex-CNBDI), Eiji Ostuka et Junji Ito (Spirale, Le Voleur de visages, etc. chez Tonkam) sont aussi présents et participent à des Rencontres internationales (malheureusement toutes placées le même jour). Elles sont d’ailleurs toutes les trois intéressantes et bien animées. L’exposition « L’Homme qui rêve » est malheureusement décevante, sa scénographie étant ratée du fait de cartels indigents et d’un manque flagrant de cohérence. Passons sur les reproductions ratées car moirées… Atsushi Kaneko est là, lui aussi mais il n’a toujours pas droit à une Rencontre internationale en solo. Cette fois, il est à l’Espace Polar SNCF pour sa série Wet Moon chez Casterman / Sakka.

Le Pavillon Chine propose bien quelques animations mais cela consiste principalement en des démonstrations de dessin. Malheureusement, Xia Da, l’auteure des excellents Little Yu et La Princesse vagabonde est absente, étant malade, alors que nous aurions voulu pouvoir la rencontrer (l’une d’entre nous connaissant déjà son travail). Il reste toutefois une intéressante présentation de la bande dessinée chinoise par la mise en avant d’une dizaine d’auteur·e·s, dont Nie Jun, la tête d’affiche de la délégation chinoise. Le moment fort du Pavillon est son inauguration suivie de la signature d’un contrat d’édition ambitieux entre le groupe Dargaud et l’éditeur cantonais Comicfans. Le public est plutôt présent en nombre alors que ce genre de raout n’est censé n’intéresser personne en dehors des officiels et de la presse. Ce contrat aboutit au lancement du label Urban China, qui sera actif entre 2014 et 2019.

Les personnes les plus courageuses peuvent aller en haut du théâtre pour assister à des performances graphiques au Studio, histoire de revenir deux années en arrière. Eiji Otsuka propose deux masterclass au Nil (à côté du Musée du papier, tout en bas, sur les bords de la Charente). Enfin, nous pouvons toujours compter sur le Conservatoire pour nous proposer des tables rondes ou des conférences sur la bande dessinées asiatique. Elles sont au nombre de quatre dont la plus intéressante est peut-être bien celle consacrée au lettrage, Eric Montesinos étant un des adaptateurs graphiques les plus connus (et doués) de francophonie. La bulle du marché des droits n’est pas en reste avec deux rencontres réservées aux professionnels, une sur le Comix Home Base animée par Thomas Maksymowicz (Rédacteur en chef de Coyote Mag), ce qui permet ensuite de retrouver et de discuter un peu avec Connie Lam, et une autre sur l’évolution de la bande dessinée à Hong-Kong (à laquelle nous ne pouvons assister pour cause de conflit d’emploi du temps).

C’est ainsi que l’édition 2015 se révèle être un bon cru pour la bande dessinée asiatique malgré l’absence d’un programme dédié au sein de Little Asia et le loupé de l’exposition consacrée à Taniguchi. D’ailleurs, c’est toute la quarante-deuxième édition qui se révèle être d’une grande qualité, comme je l’expliquais dans le mini-site Mangaverse à Angoulême 2015. Néanmoins, Little Asia, c’est terminé : place au Quartier Asie en 2016, première année sous la direction artistique unique de Stéphane Beaujean.

Je remercie Manuka pour sa relecture et ses précieuses corrections. J’adresse aussi tous mes remerciements au FIBD et à ses différentes organisations dont 9e Art+.

La Bande dessinée asiatique au festival d’Angoulême (2B/4)

Voici le chapitre venant clore ma mise en lumière du premier « âge d’or » de la bande dessinée asiatique au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. L’année 2008 voit l’arrivée d’une importante nouveauté : le Manga Building. Comme l’annonce le dossier de presse, « le site dévolu au manga se réinvente […]. L’Espace Franquin se transforme en Manga Building pendant la durée du festival, sur le modèle des immeubles du quartier branché d’Akihabara à Tôkyô, épicentre de la culture manga. Un lieu différent pour découvrir ou retrouver le meilleur de la bande dessinée asiatique, dans toute sa diversité ». Cette organisation est mise en place durant trois années, entre 2008 et 2010, et reprend les principes vus lors de l’édition de 2007.

Sous la direction de Julien Bastide (mais nul doute que Nathalie Bougon a énormément contribué à sa mise en place), le Manga Building bénéficie d’espaces dédiés aux trois principaux types d’animations proposées : expositions, projections et rencontres / conférences. Il s’agit d’utiliser le sous-sol (avec ses trois salles) et le rez-de-chaussée du bâtiment. C’est ainsi que la salle Paul Iribe, avec ses 350 m² permet de proposer une exposition ambitieuse, que la salle Luis Buñuel admet jusqu’à 300 spectateurs pouvant assister aux principales rencontres et projections, et que la salle Georges Méliès, nettement plus petite avec ses 48 places, est dédiée aux projections et aux conférences / rencontres / tables rondes. De plus, les murs du sous-sol servent de lieu d’accrochage pour de petites expositions de planches dédiées à tel ou tel auteur. Enfin, une petite salle technique sert de lieu de repos et de stockage pour l’équipe des bénévoles (uniquement en 2008). Le rez-de-chaussée est nettement moins fonctionnel, avec un accueil général (qui ne présente aucun intérêt), un renfoncement permettant d’installer un unique stand (celui du magazine Animeland), un autre situé entre deux salles permettant (la première année seulement) de recevoir une vingtaine de personnes pour assister à des ateliers de dessin ou à trois ateliers sur la traduction des mangas.

La première année

Le programme de l’année 2008 est chargé, avec une prédominance de projections d’animés, si ce ne sont les premiers épisodes de séries à succès ou en relation avec les mangaka invités, ce sont des longs métrages d’animation, certains étant diffusés en avant-première ou en exclusivité. Inutile de dire que tout ceci ne m’intéresse pas trop : nous sommes là pour les rencontres et les expositions ! Cependant, le public répond présent. L’exposition dédiée à Lady Snowblood se résume à une poignée de planches originales (certes bien jolies) ; celle consacrée au célèbre studio CLAMP est d’un tout autre niveau. Divisée en quatre « salles », cette dernière, montée par Nathalie Bougon et Julien Bastide, est une vraie réussite (elle suscite même l’intérêt de Jean Giraud / Moebius qui vient la voir le vendredi). La première partie présente les principales thématiques que l’on retrouve dans l’œuvre de CLAMP à l’aide de nombreuses illustrations et cartels. La deuxième présente les différentes étapes de la réalisation d’un manga en présentant le rôle de chacune des quatre mangaka au sein du studio. On y trouve aussi les ateliers de dessin dédiés aux enfants. La troisième propose une vidéo où les auteures parlent de leurs tâches, de leur rôle dans le groupe. Enfin, la quatrième permet d’admirer des planches originales, sorties du Japon pour la première fois (malheureusement, les photos sont interdites). Pour être complet, évoquons la mini-exposition dédiée à l’univers Dofus et présentant le travail des auteurs sur la version « manfra ».

Concernant les rencontres, conférences et tables rondes, il faut surtout signaler la visioconférence organisée le samedi matin entre Jirô Taniguchi (présent à Tôkyô sur le site de l’Institut français du Japon) et François Schuiten (dessinateur des Cités obscures), animée par Benoit Mouchard, le directeur artistique du festival, et Julien Bastide, le responsable du Manga Building. Pendant 1h30, les deux auteurs échangent sur leur conception du médium et leur façon de travailler. Puis ils répondent aux questions du public. Grâce à Casterman, grand pourvoyeur d’invités asiatiques, les quatre jours du Manga Building sont rythmés par les rencontres avec Kim Dong Hwa (Histoire couleur terre), Yoshio Sawai (Bobobo-Bo Bo-Bobo) et Daisuke Igarashi (Sorcières) dont le compte rendu est disponible sur le mini-site « Mangaverse à ». N’oublions pas Tori Miki (Intermezzo chez IMHO) qui, comme ses trois « collègues », a droit à la grande salle Buñuel qui résonne comme une cathédrale par manque de public. Le Coréen Kang Do-ha (Catsby chez Hanguk / Casterman) et le Hongkongais Lai Tat Tat Wing (L’Enfer de Jade chez Hua Shu / Casterman) ont droit, eux, à la salle Méliès, bien plus adaptée par sa taille à ce genre de rencontre qui n’attire jamais la grande foule. Ladite salle est aussi le lieu de deux conférences : « Les onomatopées dans la bande dessinée japonaise » par Marie- Saskia Raynal (traductrice et ancienne du Virus Manga) et « De Dragon Ball à Death Note : une étude du “shônen manga” », par Nicolas Penedo (journaliste spécialisé à Animeland). Enfin, n’oublions pas l’atelier « Le Mystère des bulles : comment sont traduits les mangas ? » animé à trois reprises par Grégoire Hellot, le responsable de Kurokawa, qui a aussi proposé une conférence sur le même thème le jeudi au Pavillon Jeunes Talents (lieu qui a aussi organisé un débat sur le « manga européen») et les nombreux ateliers de dessin animés par des étudiants de l’école privée Eurasiam.

La bande dessinée asiatique est aussi présente en dehors du Manga Building avec le Pavillon Chine situé dans la cour de l’Hôtel de ville. Celui-ci présente un aperçu de la variété de la bande dessinée de la Chine continentale avec la venue d’une quinzaine d’auteur·e·s. Je dois avouer que l’équipe mangaversienne a un peu zappé cet espace, ce qui est une erreur qui ne sera pas renouvelée en 2015. Côté éditeurs, notons la présence de la Corée du Sud (stand Manhwa), de Pika, SeeBD, Tonkam, Ki-oon et Xio Pan dans Le Monde des bulles, sans oublier les espaces dédiés chez Bamboo, Carabas, Casterman, Delcourt, Glénat, Panini et Soleil. IMHO se la joue indépendant dans la bulle du Nouveau monde. Pour un peu de lecture complémentaire sur l’édition 2008, je vous conseille le compte rendu de Morgan sur le site de Mangaverse. Il y a aussi le mini-site Mangaverse à qui propose d’autres textes et photos…

La deuxième année

En 2009, c’est un peu « on prend les même et on recommence ». Le duo Julien Bastide et Nathalie Bougon est à nouveau en charge d’un Manga Building qui n’évolue qu’à la marge. Les invités japonais sont au nombre de trois : le flamboyant Hiroshi Hirata, le designer Murata Range et la francophone Junko Kawakami (qui vit à Paris depuis 2004). L’exposition principale (située dans la salle Iribe) est consacrée à Shiguri Mizuki qui, même en l’absence de planches originales, est une belle réussite (notamment grâce à la série de cinquante-cinq estampes baptisée « La Route de Yokaïdo ». L’exposition satellite propose des planches (une quinzaine d’originaux en l’occurrence) d’Hiroshi Hirata. Il y a aussi quelques illustrations de Murata Range sur un des murs du sous-sol. Il est possible d’admirer le travail de Junko Kawakami dans une petite salle (celle qui servait au repos des bénévoles en 2008) où la mangaka fait des démonstrations (en fait, elle réalise ses planches à envoyer au Japon).

Le programme du Manga Building est plutôt bien garni. Celui de la salle Buñuel (la grande) est intéressant avec principalement l’atelier « Le Manga pour les nuls » superbement animé du vendredi au dimanche par Grégoire Hellot de Kurokawa, complété par les trois démonstrations de dessin sur palette graphique (Murata Range le vendredi, Junko Kawakami le samedi et la française Raf-chan le dimanche) et quelques longs-métrages d’animation. Le programme de la salle Méliès (la petite) est moins captivant mais propose tout de même des rencontres avec Murata Range, Hiroshi Hirata et Raf-chan (qui fait du global manga avec sa série Debaser). Trois tables rondes (dont celle sur la profession de libraire spécialisé·e) et une conférence sur la fabrication des mangas complètent un programme surtout rythmé par les diffusions d’animés. Pour avoir plus de détails sur cette édition, le mieux est d’aller lire ce qui est disponible sur Mangaverse (notamment pour y lire les comptes rendus détaillés sur la table ronde concernant le métier de libraire et la Rencontre Internationale d’Hiroshi Hirata). Il y a également la page dédiée sur le mini-site « Mangaverse à ».

En dehors du Manga Building, la bande dessinée asiatique est présente dans au Monde des bulles grâce à quatre stands d’éditeurs spécialisés : Pika, Taïfu, Tonkam et Xiao Pan. L’absence de Kana, de Kurokawa, de SeeBD (qui a fait faillite en juillet 2008) et des autres se fait bien sentir pour les fans de manga et de manhwa même si, bien entendu, Casterman, Delcourt, Glénat, Milan, Panini et Soleil ont leur corner dédié. Dans la Bulle du nouveau monde, Le Lézard Noir fait sa première apparition au festival, permettant la présence du manga alternatif en l’absence d’IMHO. L’éditeur coréen Sai Comics permet aux festivaliers de découvrir la bande dessinée coréenne indépendante au Musée du papier, avec une dizaine d’auteur·e·s présent·e·s pour l’occasion, notamment pour réaliser une grande fresque collective. Au Pavillon Jeunes Talents, les fans de Murata Range peuvent assister le vendredi à une masterclass quelque peu silencieuse tant l’auteur est peu bavard sur son travail. Heureusement que Méko, l’animateur, est là pour donner un peu de vie à l’exercice. Les amatrices et les amateurs de Kiriko Nananan peuvent voir une exposition dédiée à la mangaka à la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image. Enfin, il est possible de faire le plein de goodies et produits dérivés à l’Espace Para-BD grâce à Asian Alternative et Mangashop (les deux enseignes n’existent plus depuis pas mal de temps).

N’oublions pas qu’un manga est au palmarès en 2009 : Opération mort de Shigeru Mizuki (Cornélius) remporte l’Essentiel Patrimoine.

La troisième année

Pour la troisième et dernière fois (mais nous ne le savons pas encore), la bande dessinée asiatique s’installe au sein de l’Espace Franquin, qui se transforme donc durant le festival en Manga Building. Cette année, c’est la série au succès international One Piece qui est à l’honneur. N’oublions pas qu’en 2010, la série est déjà en (long) cours depuis plus de neuf années. Le thème des pirates s’est bien sûr imposé, comme le montre la première salle. Julien Bastide et Nathalie Bougon, les commissaires, nous présentent ensuite l’univers d’Eiichirô Oda. Après deux excellentes expositions, il est impossible de ne pas être déçu par celle consacrée à Luffy et ses petits camarades. Outre un certain désintérêt de la délégation mangaversienne pour le titre, c’est le contenu de l’exposition, bien moins riche que les précédentes, qui pose peut-être problème avec son impression de trop peu. En ce qui concerne les invités, il n’y en a qu’un mais il est de qualité : Makoto Yukimura (Vinland Saga). Il est accompagné de son éditeur japonais, Mikito Takase (de Kodansha). Certes, le programme reste copieux mais il est indéniablement en deçà des deux années précédentes (par exemple, il y a beaucoup moins de diffusions). Heureusement, les excellentes performances de Grégoire Hellot, en tant qu’animateur et interprète, est l’assurance d’avoir des rencontres agréables à suivre, notamment celle entre le mangaka et Jean-David Morvan. Accordons une mention spéciale à la conférence sur le métier de tantosha donnée par Mikito Takase, mettant en lumière un des métiers méconnus de l’édition de manga au Japon. Bien entendu, l’habituelle exposition secondaire du Manga Building est consacrée à Vinland Saga. À titre personnel, c’est pour moi l’occasion de donner ma première conférence à Angoulême, et elle porte sur le shôjo manga, un domaine de la bande dessinée japonais mal perçu dans nos contrées. Notons enfin l’absence du stand Animeland, remplacé par un espace de vente proposant de nombreux titres, à commencer par One Piece et Vinland Saga. Toutefois, l’avantage d’un programme allégé de rencontres avec des auteur·e·s asiatiques permet de passer plus de temps sur les autres espaces du festival et de se consacrer aux autres bandes dessinées du monde entier.

Trois premières nous intéressent tout particulièrement : les Éditions Fei (créées par Xu Ge Fei en 2009) sont présentes au festival et proposent un excellent premier titre : Juge Bao qui bénéficie d’une petite exposition à l’accueil de l’Hôtel de Ville. La série est scénarisée par un Français, Patrick Marty, et dessiné par un Chinois, Nie Chongrui. Une autre première, dont l’importance pour le manga ne se révélera que les années suivantes, est la participation du Musée d’Angoulême au festival en mettant à la disposition de l’organisation un espace d’exposition. En 2010, une petite exposition centrée sur le Louvre permet d’admirer une illustration de Hirohiko Araki qui a réalisé la BD Rohan au Louvre dans le cadre d’une opération montée entre le Louvre, Futuropolis et Shueisha. Bien plus intéressante est la troisième première : c’est l’ouverture dans des anciens chais du Musée de la Bande Dessinée, devenant une des principales composantes de la CIBDI. L’exposition « Cent pour cent » permet de découvrir de nombreuses planches hommages réalisées par des auteurs chinois , coréens et japonais dont Ahko, Kazuichi Hanawa, Kan Takahama, Kim Dong Hwa, Laï Tat Tat Wing, Hideji Oda et Yao Feila. Il y a même un Vietnamien (Mangasia, l’ouvrage de Paul Gravett sur la bande dessinée asiatique nous montrera quelques années plus tard l’importance du médium au Vietnam) : Thi Mai Moa N’Guyen. En ce qui concerne les éditeurs présents à la manifestation, on reprend un peu les même qu’en 2009, Tonkam et Taïfu en moins. Milan abandonne ses collections asiatiques. Bref, le Festival d’Angoulême, malgré le succès de fréquentation du Manga Building, n’arrive toujours pas à donner une place réellement importante à la bande dessinée asiatique, bien au contraire…

Pour l’édition 2010, il est aussi possible de lire le compte rendu sur le mini-site dédié « Mangaverse à ». La première partie de ce dossier couvrant vingt ans de bandes dessinées asiatiques est disponible ici et la partie 2A est disponible . La troisième partie, à venir en décembre, couvrira les années 2011 à 2015. Merci à Manuka pour sa relecture et à Tanuki pour sa documentation. Enfin, j’adresse tous mes remerciements au FIBD et à ses différentes organisations dont 9e Art+.


Angoulême 2020, le bilan…

En 2020, la dernière semaine de janvier (et le premier week-end de février) a vu se dérouler le 47e Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. C’est la tradition depuis 2005 : j’y étais en compagnie de mes petit·e·s camarades de Mangaverse / Éditions H. Il s’agit encore d’une excellente édition, comme d’habitude, depuis que Stéphane Beaujean en est le seul directeur artistique. Toutefois, je ne peux m’empêcher de ne pas être aussi enthousiaste pour Manga City. Si l’année dernière, nous y avions passé beaucoup de temps (au détriment du Conservatoire), ça n’a pas été le cas pour cette année. La raison est à chercher du côté du programme, trop grand public et ne nous intéressant que très peu. D’ailleurs, comme cette programmation manga ne trouvait pas grâce à nos yeux, je ne suis allé au festival que quatre jours (soit six demi-journées d’activités, à comparer aux neuf de l’année dernière étalées sur cinq jours), trajets aller-retour compris.

Comme déjà dit, le programme de Manga City était tout sauf attrayant à nos yeux, les tables rondes étant trop grand public et semblant être là surtout pour servir la soupe aux éditeurs. Or, si je ne vais plus à Japan Expo, ce n’est pas pour en retrouver ici une version miniature sans les activités de kermesse. Ceci dit, je ne suis pas le public visé et c’est certainement mieux ainsi pour le festival, les éditeurs et les festivaliers. Après tout, je suis une sorte de boussole inversée : si ça me plait, c’est l’échec commercial quasiment assuré. Et d’ailleurs, d’après ce que j’ai pu voir dans la presse locale, la fréquentation du lieu a notablement augmentée cette année. Est-ce dû au nouvel emplacement, derrière la gare SNCF et à côté de la médiathèque L’Alfa ? Pas totalement, je pense : le précédent emplacement n’était pas réellement plus excentré.

Il n’y avait que quatre animations que j’avais prévu de suivre : deux étaient impossibles du fait d’un conflit d’emploi du temps (Kan Takahama et le prix Konishi), une autre a été zappée pour faire autre chose (Bilal et Kishiro), restait une seule activité effective. Cela fait très peu sur la quantité totale (vingt-quatre). Malheureusement, l’entretien vidéo avec Rumiko Takahashi n’était pas très intéressant, c’est le moins que l’on puisse dire. Peut-être que la version longue qui sera disponible sur le site du festival sera meilleure (et qu’une faute de traduction sera corrigée : non, Ranma ne change pas de genre, il reste toujours un garçon en esprit même quand il devient une fille : il change de sexe !). J’étais intéressé par la rencontre entre Kishiro et Bilal sur la SF, mais l’animation n’a pas été très bonne (loin de là) d’après le retour que j’ai eu d’une festivalière et d’après le compte-rendu que j’ai pu lire sur ActuaBD. Du coup, pas de regret… À l’inverse, j’ai entendu dire que le Workshop de Kan Takahama était vraiment réussi. Dommage de ne pas avoir pu y assister mais j’avais un rendez-vous « pro » au même moment dans la bulle des droits internationaux. Il y a aussi « Les reprises de manga » que j’aurai (peut-être) aimé voir (sans savoir qui faisait l’animation de la table ronde, ce qui était un peu gênant) mais le dimanche matin était consacré au bâtiment Castro… pardon, au Vaisseau Moebius.

En effet, les tables rondes éditeurs sur les mangas de chat, ou de sport, ou de que sais-je encore, non merci. Idem avec les « Coming Soon » (annonce des titres à venir par les éditeurs). Quant aux conférences carrières, si j’ai bien compris, c’était les invités (enfin, les « seconds couteaux », les deux têtes d’affiche étaient en masterclass) des éditeurs qui venaient parler d’eux et de leur carrière. Ce n’est pas que c’était inintéressant ou incohérent comme programmation. Ce n’était simplement pas pour moi. Et je le répète, ce n’était pas une mauvaise chose, bien au contraire ! Sauf que la soupe des éditeurs ou le blabla d’auteurs dont je me fiche à peu près totalement ne peuvent pas passer avant les autres animations du festival, tant il est riche en propositions d’une grande diversité, chaque année.

À part ça, la bulle de Manga City était facilement accessible (ça descend à l’aller, c’est facile et rapide à pied, nous prenions la navette manga au retour), l’espace prévu pour les rencontres était vaste, bien pensé et à l’écart des stands. Les stands de Ki-oon, Glénat, Pika, Kana, Tsume, Taïwan, Hong-Kong, etc. étaient professionnels. Il n’y avait pas trop de boutiques de goodies mais, dommage,  celle de « sushis » n’était pas présente, remplacée par l’enseigne Colombus (une chaine dont je suis très client). De plus, il était facile de circuler dans les allées (certes, je n’y suis pas allé le samedi ni le dimanche…), ce qui n’a pas toujours été le cas par le passé. Bref, rien à redire sur l’espace proprement dit, sauf que je n’y ai mis les pieds qu’à deux reprises, et assez rapidement à chaque fois. Mention spéciale pour le concours permettant de gagner un très beau tirage numérique dédicacé de l’illustration pour l’affiche réalisée par Rumiko Takahashi. C’était bien animé et amusant à suivre.

Toute l’équipe est allée à la masterclass d’Ino Asano qui se déroulait au Théâtre. Cette année, elle était intéressante, Lloyd Chéry avait bien haussé son niveau de jeu en ce qui concerne les questions. Et le mangaka nous avait préparé une longue (un peu redondante, même) explication visuelle de sa façon de dessiner en incorporant des photos retraitées pour ne laisser que les lignes afin de redessiner par dessus, ou en utilisant des outils 3D, allant même jusqu’à réaliser (projet en cours) une véritable ville aux bâtiments détaillés, y compris avec leur intérieur. Les deux heures sont vite passées malgré un état de fatigue très prononcé en ce qui me concernait.

Car, oui, une fois de plus, ce qui nous a intéressés le plus au festival (outre les expositions), ce sont les rencontres ou conférences. Sur ce point, une fois de plus, nous n’avons pas été déçus. Concernant les rencontres internationales, qu’elles soient à Franquin ou au Conservatoire, ça a été un plaisir. Comme souvent, nous avons été très « comics » cette année. Quoique pour moi, ça a été compliqué à cause des sempiternels conflits du samedi. Je n’ai pas pu aller à la rencontre avec Burns pour finir d’écrire ma propre conférence (je sais, c’est lamentable). J’ai aussi raté une heure de la conférence du formidable Alex Nikolavitch sur Warren Ellis à cause de la mienne, de conférence (au moins, j’avais uniquement à changer de salle et j’ai un enregistrement de ce que j’ai manqué) qui était aussi en conflit avec la rencontre avec Seth (mais comme pour Burns, j’ai un enregistrement et des photos grâce à Manuka, qu’il en soit mille fois remercié). Pour Burns et Seth, je peux aussi espérer les vidéos sur le site du festival, des captations semblent avoir été faites. Enfin, j’ai pu assister à la rencontre internationale avec Derf Backderf, qui était très réussie même si un des co-animateurs était vraiment trop bavard et qu’on a perdu pas loin de trente minutes à cause du dépassement de la rencontre précédente (sans oublier le casque de traduction simultanée en panne, heureusement que Backderf parle de façon compréhensible pour mes oreilles plutôt réfractaires à l’anglais).

L’autre grand intérêt du festival : le programme des expositions. Cette année encore, nous avons été conquis. Certes, tout n’est pas parfait ou tout ne nous intéresse pas mais, en matière de bande dessinée, nous avons ce qui se fait de mieux en francophonie, institutions muséales parisiennes ou bruxelloises compris. J’ai visité la moitié de la quinzaine d’expositions proposée. Les deux du Quartier Jeunesse comme celle consacrée à Catherine Meurisse ont été zappées par manque de temps. Pour « Catherine Meurisse, chemin de traverse », je pense que j’ai évité de le perdre, mon temps, vu qu’elle semblait être sans intérêt, surtout après avoir vue celle proposée par le Pulp Festival. J’aurai bien essayé d’aller à PFC #7 si j’avais pu y accéder facilement. Mais le temps manquait pour essayer de la trouver dans l’Espace Franquin. Après, moi et l’expérimentation en BD… Nous avons aussi zappé « La bande d’Antoine Marchalot dessinée » et « Aparté aquatique » : pas d’atomes crochus, pas le temps d’être curieux.

L’exposition « Les mondes de Wallace Wood » est celle qui a ma préférence. Certes, elle était un peu pointue et parfois un peu technique, mais quel bonheur de retracer, via l’artiste, plusieurs pans de la BD américaine, des westerns d’EC Comics aux magazines alternatifs, en passant par les productions grand public de Marvel et surtout par le magazine MAD (c’est par ce biais que j’ai découvert l’auteur il y a bien longtemps). Autre exposition du Musée d’Angoulême : « Yoshiharu Tsuge, être sans exister ». Sans ressentir l’enthousiasme des expositions consacrées à Osamu Tezuka (2018) et Tayou Matsumoto (2019), cette exposition est, elle aussi, vraiment réussie (comme celle sur Wood, il est possible de la visiter jusqu’à la mi-mars). Conçue chronologiquement (ce qui colle aux grandes évolutions de l’artiste), on comprend mieux l’importance du mangaka et pourquoi il se considérait comme un raté (ce qui n’était pas toujours faux, il a eu des ratés). Une fois de plus, les expositions du musée d’Angoulême sont d’un très haut niveau.

J’ai été favorablement surpris par l’exposition consacrée à Nicole Claveloux. Nous avons pu découvrir une auteure au parcours original (passant d’Ah!Nana à Okapi en passant par Métal Hurlant) et à la création diversifiée, sans oublier ses nombreuses peintures exposées à l’étage. Dommage qu’il était plus que jamais pénible de profiter de l’Hôtel Saint-Simon avec une (longue) attente pour entrer et une autre file d’attente pour aller à l’étage. Celle sur Calvo, située au Musée de la bande dessinée est réussie, intéressante et historique (il est possible de la visiter jusqu’à la fin du mois de mai). J’ai aussi beaucoup aimé celle consacrée à Jean Frisano, ça me rappelait les illustrations des publications Lug que j’ai achetées pendant quelques temps à la fin des années 1970. Les expositions « Robert Kirkman, Walking Dead et autres mondes pop », « Gunnm, l’ange mécanique » et « Lewis Trondheim fait des histoires » étaient bien sympathiques, ça aurait été dommage de les rater mais elles ne me laisseront pas un souvenir impérissable, à la différence de celles du Musée d’Angoulême. Il n’y en a qu’une que j’ai trouvé très moyenne, celle de Pierre Christin : pas pour les planches originales de Mézière ou de Bilal, superbes la plupart du temps, mais pour la scénographie un peu foutraque et surtout les textes que j’ai ressentis un peu comme claironnant « je suis un génie de la BD et je vous le démontre, croyez-moi sur parole ».

À l’arrivée, voilà une édition réussie, où j’ai pas trop mal organisé ma présence, seuls les conflits d’emploi du temps du samedi et un programme d’animations à Manga City empêcheront d’être aussi enthousiaste qu’en 2018 et, surtout, qu’en 2019. De plus, cette année, je n’ai pas trop mis les pieds dans les bulles : un passage rapide pour un rendez-vous au Marché des droits, deux passages au Nouveau monde (notamment pour quelques achats au stand du Lézard Noir et à la boutique du Festival), rien pour Le Monde des bulles et pas plus en Para-BD. Du coup, j’ai fait très peu de photos de ces sites emblématiques du festival. Pas grave, je les connais par cœur ! Il ne reste plus qu’à attendre les prochains mois pour avoir une idée de ce qui nous attends pour l’édition 2021.


Angoulême 2019, un petit bilan personnel

Deux semaines après la fin de la quarante-sixième édition du Festival International de la Bande Dessinée, il est temps d’en tirer un bilan. Celui-ci est excellent, cette année ayant réussi l’exploit d’être bien meilleure et plus riche que la précédente, qui avait pourtant remonté la barre de façon spectaculaire depuis que Stéphane Beaujean se retrouve seul directeur artistique. Ceci dit, tout le monde ne doit pas penser la même chose tant il a donné de l’importance à la bande dessinée venue du Japon ou à celle venue des USA. Il nous a fallu cinq journées (déplacements aller-retour compris) pour suivre le programme proposé et, comme toujours, sans pouvoir tout faire.

Manga City, le jeudi en fin d’après-midi

Dans la distribution des bons et mauvais points, commençons par Manga City. Le nouvel espace dédié aux bandes dessinées asiatiques se retrouve excentré par rapport aux années précédentes en passant du plateau au terrain de sport situé derrière les chais, mais il faut reconnaître que le gain de place (et donc de confort) valait ce petit désagrément, surtout que la navette Manga City a bien fonctionné et s’est révélée être très efficace, au point de ne jamais avoir besoin d’utiliser les bus BD pour passer du bas au plateau d’Angoulême.

L’abribus près du CGR, le vendredi matin

Cette année, nous avions un véritable espace d’animation avec un cycle de rencontres et de tables rondes bien plus intéressant que les années précédentes. S’appuyant sur une partie de l’équipe éditoriale (enfin, surtout sur Fausto Fasulo, le rédacteur en chef, qui s’est révélé être un bon animateur) de la revue ATOM, donc un gage de qualité, il y a eu de nombreuses rencontres et tables rondes intéressantes, la plus intéressante à nos yeux étant celle avec Taiyô Matsumoto proposée le dimanche en début d’après-midi.

La table ronde sur le shôjo manga, animée par Fausto Fasulo, le vendredi soir

Stéphane Ferrand, le remplaçant des Nicolas Finet et Erwan Le Verger qui avaient incroyablement tiré vers le bas (à leur décharge, ils manquaient peut-être de moyens et de place) la partie manga du festival (ce qui nous faisait regretter chaque année le Manga Building à l’Espace Franquin), a réussi à nous proposer un lieu donnant envie de venir et de revenir. Il faut dire que nous pouvions circuler sans difficulté, que plusieurs stands éditeurs (Kana, Pika, Ki-oon et Glénat) étaient « pro » quoique pas très grands (ce n’est pas Japan Expo), que les espaces de Taïwan, Hong-Kong et de Corée étaient comme d’habitude de qualité, que le lieu n’était pas envahi de vendeurs de goodies et autres produits dérivés, qu’il y avait un bar à sushi très correct pour y manger le midi, etc.

Le co-commissaire de l’exposition Dessiner l’enfance la présentant, le jeudi matin

L’autre excellent point du festival concerne les expositions. Certes, nous ne les avons pas toutes faites mais à part celles consacrées à Rutu Modan et Jean Harambat, plutôt décevantes, elles se sont révélées être d’un très haut niveau, comme souvent avec 9e Art+. Mention spéciales aux expositions « Batman 80 ans », « Taiyô Matsumoto, dessiner l’enfance » et « Richard Corben, donner corps à l’imaginaire », vraiment très réussies au niveau de la scénographie et des cartels.

L’exposition Batman 80 ans, le mercredi soir

« Batman 80 ans », très spectaculaire, réussissait l’exploit de pouvoir s’adresser à la fois au grand public et aux connaisseuses et connaisseurs. Son succès public a dû dépasser les espérances, j’ai entendu parler de plus de trois heures d’attente pour pouvoir y accéder le samedi. Dommage qu’elle ne durait que cinq jours (nous y sommes allés le mercredi, journée pro). Les expositions « Tsutomu Nihei, l’arpenteur du futur », « Tom-Tom et Nana présentent tout Bernadette Després » et « Manara, itinéraire d’un maestro » étaient à ne pas rater.

Le Conservatoire, le samedi midi

Du coup, nous n’avons pas passé énormément de temps au Conservatoire pour suivre les conférences et rencontres qui y étaient programmées, à la différence des années précédentes. La faute à un programme trop concentré sur le vendredi et le samedi, entre la fin de matinée et le début d’après-midi, obligeant à faire des choix cornéliens. C’est d’ailleurs, et ce n’est pas nouveau, un des points noirs de cette édition. Ce qui nous intéressait le plus tombait trop souvent en même temps, sur des sites assez éloignés les uns des autres. Un meilleur étalement des activités en rapport au manga serait une bon idée, en ce qui nous concerne. Le samedi, soit nous assistions à la masterclass de Taiyô Matsumoto, soit nous assistions aux rencontres avec Shinichi Ishizuka (Blue Giant chez Glénat) puis avec Paru Itagaki (Beastars chez Ki-oon). Le soucis est que tous les ans, il y a aussi plusieurs conférences sur les bandes dessinées étrangères qui nous intéressent et qui entrent en conflit avec le reste du programme du festival. Les années précédentes, cela n’était pas un tel soucis, vu la faible qualité des animations de l’espace manga, mais cette année, ça a été une grande source de frustration.

La fameuse masterclass du samedi après-midi

Le grand raté de cette édition est, pour nous, la masterclass de Taiyô Matsumoto. Comme je le craignais, Lloyd Chéry l’animateur, n’a pas été au niveau. Ce n’est pas qu’il n’avait pas préparé la rencontre, il l’avait manifestement travaillée. C’est surtout que ça correspondait à une présentation de l’auteur, de son œuvre et à destination du grand public, des personnes ne connaissant pas Taiyô Matsumoto. Malheureusement, c’était une masterclass, et, pour moi, ça doit être une rencontre technique, abordant la manière de travailler, parlant du processus de création, montrant comment le mangaka dessine. Il n’y a rien eu de tout ça, juste une présentation des principales séries disponibles en français. Bon, il ne faut pas regretter d’y être allé, la présence en France de Taiyô Matsumoto est si rare… D’autant plus que la rencontre internationale à Manga City du dimanche matin, animée par Xavier Guilbert et Stéphane Beaujean (deux vrais connaisseurs du travail de l’auteur) était vraiment réussie, ce qui compense la déception de la masterclass. En fait, il aurait fallu inverser les deux rencontres…

Dédicace T. Matsumoto, le jeudi soir

Je retiens aussi, dans les bons points, l’organisation par Kana des dédicaces de Taiyô Matsumoto. Tirage au sort limité à 100 tickets par jour, une chance sur deux de gagner, quatre jours de dédicaces, achat nécessaire seulement pour valider le ticket gagnant avec la possibilité d’avoir la dédicace sur une autre œuvre du mangaka, c’était bien organisé… du moins, pour les francophones. Heureusement pour les délégations hongkongaises et taïwanaises qu’a-yin était là pour leur expliquer en cantonais puis en une sorte d’anglo-mandarin le système, cela aura permis à quelques Chinois·e·s amatrices et amateurs de Taiyô Matsumoto de pouvoir le rencontrer en dédicace. En plus, le jeudi, nous n’étions qu’une cinquantaine, ce qui fait que tout le monde a été servi en ticket gagnant.

L’au-revoir à Manga City, le dimanche après-midi

À l’arrivée, cette quarante-sixième édition s’est révélée être une des meilleures que j’ai pu suivre (j’en suis à ma seizième, cela commence à compter) et que j’attends avec une certaine impatience (déjà) la prochaine avec Rumiko Takahashi en présidente. Malheureusement, a-yin, ma compère d’Angougou, va avoir sa visite compliquée par le nouvel an chinois 2020 (le réveillon tombe le vendredi soir). Une petite ombre que l’annonce de l’exposition Tsuge ne peut suffire à éclaircir… Bah, on verra bien d’ici là !

Angoulême, retour sur 3 jours intenses (3)

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Troisième et dernier jour au festival. Fatigue accumulée mais programme chargé. C’est pourtant courageux et motivés que nous sommes arrivés à l’Hôtel de Ville, sans encombre et avant 10h. Au programme, récupérer Shermane accompagnée de Monsieur et faire dès le matin un maximum d’expositions « difficiles d’accès » – comprendre celles consacrées à Cosey (du fait de son lieu) et à Tezuka et à Urasawa (du fait de leur popularité). Mais avant cela, et après avoir passé un trop court moment à parler bande dessinée chinoise autour d’un café crème (accompagné de chocolatines) avec Laurent Mélikian, j’ai dû rejoindre Taliesin à l’exposition consacrée à Sonny Liew, que nous n’avions pas eu le temps de voir la veille. L’avantage des expos situées aux caves du Théâtre, c’est qu’elles sont peu fréquentées et faciles d’accès. Le dimanche matin, à l’ouverture, c’est encore plus vrai. Ce qui n’était pas prévu, c’est de voir l’auteur en dédicace en repartant. Bien entendu, nous en avons profité pour nous faire dédicacer deux exemplaires de Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée (pour avoir chacun le nôtre), Taliesin en profitant pour continuer la discussion entamée la veille lors de la Rencontre Internationale.

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Du coup, c’est avec un peu de retard que nous avons récupéré Shermane (le TGV était pratiquement à l’heure) qui a eu ainsi le temps de regarder les panneaux de l’amusante exposition « Le monde selon Titeuf » placée devant l’Hôtel de Ville. Retard qui s’est révélé sur le moment préjudiciable étant donné la file d’attente devant l’Hôtel Saint-Simon pour l’exposition consacrée à Cosey. Alors que Taliesin restait faire la file car elle tenait absolument à voir le travail du Président de l’édition 2018, je suis retourné faire l’exposition Tezuka avec Shermane. J’ai pu ainsi compléter mes photos de planches et de festivaliers ; puis nous avons fait rapidement « Venise sur les pas de Casanova ». Pas très intéressante, je dois dire. Je ne suis pas fan de la peinture de Canaletto (et de ses pairs). Quant aux dessins par huit auteurs de BD inspirés par Venise, ils étaient… peu inspirés, j’ai trouvé. Il y avait pourtant de quoi faire avec la figure de Casanova au lieu de peindre de façon statique la ville ou des femmes nues. Seule la fresque de Kim Jung Gi sortait vraiment du lot.

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Il était alors temps de passer à l’incontournable du dimanche angoumoisin : l’anniversaire (un peu en avance) de Manuka, malheureusement sans Taliesin (à l’espace Franquin) ni Shermane (quelque part dans la ville, avant qu’elle aille sur le stand du Lézard Noir puis à l’Hôtel Saint-Simon). Cette année, c’est Tanuki qui a fait le photographe. J’étais à la remise des cadeaux (je suis persuadé que c’est mieux lorsque c’est Taliesin ou beanie_xz qui officie… Sexisme, quand tu nous tiens, hé hé…) Ce fut aussi l’occasion de découvrir un nouveau et excellent restaurant : Chez H (rien que le nom me donnait envie d’y aller) qui propose une cuisine de « spécialités chinoises, tout à la vapeur, tout fait maison ». Si vous passez dans le coin, je ne peux que vous conseiller d’y faire un tour : c’était très bon . Et le service savait être rapide pour les festivaliers pressés. Après l’intermède anniversaire, il était temps de reprendre le cours des événements. Cela commençait par un dernier passage à la Bulle du Nouveau Monde pour voir Shermane dans une longue file d’attente pour une dédicace de Shinzo Keigo et, pour moi, d’aller rencontrer Lounis Dahmani en dédicace à La Boite à Bulle et lui dire tout le bien que je pensais de Oualou en Algérie, tout en lui demandant un petit dessin, bien entendu. Il ne reste plus qu’à attendre une prochaine aventure du détective privé « français comme Zidane », en projet mais assez peu avancé, il faut le dire.

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Il était alors plus que temps, pour Manuka et moi, d’aller à l’Espace Franquin pour faire les expositions consacrées à Gilles Rochier et à Naoki Urasawa pendant que Taliesin assistait à la conférence de ce dernier dans la salle voisine. Deux belles expositions, sur deux auteurs très différents à la fois dans leurs propos et dans leur dessin. C’est aussi ça le point fort du Festival d’Angoulême : proposer dans un même lieu des œuvres éloignées thématiquement et stylistiquement. C’était l’occasion de recroiser Vlad, le co-commissaire de l’exposition Cosey. J’ai pu lui assurer que Taliesin n’avait pas manqué celle-ci et semblait l’avoir appréciée. Quant à « Tenir le terrain », le résultat était excellent avec à la fois la présentation de l’auteur, de son œuvre (dont je ne connaissais pas tous les aspects, notamment ses travaux en microédition) tout en mettant en lumière la banlieue parisienne. L’exposition Urasawa était, elle aussi, intéressante mais souffrait d’une scénographie un peu trop répétitive, d’explications insuffisantes au début, notamment sur la raison de chapitres entiers présentés sur des murs. En fait, pour comprendre les intentions du mangaka, il fallait avoir regardé la vidéo où il expliquait sa vision du manga. Problème, celle-ci était placée à la fin du parcours. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Taliesin : refaire le parcours après avoir visionné ladite vidéo pour mieux comprendre ce qui nous était présenté et comment. D’ailleurs, elle n’a pas été la seule à vouloir refaire l’expo, nous avons croisés Urasawa qui refaisait un petit tour en ayant l’air de bien s’amuser. Il est prévu d’aller voir très prochainement l’exposition à Paris pour voir comment elle a été adaptée à un autre environnement.

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Mine de rien, il commençait à se faire tard et il allait falloir songer à rentrer car 4h de route allaient nous attendre (6h en réalité entre pause autoroute / diner durant pratiquement une heure et bouchon après le péage de Saint Arnoult sur l’A10). Mais histoire de donner un peu plus de temps à Shermane d’apprécier sa première visite à Angoulême, il a fallu jouer les prolongations, ce qui nous a donné l’occasion d’aller voir les 45 affiches du festival présentées dans le local de l’Association FIBD Angoulême puis de manger une crêpe (Nutella™ pour Taliesin, beurre-sucre pour moi), histoire de prendre des forces avant de partir. Voilà, c’était tout pour cette fois-ci, rendez-vous est déjà pris pour la prochaine édition et une exposition sur l’œuvre de Tayou Matsumoto (le bon, pas l’autre, le mauvais, qui est déjà venu au festival), ce qui nous motive à l’avance.

Et revoilà Angoulême !

Angou2018

La conférence de presse de la quarante-cinquième édition du Festival International de la Bande dessinée approche ! Elle permettra d’avoir une idée plus précise du programme qui nous sera proposé en janvier 2018 (et accessoirement de connaître la sélection officielle). Et c’est ainsi que votre serviteur réalise qu’il va (sauf accident) participer pour la quinzième fois au grand raout de la BD francophone. En effet, depuis 2004, je suis un festivalier assidu, étant passé au fil du temps du statut de simple visiteur payant à celui de « journaliste » et conférencier. Dernièrement, je me suis demandé ce qui pouvait justifier ou expliquer que je passe plusieurs jours aussi loin de mon domicile, alors que je suis plutôt casanier. Et surtout, pourquoi l’envie est-elle toujours là, alors que je ne vais plus au Festival International du Film d’Animation d’Annecy (8 éditions de 2003 à 2010) ou à Japan Expo (12 éditions de 2003 à 2015) ?

En ce qui concerne l’arrêt de ma fréquentation de ces deux dernières manifestations, la réponse est assez simple : l’évolution de la programmation du FIFA d’Annecy l’amène vers toujours plus de longs métrages, à ma grande contrariété.  Cela a eu raison de ma motivation, d’autant que j’y étais un peu seul la plupart du temps lors des dernières années. Quant à Japan Expo, là encore c’est  simple : je n’y vais plus parce que le programme est sans intérêt ; les copains éditeurs sont trop occupés sur leurs stands ; et surtout, l’organisation a fermé mon compte après m’avoir refusé mes demandes de badges en 2016. Et comme il est hors de question que je paye pour aller dans un supermarché ou que je fasse l’effort de demander un accès presse alors que rien ne m’intéresse…

Toutefois, cela n’explique en rien pourquoi je continue à aller à Angoulême, une petite préfecture sans grand intérêt touristique (à la différence de Saint Malo par exemple) perdue au milieu de nulle part en plein mois de janvier. Comme pour le FIFA d’Annecy en son temps, il s’agit pour moi de prendre de petites vacances de trois à quatre jours où j’oublie tous les soucis professionnels et où je me plonge dans un autre monde, tourbillonnant. En effet, à la différence des autres festivals de bande dessinée que j’ai pu faire, il faut bien trois jours pour faire le tour de la programmation (je ne dis pas tout faire, c’est impossible). Des manifestations aussi plaisantes que SoBD ou Pulp Festival sont généralement bouclées en une grosse demi-journée. Quai des Bulles (que je referais bien pour le côté vacances et la qualité de la programmation, du moins quand a-yin aura le courage de m’accompagner à nouveau dans ce long périple) ne prend qu’une journée pour en faire le tour, tout comme Livre Paris.

En effet, la véritable raison est là : la qualité de la programmation. Il est assez incroyable de voir la différence entre le festival d’Angoulême et les autres manifestations du même genre, même les plus renommées comme celle de Saint Malo. Le nombre et la diversité des rencontres, la qualité des conférences et surtout la taille et l’intérêt des expositions sont sans commune mesure avec tout ce que j’ai pu voir autre part en quinze années de festivités bédéphiles diverses. La place dédiée au festival, le professionnalisme des stands, la variété des éditeurs et des auteur·e·s sont sans équivalent en France et plus que rares dans les autres pays, d’après ce que j’ai pu comprendre. Et c’est pour cela que je serai présent à la conférence de presse de l’édition 2018 du festival d’Angoulême, que je serai au festival lui-même dans deux mois et que je passerai des heures à faire un compte-rendu photographique (c’est mon « boulot », je suis « presse » après tout !).